Avant de s’engager dans l’achat d’une clientèle, les conseillers auraient donc tout intérêt à effectuer quelques recherches sur le vendeur, notamment sa pratique, sa méthode de travail, ou encore son rapport à la conformité. «Ça peut éviter de trouver des squelettes dans le placard», souligne Léon Lemoine, planificateur financier et assureur-vie agrée pour Services financiers Whitemont.

Ces vérifications d’usage devraient tout autant s’appliquer à la clientèle. «Étudier les dossiers en profondeur permet de voir si les normes sont respectées sur le plan de la conformité et de la règlementation», continue celui qui a fait l’acquisition de deux books au cours de sa carrière.

Sans compter que cette opération peut avoir des répercussions sur le prix d’achat. «Moins la clientèle est suivie, moins elle sera chère, confirme Normand De Champlain, président de N.D.C. Services financiers. D’autant plus que c’est facile de voir les dernières notes qui ont été ajoutées dans un dossier.»

Une fois l’entente signée, il incombe au vendeur de faire part de ses intentions à sa clientèle, donnant par la même occasion le feu vert à l’acheteur.

Renouer le contact

«Je suis toujours surprise d’entendre que des clients n’ont pas été contactés depuis longtemps», se désole Sara Gilbert.

Selon elle, ce phénomène s’explique essentiellement par la nature du secteur de l’assurance, davantage axé sur la vente que sur le service. «Il faut changer cette mentalité», estime la conférencière.

L’acheteur devrait donc y voir une occasion d’établir, de façon proactive, une saine communication. «Plus vite on rencontre un client, plus on limite les pertes», soutient Normand De Champlain.

En apprenant le départ imminent de son représentant, l’investisseur pourrait en effet être tenté de se tourner vers un autre conseiller, surtout s’il a été sollicité. Il est donc primordial d’établir rapidement le contact. «Une fois qu’on a rencontré le client, il fait partie intégrante de notre clientèle», continue-t-il.

Sans oublier que les nouveaux acquéreurs disposent d’un délai d’un an pour mettre à jour le profil de leurs clients et se conformer aux exigences de la réglementation.

Si le président de N.D.C. Services financiers préconise de ne pas attendre plus de trois mois pour amorcer la communication, il reconnaît que la tâche est ardue. Pour gagner en temps et en efficacité, il s’est entouré d’une petite équipe. «Nous sommes trois à participer au processus de rencontre, explique-t-il. Nous nous répartissons les clients selon nos affinités et nos spécialités.»

De son côté, Sara Gilbert suggère de segmenter sa clientèle. «Le monde de l’assurance est à part, souligne-t-elle. Les books sont composés de beaucoup, beaucoup de clients.»

Il existe plusieurs façons de fractionner ses clients par catégories. Si certains conseillers choisissent de se baser sur la valeur du portefeuille ou sur les revenus, d’autres préfèreront se concentrer sur des critères comme le potentiel de croissance, par exemple.

Cet exercice permet ainsi d’être plus efficace, mais aussi de mieux servir les clients. «On va privilégier une rencontre avec les clients des catégories A et B, et opter pour un appel téléphonique avec ceux de la catégorie C», illustre Sara Gilbert.

Démontrer sa valeur ajoutée

«Au début d’une relation, il ne faut rien tenir pour acquis, soutient Léon Lemoine. Les compteurs sont à zéro.»

Si cette prise de contact permet au nouveau conseiller de se présenter et d’apprendre à connaître sa nouvelle clientèle, c’est aussi l’occasion de faire une bonne première impression et de démontrer sa valeur ajoutée.

«C’est le moment de se faire valoir et d’énumérer les différents services que l’on a à offrir, continue le planificateur financier, qui n’hésite pas à mettre de l’avant sa pluridisciplinarité et son important réseau professionnel. Les clients voient rapidement ce qu’ils y gagnent.»

«Nous organisons aussi des évènements corporatifs pour expliquer à nos nouveaux clients comment nous travaillons et quelles sont nos stratégies d’investissement, raconte Léon Lemoine. Cela permet de cultiver un sentiment de confiance et les encourage à poser des questions.»

Cette démarche s’est d’ailleurs avérée payante pour Léon Lemoine, qui n’a enregistré aucune perte lors de ses deux acquisitions.

«Aujourd’hui, tout le monde se positionne en gestion de patrimoine, témoigne Sara Gilbert. Celui qui s’occupe des placements va donc forcément être amené à parler d’assurance avec le client.»

Ceux qui n’offrent que de l’assurance pourraient par ailleurs proposer à leurs clients des catégories A et B d’entrer en contact avec leur conseiller en placement afin de s’assurer que les mesures mises en place cadrent avec le plan de succession.

«Cela prouve que l’on s’implique et que l’on a leur santé financière à coeur», ajoute la conférencière.

Elle pense aussi que les représentants auraient également tout à gagner à mettre l’accent sur leur proposition de service. «On ne veut pas vendre, mais offrir un conseil, insiste-t-elle. Cette première rencontre sert à réévaluer les besoins des clients, et à voir s’ils ne sont pas trop, ou trop peu, assurés.»

L’intégrité à tout prix

Après avoir connu une vingtaine d’acquisitions en raison de départs à la retraite, Normand De Champlain s’est aperçu que les clients ne se formalisaient finalement que très peu de ce changement de garde. «Certains se réjouissent même d’avoir une équipe plus jeune», confie-t-il.

Toutefois, cette opération de séduction ne doit en aucun cas mettre à mal l’intégrité de l’ancien courtier. «Il faut protéger à tout prix la réputation de notre prédécesseur, poursuit Normand De Champlain. Nous devons aussi faire comprendre à nos clients que les produits évoluent d’une époque à l’autre.»

«Il est important de mettre l’accent sur la nouvelle relation que l’on est en train de bâtir ensemble, indique Sara Gilbert. On pourrait, par exemple, dire à notre client : « C’est moi qui ai le plaisir de m’occuper de vous à partir d’aujourd’hui ».»