Une famille multigénérationnelle assise sur un canapé blanc.
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La pénurie de main-d’œuvre n’est pas le fruit du hasard. Il suffit de regarder les statistiques reliées aux générations pour comprendre que le nombre de personnes en âge de travailler – qui ont de 16 à 64 ans – se contracte à un rythme jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale, comme le rapporte un article du Harvard Business Review (HBR).

La génération Z compte trois millions de personnes de moins que la génération des millénariaux, et la génération Alpha, qui suit la génération Z, devrait être encore plus petite. Sans compter qu’il n’y a pas de baby-boom en vue pour renverser la tendance.

À cela s’ajoute de nombreux départs à la retraite anticipée – particulièrement depuis la pandémie – qui font en sorte que les effectifs ne sont pas assez nombreux dans les entreprises. Il y a eu aussi une perte de la mémoire institutionnelle, de l’expertise et la loyauté des troupes.

Avec moins de jeunes travailleurs arrivant sur le marché du travail ces prochaines années (voire décennies), les employeurs auront probablement encore du mal à constituer une main-d’œuvre fiable capable de maintenir l’efficacité opérationnelle. D’autant plus que le vieillissement de la population s’accentue. Selon les auteurs, d’ici la fin de cette décennie, au moins 35 pays compteront plus d’une personne sur cinq âgée de plus de 65 ans – une première dans l’histoire du monde. C’est déjà le cas en Europe, ainsi que dans certaines des plus grandes économies d’Asie, dont la Corée, le Japon et Singapour. Le déclin démographique s’accentue également aux États-Unis.

Dans ce contexte, la nécessité pour les entreprises de soutenir et de retenir les travailleurs âgés se fait pressante dans plusieurs contrées. Même si une enquête a révélé que huit dirigeants sur dix reconnaissent que la main-d’œuvre multigénérationnelle est essentielle à la croissance, moins de la moitié des entreprises incluent la diversité des âges dans leurs initiatives DEI (diversité, équité, inclusion).

Pour améliorer leur efficacité opérationnelle, accroître leur compétitivité et devenir plus attractives, les organisations devront réorienter leurs stratégies de recrutement pour favoriser une plus grande rétention. Des efforts qui pourraient se révéler payants. Une étude de Gartner a révélé qu’un environnement très inclusif peut améliorer les performances d’une équipe jusqu’à 30 %. Une autre étude de McKinsey suggère que les entreprises les plus diversifiées ont une rentabilité supérieure de 36 % à celle des entreprises les moins diversifiées.

Passer à l’action

Les employeurs doivent changer leurs pratiques dans trois domaines bien précis : les stratégies de rémunération et d’avantages sociaux, les modalités de travail et la conception du lieu de travail.

Actuellement, avec le resserrement du marché de l’emploi (et la hausse de l’inflation), les travailleurs ont le gros bout du bâton pour revendiquer un meilleur salaire et des avantages plus attrayants, et ce, quel que soit leur âge. Plusieurs entreprises l’ont bien compris. Afin de retenir les talents plus âgés, elles offrent dorénavant de nouvelles aides pour la ménopause, le congé des grands-parents et les congés sabbatiques.

Le travail flexible – qui peut inclure des horaires variables, le télétravail, la semaine de trois ou quatre jours, un programme de retraite progressive ou le partage d’emploi – est un autre moyen d’inciter les employés à rester. Autrefois l’apanage des emplois de col blanc, ces types d’arrangements de travail s’étendent maintenant aux emplois du secteur industriel et des services grâce aux horaires comprimés, à davantage de jours de congé ou aux mesures qui permettent aux employés de choisir leurs heures de début et de fin de travail dans des limites convenues.

L’aménagement du lieu de travail peut avoir un impact positif ou négatif sur le taux de rétention des travailleurs. Cela peut se faire grâce à des interventions peu coûteuses (mais pas toujours) en fonction des commentaires des employés obtenus lors d’enquêtes ou de sondages internes. Ces petits changements (améliorer l’ergonomie ou l’éclairage, par exemple) peuvent améliorer et prolonger le bien-être et la productivité des travailleurs.

Faciliter la communication entre les générations

Il y a différents moyens d’y arriver.

  • Encourager le mentorat non traditionnel qui permet de détruire certaines conceptions erronées ou des biais qui nuisent aux bonnes relations intergénérationnelles. Le mentorat bidirectionnel, où les idées et les conseils peuvent être partagés dans les deux sens, ou du mentorat inversé permettent d’ouvrir les esprits et les canaux de communication, en plus de créer des réseaux inclusifs qui favoriseront la collaboration et le bien vivre ensemble.
  • Miser sur les points communs plutôt que les différences permet de briser les stéréotypes et d’atténuer les tensions entre employés de différentes générations. La recherche a montré que les différences réelles entre les générations ne sont pas aussi importantes que ces idées préconçues pourraient le suggérer. Il existe de grandes variations (et une intersectionnalité) au sein des générations. Les suppositions pouvant être contagieuses, il faut donc se montrer vigilant pour les déconstruire en trouvant des points communs entre les générations. Il est possible d’y arriver en créant des opportunités pour que les collègues partagent des forces, des passions et des expériences de vie commune et puissent se connecter sur des projets, des œuvres de charité et des événements sociaux.
  • Construire des ponts entre les générations pour que les employés comprennent mutuellement leurs codes de communication. En effet, les dialectes générationnels peuvent constituer des obstacles majeurs à la collaboration. C’est ce qui conduit bien souvent à des malentendus sur le vocabulaire ou l’utilisation des émojis, par exemple. Il faut aussi tenir compte des préférences pour la communication selon les différents groupes (courriel, messagerie, téléphone, médias sociaux, etc.).

Il n’est pas nécessaire de chercher bien loin pour trouver un terrain d’entente pour une communication multigénérationnelle réussie. Il suffit de demander aux membres de l’équipe de partager des exemples réussis de gestion de ces déconnexions entre les membres d’une famille. L’équipe peut établir des règles de base collectives sur la façon dont elle communique et sur les médias utilisés, et s’accorder sur les moyens de demander des « traductions » pour éviter les erreurs de communication.

  • Promouvoir les dirigeants qui font preuve d’innovation dans leur façon de gérer quatre ou cinq générations. Il importe d’identifier et de récompenser les gestionnaires qui sont à l’aise pour embaucher et gérer des employés plus âgés qu’eux. Ils font preuve d’une conscience de soi pour engager des employés possédant des compétences ou une expertise qui leur font défaut. Cela devient un élément indispensable pour atteindre les objectifs de l’équipe.

Ils ne rejettent pas d’emblée les candidats plus âgés comme étant « surqualifiés » ou ne se demandent pas pourquoi ils postulent à un poste qui leur semble inférieur. Ils comprennent qu’il existe de nombreuses raisons pour lesquelles un candidat plus âgé peut postuler et sont ouverts à ce que cette personne peut offrir à l’équipe.

Compte tenu des changements démographiques, les entreprises ont besoin d’approches proactives pour retenir les travailleurs plus âgés, ce qui adaptera la dynamique d’équipe pour une croissance durable dans le futur. Pour réussir, il faut un respect mutuel, des conceptions tenant compte de l’âge et encourager la franchise pour catalyser la créativité fondée sur les diverses expériences de l’équipe.