C’est ce qui ressort des plusieurs mémoires de membre de l’industrie financière remis aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) en réponse au document de consultation 33-404 sur le rehaussement des obligations des conseillers et des courtiers envers leurs clients.

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Selon ce document, la collecte de ces renseignements fiscaux additionnels serait nécessaire pour bien connaître son client. « Nous reconnaissons que les sociétés et les représentants ne fournissent pas de services de planification fiscale à moins de l’annoncer explicitement », notent toutefois les ACVM dans l’avis 33-404.

Plusieurs membres de l’industrie financière déplorent le flou de cette règle proposée, étant donné l’absence de définition dans ce document d’une « situation fiscale de base ». Le régulateur « devrait préciser quelles sont ces informations précisément qu’il souhaite retrouver dans les dossiers », lit-on dans le mémoire de Mica Capital.

Cette règle entrerait en conflit avec les politiques de certains courtiers, qui mettent en garde et même interdisent les représentants de donner des conseils fiscaux. « S’ils ne donnent pas de conseils fiscaux ou ne peuvent donner de tels conseils, qu’est-ce qu’on s’attend qu’ils fassent avec cette information », écrit le cabinet d’avocats Borden Ladner Gervais.

Outre son imprécision, cette éventuelle obligation risque aussi d’être difficile, voire impossible à appliquer, selon MICA : « Souvent, le client lui-même ne comprend ni ne connait toute les subtilités de sa propre situation fiscale. »

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La Banque Nationale partage cette crainte. Cette réforme proposée « suppose que les clients seront suffisamment informés de leur propre situation fiscale et prêts à partager cette information avec leur représentant, deux conditions qui nous semblent loin d’être évidentes », selon Martin Gagnon, , premier vice-président à la direction, Gestion de patrimoine, à la Banque Nationale et coprésident et cochef de la direction de la Financière Banque Nationale.

Plusieurs mémoires déposés soulignent que certains clients peuvent vouloir garder confidentiels les renseignements fiscaux demandés. « Ce ne sont pas tous les clients qui ont besoin ou veulent le même type de service. Beaucoup de clients sophistiqués ont déjà leurs propres conseillers fiscaux et ont déjà établi un plan financier », écrit Martin Gagnon.

Selon le Groupe Cloutier, certains clients désirent simplement obtenir des conseils sur la meilleure façon d’investir une somme d’argent : « Nous ne croyons pas que ces clients seront nécessairement intéressés à se faire imposer une analyse fiscale de base. Nous croyons donc que le conseiller devrait être la personne la plus appropriée pour définir avec le client les attentes de ce dernier concernant le niveau de service qu’il désire recevoir. »

Mauvais message au client?

Même si un client était prêt à divulguer des renseignements fiscaux additionnels, cela peut prendre du temps pour qu’un client amasse une grande quantité de renseignements fiscaux prescrits, lit-on dans le mémoire de Fidelity Investments : « Cela demandera-t-il tant de travail que les investisseurs éviteront d’investir et ainsi, n’auront pas accès aux conseils? Nous doutons que ce soit le résultat souhaité. Nous recommandons donc que les ACVM élabore un processus de renonciation afin que les clients puissent se désister des exigences requises pour fournir ces renseignements . »

Actuellement, les représentants sont aptes à reconnaître les limites de leur expertise et s’efforceront de référer les clients qui ont besoin de conseils fiscaux avancé à des experts, note iA Groupe financier. « C’est ce qu’on peut s’attendre d’un conseiller puisque la fiscalité est si compliquée », écrit Normand Pépin, vice‐président exécutif et adjoint du président de cet assureur.

Cependant, poursuit-il, obliger les représentants à une collecte d’information fiscale standardisée ne serait pas nécessaire ni même attendue des clients : « Cela créerait un fardeau inutile, qui se traduirait éventuellement en coût supplémentaire pour les clients. (…) Nous croyons également que de collecter plus que les renseignements fiscaux de base donnera lieu à des attentes plus élevées des clients en ce qui concerne les responsabilités du conseiller, même si les conseillers ne sont peut-être pas spécialistes dans ce domaine. »

Cette dernière crainte est partagée par Raymonde Crête, professeure associée et avocate, directrice du Groupe de recherche en droit des services financiers de l’Université Laval, tout comme sa collègue Cinthia Duclos, professeure assistante et avocate: « (…) le client pourrait croire que la divulgation de tous ces renseignements permettra au représentant d’analyser l’ensemble de sa situation financière en vue de proposer une planification financière globale, incluant la prise en compte des incidences fiscales des stratégies proposées. Pour éviter toute méprise à ce sujet, il serait important que le représentant explique clairement au client la portée limitée de ses services et, selon les besoins de ce dernier, qu’il lui suggère de faire appel à un planificateur financier. »