Parmi celles qui restent en suspens, certaines coûteraient cher aux clients riches.

«Beaucoup de recommandations relèvent d’abord du fédéral, et dépendent donc du parti qui sera au pouvoir l’an prochain. Par exemple, en ce qui concerne les règles sur les gains en capital, je doute fortement que le Parti conservateur veuille y apporter des changements», mentionne Luc Lacombe, fiscaliste et associé chez Raymond Chabot Grant Thornton. Il considère que Québec, dans son dernier budget, a en quelque sorte balayé cette question dans la cour du fédéral.

La CEFQ a recommandé d’éliminer l’inclusion partielle du gain en capital et son remplacement par la prise en compte du gain en capital réel, soit le gain en capital qui tient compte de l’inflation. Le gain en capital serait ainsi imposé normalement, comme n’importe quel autre revenu.

Actuellement, seule la moitié du gain en capital est prise en considération dans la détermination du revenu imposable. Ce taux d’inclusion de 50 % est «en bonne partie arbitraire» et n’est pas lié à l’inflation.

«Il est particulièrement difficile de justifier un tel taux pour combler l’inflation pour un bien détenu sur une courte période», ont écrit les membres de la commission présidée par Luc Godbout, directeur du Département de fiscalité à l’Université de Sherbrooke.

Or, le ministère des Finances a aussi annoncé la création d’un comité de travail chargé d’interpeller le gouvernement fédéral au sujet d’enjeux évoqués dans le rapport Godbout, notamment l’imposition des gains en capital.

La CEFQ recommandait toutefois de maintenir le traitement avantageux en ce qui concerne le gain en capital obtenu sur les résidences principales des clients en limitant l’exemption à un montant cumulatif à vie de 1 M$, indexé, ce qui pourrait pénaliser les clients qui possèdent des résidences d’une valeur élevée.

Elle a aussi proposé de remplacer l’exonération cumulative des gains en capital actuelle par une contribution additionnelle au Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) afin de stimuler directement l’épargne pour la retraite.

«Ainsi, à la vente des actions d’une société ou des biens agricoles ou de pêche, le vendeur pourrait s’imposer sur le gain, ou cotiser à son REER – ou dans un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) – un montant équivalent à la contribution REER annuelle maximale, multipliée par le nombre d’années de détention de l’entreprise», lit-on dans le rapport.

D’après le document, les gains qui découlent de la vente ne seraient pas imposables sur les montants admissibles transférés au REER. Cette cotisation ne donnerait donc pas droit à une déduction supplémentaire, la somme transférée n’étant pas imposable.

La CEFQ considère que l’exonération cumulative des gains en capital n’encourage pas l’épargne personnelle en vue de la retraite, d’autant que les règles fiscales actuelles pénalisent la vente d’une entreprise entre personnes qui ont un lien de dépendance, comme dans les cas de relève d’entreprises familiales.

«L’exonération est souvent utilisée à d’autres fins qu’à la préparation de la retraite. Des planifications fiscales, notamment par l’usage de fiducies, sont mises en place afin de multiplier l’utilisation de cette exonération au sein d’une famille ou d’un groupe de personnes ayant un lien de dépendance», lit-on dans le rapport Godbout.

Les stratégies fiduciaires, un autre avantage fiscal que les conseillers utilisent pour les clients mieux nantis, ont été scrutées par la CEFQ, mais ne se retrouvent pas encore dans le collimateur du ministère des Finances provincial.

La commission croit qu’il faut contrer la stratégie qui permet actuellement à un entrepreneur ou à un professionnel incorporé de fractionner ses revenus avec son conjoint et ses enfants majeurs au moyen d’une fiducie familiale.

Ce faisant, les experts ont proposé «d’élargir l’impôt sur le revenu fractionné pour les enfants mineurs aux enfants majeurs et au conjoint, à l’exception de ceux d’entre eux prenant une part active à l’entreprise», selon leur rapport. Encore là, des modifications à cette mesure risquent de faire l’objet de discussions au fédéral avant d’être adoptées au Québec.

Stimuler l’épargne retraite

La CEFQ a aussi passé sous la loupe les REER, et propose d’alourdir les pénalités imposées à la suite d’un retrait.

«Le REER constitue une bonne mesure d’épargne-retraite dans son ensemble, écrit la CEFQ dans son rapport. Actuellement, les sommes déposées dans un REER peuvent être retirées en tout temps, sans égard à l’âge. Les sommes sont simplement imposables au moment de leur retrait.»

La CEFQ suggère qu’on impose une pénalité d’un maximum de 10 % lors du retrait d’une somme d’un REER, et ce, avant 55 ans. Elle mentionne certaines circonstances particulières qui permettraient qu’on retire des sommes d’un REER sans pénalité.

«C’est le cas par exemple d’une invalidité grave ou prolongée créant une inaptitude permanente au travail, d’un décès, d’une maladie grave et irréversible, ou encore d’un sinistre portant sur la résidence principale», écrit la CEFQ.

La CEFQ demande également que la retenue à la source soit augmentée lors de retraits du REER. Actuellement, les retraits de 5 000 $ ou moins sont assujettis à un taux d’imposition de 10 % au fédéral. Ce taux augmente à 20 % pour les montants de 5 000 à 15 000 $. Si le retrait dépasse 15 000 $, le taux passe à 30 %.

Au provincial, un taux de 16 % s’ajoute aux taux déjà prévus par le fédéral, et ce, quel que soit le montant des retraits.

«La commission recommande que la retenue à la source passe au taux d’imposition maximal pour tout retrait [effectué] avant 55 ans, afin d’ajouter aux éléments dissuasifs», lit-on dans le rapport de la CEFQ.

La CEFQ recommande aussi que le gouvernement du Québec, en collaboration avec Ottawa et les autres pro-vinces, mène une réflexion afin de «mieux arrimer le REER et le compte d’épargne libre d’impôt (CELI)» afin «d’améliorer la cohérence globale des incitatifs à l’épargne».

Le plafond de cotisation au CELI pourrait être limité à 100 000 $ à vie, par exemple.

Autre point soulevé : l’imposition d’un plafond commun pour le REER et le CELI. La CEFQ insiste également sur l’importance de discuter de l’impact du REER et du CELI sur les prestations versées en vertu du programme de Supplément de revenu garanti (SRG).

«En effet, un retrait d’un REER fait diminuer le montant de SRG auquel une personne à faible revenu pourrait avoir droit, écrit la CEFQ. Pour un particulier qui a droit au SRG, le REER n’est donc pas nécessairement le meilleur véhicule d’épargne. Le CELI pourrait s’avérer un meilleur outil.»

Le bruit circulait qu’après avoir annoncé la modulation des frais de garde en fonction du revenu, le gouvernement Couillard pourrait aussi augmenter leur tarification à 35 $ par jour, selon les conseils de la CEFQ.

Toutefois, cette proposition a été déclinée, tout comme celle d’abolir le remboursement des crédits d’impôt pour les entreprises. «Je m’explique mal cette dernière décision, tandis que je comprends bien du point de vue politique la raison pour laquelle le gouvernement ne veut plus toucher aux frais de garde», commente Luc Lacombe.

En collaboration avec Guillaume Poulin-Goyer et Léonie Laflamme-Savoie