«Être un généraliste m’a aidé toute ma carrière. Cela m’a amené à avoir une vue d’ensemble, m’a obligé à m’entourer de spécialistes et surtout, m’a forcé à les écouter», mentionne-t-il.

Parcours en trois temps

Trois périodes de dix années chacune segmentent le parcours professionnel de Richard Gagnon.

Entré dans le réseau de la santé vers 25 ans, Richard Gagnon devient à 28 ans directeur général de l’Hôpital Sainte-Anne-de-Beaupré, dans la région de la Capitale-Nationale.

«J’étais le plus jeune directeur général d’un centre hospitalier au Québec, évoque-t-il. Il s’agissait d’un petit centre hospitalier enclavé entre de gros hôpitaux et dont l’avenir, sans être une cause perdue, n’était pas très brillant.»

Richard Gagnon contribue à faire prendre un virage à l’établissement hospitalier. Partie prenante du premier regroupement effectué dans le réseau de la santé de la région de Québec, l’Hôpital fusionne avec trois centres d’accueil et un CLSC.

Richard Gagnon se tourne ensuite vers le système professionnel. En 1989, il devient directeur général de son ordre professionnel, l’Ordre des administrateurs agréés du Québec (Adm.A.).

Il contribue notamment à redéfinir la personnalité de l’organisme et à faire croître le nombre de ses adhérents.

Il quitte les Adm.A. pour se joindre à la Chambre des notaires du Québec (CNQ) à titre de directeur général. «À l’époque, la question consistait à savoir si le notariat avait encore sa place au Québec», résume-t-il.

La contribution de Richard Gagnon a notamment permis la mise en place de structures disciplinaires et d’encadrement, «parce que les notaires, ça traite des milliards de dollars par année dans leur compte en fidéicommis.»

«La CSF est un ordre»

La CNQ a également pris le virage technologique. «La signature électronique a été introduite, la CNQ a été la première profession à l’adopter», affirme Richard Gagnon.

De plus, Richard Gagnon a présidé pendant quatre ans le Conseil interprofessionnel du Québec, qui regroupe les 46 ordres professionnels du Québec,

Interrogé sur la possibilité de créer un ordre professionnel pour une catégorie ou pour l’ensemble des professionnels de la distribution de produits et services financiers, Richard Gagnon est d’avis que «la Chambre de la sécurité financière (CSF) est un ordre professionnel.»

Richard Gagnon oeuvrait au sein du système professionnel lors de la création de la CSF. Ses pairs et lui s’étaient demandés s’il fallait intégrer au système professionnel ce modèle d’encadrement financier qui reproduit, en parallèle, le travail d’un ordre professionnel, se rappelle-t-il.

«Je ne vois pas vraiment ce que les conseillers gagneraient à remplacer la CSF par un ordre professionnel, qui en fin de compte ferait le même travail», dit-il.

Reconstruire à même les fondations

Le premier contact de Richard Gagnon avec La Survivance, la mutuelle à l’origine d’Humania, remonte à la période où il dirigeait les Adm.A.

Julien Brosseau, alors président de La Survivance, siégeait au Conseil des gouverneurs de l’ordre des Adm.A et lui offre de siéger au conseil d’administration de l’assureur.

Nommé administrateur en 1992, Richard Gagnon devient en 1995 président du conseil, puis en 2003, président et chef de la direction de l’assureur.

L’organisation traversait alors une crise d’identité, relate-t-il : «Voulions-nous essayer de faire aussi bien que les gros acteurs, sur leur terrain, ou nous trouver une niche dans laquelle nous allions être les meilleurs ?»

Généraliste en assurance vie, la mutuelle a évolué vers l’assurance santé et s’est positionnée dans la niche des produits de prestations du vivant.

L’assureur a ajouté de nouveaux produits en assurance santé, assurance maladies graves et assurance invalidité individuelle à son offre.

«En assurance maladies graves, par exemple, nous avons développé un produit pour les enfants, ce qui n’existait pas.»

Cette transition repose sur trois éléments, décrit Richard Gagnon. Capitalisant d’abord sur sa petite taille, l’assureur a développé un service à la clientèle hors pair.

Puis, l’entreprise a mis l’accent sur la qualité du réseau de distribution. «La compagnie, qui avait vendu ses produits par l’entremise d’agents d’assurance pendant 50 ans, se tournait maintenant vers les courtiers qui avaient été jusque-là ses concurrents. Aujourd’hui, nous avons des liens d’affaires solides avec tous les cabinets de distribution au Québec et avec de plus en plus de cabinets hors Québec».

En outre, l’assureur a consolidé son statut d’assureur de niche en développant des produits «qui se démarquent et nous donnent une personnalité sur le marché.»

«S’il y a un fil conducteur à ma carrière, c’est la concertation, mentionne-t-il. J’aime faire bouger les choses, mais sans heurts. Je ne suis pas un gars de confrontation.»

Décisions audacieuses

Ce repositionnement a donné un nouveau souffle à la mutuelle.

En 2013, Humania était le 22e assureur en importance selon les primes directes souscrites au Québec, avec 0,64 % des parts de marché, d’après le «Rapport annuel sur les institutions financières 2013» de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Dix ans plus tôt, soit au moment de l’arrivée de Richard Gagnon, La Survivance se trouvait au 26e rang, avec 0,51 % des parts de marché, selon le «Rapport annuel sur les assurances 2003» de l’AMF.

Ainsi, les revenus bruts d’Humania assurance ont atteint 119,5 M$ en 2013, soit une augmentation de 10 % par rapport aux résultats enregistrés en 2012. En 2010, ils atteignaient 89,3 M$. Quant à l’actif de l’entreprise, il a crû de 9,8 % en 2013 et a atteint 410,5 M$. Il était de 247 M$ en 2010.

Le bénéfice net de la société était de 3,96 M$ en 2013, une augmentation de 16,6 % par rapport à l’année précédente.

Afin de soutenir sa croissance à long terme, La Survivance a choisi de développer le marché canadien hors Québec.

Incapable à titre de mutuelle d’émettre du capital-actions pour financer ses nouveaux besoins en matière de distribution et de plates-formes de services, la compagnie s’est démutualisée partiellement en 2012 afin d’accéder à des capitaux externes.

Ce changement de structure a été suivi, en 2013, à l’occasion du 75e anniversaire de La Survivance, d’un changement d’image et de nom, soit Humania Assurance.

Le but étant de se «donner un nom davantage exportable sur les marchés anglophones, mentionne Richard Gagnon. Notre nom La Survivance, honnêtement en anglais, ça ne marchait pas du tout.»

L’augmentation de l’utilisation des technologies par les clients a également nourri la réflexion.

«De nos jours, le consommateur recherche l’information par lui même sur le Web. Il s’adresse directement au courtier, et c’est pourquoi nous avons revu nos outils d’interaction avec nos consommateurs», remarque Richard Gagnon.

Les conseillers doivent être visibles sur le Web s’ils veulent que des clients potentiels les repèrent, selon lui.

Humania a lancé en 2013 un produit en assurance de personnes, entièrement numérisé et disponible exclusivement sur le Web, l’assurance sans examen médical (SEM).

«Ce produit est un succès. Cette année, nos ventes connaissent une forte croissance et ce produit représente la plus forte portion de notre croissance», avance Richard Gagnon.

Richard Gagnon qualifie encore de «marginal» le pourcentage actuel de la clientèle hors Québec.

«Cela fait 75 ans que nous sommes au Québec, par rapport à deux ans hors Québec, justifie-t-il. Notre premier produit destiné à l’ensemble du territoire canadien, l’assurance SEM, génère près de 40 % de ses ventes hors Québec.»

L’année 2013 est aussi marquée par l’approbation des autorités de réglementation de l’accord permettant à Humania d’intégrer le portefeuille de contrats d’assurance invalidité individuelle de Transamerica Vie Canada, acquis l’année précédente. Ce portefeuille de contrats comporte un volume de primes annuelles de 3,5 M$ et plus de 3 000 polices réparties dans tout le Canada.

Croissance continue

À Saint-Hyacinthe, environ 150 employés travaillent au siège social de la compagnie. Sa division en assurance voyages établie à Trois-Rivières, la Survivance-Voyage, en compte plus de 30.

Richard Gagnon ajoute : «Notre réseau de distribution, c’est le courtage. Nous avons donc des contrats et des partenariats avec un peu plus de 2 000 conseillers indépendants, dont plus de 500 sont établis hors Québec».

Du total des primes, 70 % découlent de l’invalidité, de l’assurance santé et des maladies graves. Le reste est constitué de primes d’assurance vie, précise Richard Gagnon, qui entend demeurer un assureur spécialisé dans sa niche.

«Nous sommes très peu attirés par le secteur des placements et des rentes, ajoute-t-il. Notre croissance des dix dernières années est fantastique et nous n’avons pratiquement travaillé qu’au Québec. Nous considérons qu’il y a encore pas mal d’espace pour continuer à croître dans notre marché d’assurance. Nous ne voulons surtout pas être distraits par d’autres types de produits, surtout les rentes et les placements, qui requièrent des volumes colossaux et demandent des plates-formes informatiques différentes des nôtres.»

De plus, la vague de consolidation qui touche le secteur des assurances, avec la vente de Transamerica et celle des activités canadiennes de Standard Life, n’étonne pas Richard Gagnon.

«Nous avons fait une belle acquisition de portefeuille avec Transamerica. S’il y a de nouvelles occasions dans notre niche, nous serons sûrement intéressés. Il s’agit d’une belle façon d’accentuer notre présence hors Québec», dit-il.