Homme les bras croisés portant une blouse de médecin, un stéthoscope dans la main.
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« Les professionnels de la santé ont la totale responsabilité de devoir assurer leur fonds de retraite, mais ils n’ont absolument aucune idée du pourcentage de leur revenu à épargner pour atteindre leurs objectifs de retraite », explique Pier-Luc Lafontaine, expert financier au Groupe Investors.

Pier-Luc Lafontaine a développé son expertise autour de cette clientèle. Tous les membres de son équipe, en plus de posséder le titre de conseiller en placement, sont des comptables professionnels agréés (CPA) car selon lui, il faut détenir une excellente connaissance de la fiscalité pour se dédier à cette clientèle.

« On a construit notre modèle autour d’une certaine expertise académique et les produits viennent en complément, explique Pier-Luc Lafontaine. On n’a pas forcément l’approche de vendre des produits, mais plutôt quel type de services on est en mesure. »

Pour approcher cette clientèle, Pier-Luc Lafontaine organise des conférences dans les universités. Il tente alors d’expliquer aux futurs médecins « d’un point de vue académique et comptable » comment s’opère un début de pratique, comment fonctionne l’impôt et ce qu’est l’incorporation.

Comment créer une épargne-retraite?

« Ce qui va faire croître ton placement c’est ton rendement net d’impôt. C’est un paramètre qui n’est pas assez regardé dans l’industrie, alors que les professionnels de la santé sont confrontés à des taux d’impôts très graves. Comment on arrive à créer un fonds de retraite quand l’impôt nous cible? », interroge Pier-Luc Lafontaine.

Selon lui, un médecin qui gagne 400 000 dollars par an va vivre en réalité avec 10 000 dollars par mois car il devra s’acquitter des impôts corporatifs, mettre de l’argent de côté pour son épargne-retraite et payer ses permis et assurances.

Pour permettre à ses clients d’accumuler de l’épargne-retraite, Pier-Luc Lafontaine compte sur l’incorporation.

« C’est un principe qui relève un peu de l’instinct de survie, dans le sens où on veut protéger notre magot des taux d’impôts qui sont devenus un peu dérisoires, affirme l’expert financier. L’incorporation est une réaction normale à un environnement de taxation devenu anormal. »

Quelle somme épargner?

Évidemment chaque client est unique, il n’existe donc pas de recette toute faite. Parfois Pier-Luc Lafontaine va conseiller à un de ses clients de s’incorporer tout de suite, alors qu’il va dire à un autre dans la même situation financière, d’attendre.

« Il faut vraiment faire du cas par cas, dit-il. Le secret pour y arriver, c’est de mesurer l’intention du client. Au-delà des chiffres et de l’optimisation financière, il y a un principe qui est souvent négligé : le confort. »

Ainsi, l’expert financier conseille à certains clients de rembourser plus vite leurs dettes, même si cela pèse lourd du point de vue fiscal. Selon lui, même si cela fait perdre quelques milliers à son client, cela vaut la peine car ça a un effet psychologique positif.

Les gens qui sont ainsi allergiques à la dette vont se sentir mieux et vont développer rapidement des bonnes habitudes de vie ce qui leur permettra de remplir totalement leur objectif de fonds de retraite.

Cependant, malgré certaines particularités, Pier-Luc Lafontaine a un « montant magique ». Selon lui, pour conserver le même rythme de vie à la retraite, ses clients, dès l’âge de 35 ans, devraient mettre 24 % de leur salaire brut de côté.

Bien évidemment, si ses clients désirent avoir leur indépendance financière avant leurs 60 ans, Pier-Luc Lafontaine les aide à couper dans leur style de vie, pour épargner plus que 24 %, mais habituellement ce pourcentage-là permet d’atteindre les objectifs de retraite de ses clients.

Éduquer le client

Si, selon lui, la recette parfaite existe, Pier-Luc Lafontaine avoue que le plus difficile c’est d’éduquer ses clients.

« La nouvelle génération pense de plus en plus que mettre de l’argent de côté aujourd’hui pour quand ils seront vieux implique de faire des sacrifices aujourd’hui pour une version vieille d’eux-mêmes qui ne va peut-être même pas exister. Mais là, on ne parle pas d’un sacrifice pour un potentiel futur. Le médecin qui ne comprend pas aujourd’hui l’importance des ratios d’épargne va être condamné à travailler toute sa vie ou accepter une sérieuse diminution de son style de vie », prévient-il.

Pour que les médecins prennent tout de suite de bonnes habitudes, Pier-Luc Lafontaine les approche quand ils sont encore sur les bancs d’école. Cela leur permet de développer plus tôt des habitudes de vie qui vont refléter leur revenu. À cet âge, s’ils le désirent, ils peuvent déjà considérer les revenus futurs en utilisant un peu leur dette, mais il faut que ça soit contrôlé.

« Si le futur médecin commence à vivre comme un médecin gradué alors qu’il est encore étudiant, malheureusement, il va devoir vivre comme un étudiant dans les premières années de sa pratique de médecin », avertit l’expert financier.

Selon l’expert financier au Groupe Investors, pour épargner correctement, un professionnel de la santé devrait diviser ses 400 000 $ annuels en trois : ce dont il a besoin pour vivre, ce qu’il doit aux impôts et ce qu’il veut épargner. La plupart des gens vont naturellement estimer qu’ils vont épargner ce qui reste de leur salaire après avoir payé leurs autres dépenses, mais ce n’est pas la méthode que Pier-Luc Lafontaine préconise.

« C’est une mauvaise idée, car si le client est réactif dans sa planification, il n’épargnera pas assez parce qu’il va toujours trouver de bonnes idées de dépenses », affirme-t-il.

Selon lui, être réactif dans sa planification est particulièrement dommageable aux médecins car ceux-ci sont sensibles à ce qu’il appelle « l’effet de compression ».  Cet effet survient lorsqu’un client dépense davantage que prévu pour son coût de vie. En faisant cela, il décaisse davantage d’argent de sa corporation et, comme les taux d’impôts sont progressifs, il doit plus d’argent au fisc.

L’impôt et le coût de vie plus importants viennent écraser l’épargne, ainsi « un 20 000 $ net de plus pour le coût de vie, aura un effet 40 000 $ de moins pour l’épargne à cause de l’impôt », conclut l’expert.

Pour éviter cet effet pervers, Pier-Luc Lafontaine conseille de se forcer à tout de suite épargner 24 % de son salaire. Ainsi, les clients ne peuvent pas augmenter l’argent destiné à leur coût de vie.