« On a beau dire qu’on a vécu la bulle Internet, nous avons réellement vu l’abysse d’un peu plus proche lors de la crise en 2008, illustre Jacques Lacroix. Mais nous sommes passés au travers et ce fut une expérience très formatrice. »
Depuis son lancement en septembre 2006, le fonds BT Global Growth a généré un rendement annuel de 11,03% par année (en date du 30 novembre 2015). En comparaison, l’indice TSX composite a généré un rendement de 4,12% et l’indice S&P 500, un rendement de 9,65% pour la même période, selon les données fournies sur le site internet de BT Global Growth. L’actif sous gestion, à la fin de 2015, est évalué à près de 40 millions de dollars (M$).
Sous la nécessité, il vaut mieux se faire ingénieux
C’est un concours de circonstances qui a mené Jacques Lacroix à se lancer en affaire et à fonder un fond de couverture (hedge fund). Titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en finance, détenteur du titre CFA (Chartered Financial Analyst), il a oeuvré 15 ans au sein de Telesystem International Wireless (TIW).
De 2000 à 2005, Jacques Lacroix a été vice-président de la planification stratégique, assumant notamment à compter de 2003 la responsabilité des communications et des relations avec les investisseurs corporatifs.
« J’étais alors de l’autre côté de la clôture et j’effectuais notamment de l’évaluation d’opportunités d’investissement à l’échelle internationale », explique-t-il.
Chez TIW, Jacques Lacroix a vécu « la vague extraordinaire ayant marqué le début des années 1990. C’était la bulle technologique et nous pouvions, de façon rapide et à partir d’un seul plan d’affaires, financer des projets à hauteur de centaines de millions de dollars ».
L’éclatement de la bulle a changé les règles. « Au siège social, nous sommes passés d’une centaine à une vingtaine d’employés, parce que tous les projets qui ne rapportaient pas d’argent à court terme ont été élagués », évoque-t-il.
En 2005, TIW a été vendue à Vodafone pour un montant de 3,5 G$ US et la prise en charge d’une dette d’environ 950 M$ US. C’est à ce moment qu’un ancien collègue, Paul Beatie, a amené Jacques Lacroix à s’impliquer dans le développement du projet de fonds BT Global Growth.
« Paul Beatie avait toujours nourri un intérêt pour la gestion de portefeuille et l’investissement dans les marchés financiers. Il avait quelques contacts et nous avons réussi à récolter dès le départ près de 4 M$, incluant un peu de nos fonds personnels. C’est ainsi que l’aventure de BT Global Growth s’est amorcée à l’automne 2006 », se rappelle Jacques Lacroix.
À noter que parallèlement, à compter de 2006, Jacques Lacroix est aussi devenu cofondateur et associé directeur d’Echo Capital, un partenaire d’Echo Capital FIER Outaouais LP, une firme privée investissant du capital de développement dans des petites et moyennes entreprises établies dans la région de l’Outaouais.
Toute médaille a son revers
Lorsqu’une firme amorce ses activités, le chemin classique consiste à se construite un historique de performance pendant quatre à cinq ans, puis à lorgner ensuite du côté des investisseurs institutionnels, rappelle Jacques Lacroix.
« Le problème, c’est que nous avons amorcé nos activités en 2006 et qu’il est survenu quelques événements à partir de là », souligne-t-il.
« Bien que tout se soit d’abord déroulé correctement pour nous, l’été 2008 a été pénible et nous avons souffert, raconte Jacques Lacroix. Nous avons beau dire que nous sommes allés à l’école, que nous possédons 20 ans d’expérience dans le milieu de la finance et que nous sommes prêts à toute éventualité, c’était du jamais vu et personne ne pouvait prétendre avoir vécu une situation comme celle-là. »
BT Global Growth a toutefois réussi à redresser le bateau en misant sur les liquidités, puis en achetant une combinaison d’or et de dollars américains. À compter de la mi-septembre 2008, la firme s’est maintenue au-dessus de son capital initial et a généré des profits pendant une douzaine de mois consécutifs.
« Il y a bien du monde qui a critiqué la Fed d’avoir sauvé les banques, mais je pense qu’il n’y avait aucune autre alternative. Personne ne savait ce qu’il y avait l’autre côté du mur et je suis convaincu que personne ne tenait à le savoir », estime Jacques Lacroix.
L’inconvénient, suite à la crise, c’est qu’un très bon historique de performance n’était plus suffisant pour contrebalancer le besoin de sécurité des investisseurs, dit-il.
« Sans compter les frasques de Bernard Madoff et de Vincent Lacroix, qui ont contribué à rendre les investisseurs encore plus nerveux à la perspective d’investir ailleurs que chez les joueurs établis. On nous disait : ‘‘vous avez l’air bien fin, mais je vais aller chez Jarislowsky Fraser ou chez Letko Brosseau, car je ne veux pas prendre de risque » », évoque Jacques Lacroix.
Les yeux tournés vers l’avenir
Le chemin de la croissance a donc été plus long que prévu. « Il a fallu continuer à nourrir notre historique de performance, croire en nous et s’en tenir résolument à notre philosophie d’investissement », signale Jacques Lacroix.
Aujourd’hui, BT Global Growth concentre résolument son offre auprès des clients à valeur nette élevée et ne compte aucun investisseur institutionnel au sein de sa clientèle. « Nous continuons néanmoins à cogner à certaines portes, mais nous n’investissons pas beaucoup d’énergie dans cette avenue. »
De même, le fonds BT Global Growth est toujours activement impliqué sur le marché des devises afin de couvrir le risque des impacts négatifs liés à la croissance de la masse monétaire et la dépréciation subséquente des devises. Les gestionnaires privilégient une approche fondamentale et leur philosophie d’investissement favorise l’utilisation d’actions canadiennes dont la perspective de croissance est mondiale.
« Entre 70 et 95 % des actions que nous achetons sont inscrites au Canada, sauf que nous cherchons des entreprises dont la croissance ne dépend pas de l’économie canadienne. C’est le cas par exemple de la minière montréalaise Osisko. Son plan d’affaires repose sur le prix de l’or tel qu’il est établi à l’échelle mondiale, cite Jacques Lacroix. Même dans la petite capitalisation, nous investissons notamment dans des entreprises américaines qui, pour des raisons de taille, de coût ou d’exigence réglementaires, sont inscrites à la Bourse de Toronto, mais qui n’ont aucune activité au Canada. »
Le 1er février 2014, BT Global Growth a lancé une version internationale de son fonds, inscrite aux îles Caïmans. « Il s’agit à peu de choses près d’une réplique du fonds canadien, mais qui est offert à des investisseurs non canadiens. Nous avons choisi de lancer ce fonds afin de répondre à la demande d’investisseurs qui, pour des raisons fiscales, ne pouvaient investir dans le véhicule canadien », explique Jacques Lacroix.
L’actif du fonds international représente environ 45 % de l’actif total sous gestion de BT Global Growth, qui est évalué à 40 M$.
Le fonds BT Global Growth est inscrit sur la plate-forme FundSERV. La prochaine étape, selon Jacques Lacroix, serait de l’amener à prendre la forme d’un placement enregistré. « Présentement les investissements sont effectués hors RÉER. Un produit enregistré offrirait davantage de flexibilité aux conseillers. »
L’investissement minimal, présentement fixé à 150 000$ canadiens (25 000$ pour les investisseurs qualifiés), pourrait alors être réduit, selon Jacques Lacroix.