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Cette directive accroît certaines exigences de conformité des assureurs, notamment par rapport à leur responsabilité vis-à-vis de l’impartition de leurs fonctions aux agents généraux (AG). Ce document vise, entre autres, à encadrer la gestion des conflits d’intérêts dans la rémunération des conseillers et du traitement des plaintes des clients.

On peut y lire que «les assureurs et les sociétés de distribution devront s’assurer que les sociétés à qui ils impartissent des processus ont mis en place des politiques et des procédures adéquates sur la protection et l’utilisation des renseignements personnels» et qu’ils devront également «conserver des documents écrits sur les procédures de traitement des demandes d’indemnisation».

Les directives s’adressent d’abord aux assureurs, les ultimes responsables de la relation avec les clients. Or, «chaque partie prenante doit partager cette obligation de traiter le consommateur équitablement, estime Lyne Duhaime, vice-présidente principale de la distribution de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) et présidente d’ACCAP-Québec. Ce n’est donc pas que la responsabilité de l’assureur, mais aussi celle de l’intermédiaire». Les AG, qui n’existent pas dans la réglementation québécoise de l’industrie financière, seront donc touchés.

«Si une directive est mise en place, les compagnies d’assurance vont s’assurer, par contrats interposés, que leurs AG s’engagent à respecter ces directives», explique Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques et chef de la conformité chez MICA Cabinets de services financiers.

Selon lui, cette directive intensifierait certaines des obligations de supervision des AG et les obligerait à mettre par écrit des politiques et des procédures propres au traitement des plaintes en lien avec le représentant.

«Les agents généraux qui n’ont pas la structure qu’il faut seront sûrement tentés de fermer boutique. Cela pourrait donc se traduire par une diminution du nombre d’agents généraux», estime Yvan Morin.

Effectivement, cette directive pourrait engendrer de nombreux coûts pour les AG. Ceux-ci devront mettre en place une structure de prévention et de surveillance des représentants.

Yvan Morin s’inquiète également de la possible confusion que pourrait apporter cette directive sur le plan du traitement des plaintes. Actuellement, le traitement des plaintes en assurance de personnes relève du représentant lui-même, s’il est autonome, ou du cabinet auquel il est rattaché. La directive semble imposer à l’assureur et à l’agent général d’avoir une politique de traitement des plaintes. Dans ce cas, à qui devra se plaindre le client, se demande Yvan Morin. Et, est-ce que les assureurs et les AG auront des politiques de traitement des plaintes uniformisées ?

Conflits d’intérêts à gérer

La directive traite aussi de la gestion des conflits d’intérêts. Le CCRRA et l’OCRA s’attendent ainsi «à ce que tout conflit d’intérêts réel ou potentiel soit évité ou géré adéquatement et n’ait aucune incidence sur le traitement équitable des clients». Selon ces organismes, des conflits d’intérêts peuvent découler des situations où «les structures de rémunération, les cibles de rendement ou les critères de gestion du rendement sont insuffisamment liés aux résultats attendus pour les clients». C’est aussi le cas lorsque «les incitations offertes […] encouragent à adopter une ligne de conduite particulière».

Ces organismes s’attendent à ce que les assureurs et les intermédiaires agissent afin de «repérer et éviter ou gérer les conflits d’intérêts, et les communiquer» de façon appropriée, sans que cela ne fasse «porter au client un fardeau déraisonnable, surtout s’il ne comprend pas bien le conflit ou ses incidences.»

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a précisé qu’aucune forme de vente n’était proscrite par la directive, mais que les «incitatifs devraient être gérés adéquatement par les assureurs et les sociétés de distribution [et qu’ils ne devraient surtout] jamais se faire au détriment des clients. Aucune décision n’a été prise quant à l’interdiction des concours de vente ou de certaines formes de rémunération», écrit dans un courriel Sylvain Théberge, directeur des relations médias à l’AMF.

Selon Yvan Morin, les incitatifs de vente comme les voyages de récompense pour les conseillers et les concours sont effectivement visés par cette mesure : «Quand tu pousses un produit pour essayer d’en vendre le plus possible ce mois-ci, il est légitime de se poser la question si chaque vente était effectivement dans l’intérêt du client.»

Lyne Duhaime souligne que c’est à chaque province, par la suite, d’implanter cette ligne directrice dans sa réglementation. Rappelons que Patrick Déry, surintendant de l’encadrement de la solvabilité à l’AMF, a été président du CCRRA d’avril 2015 à avril 2017.

L’ACCAP se dit par ailleurs favorable à la ligne directrice, remarque Lyne Duhaime : «On ne peut qu’être en accord avec le principe du traitement équitable du consommateur». Sur ce point, Yvan Morin la rejoint : «Le client mérite d’avoir une protection adéquate et une pleine transparence sur les aspects du travail du représentant». Pour lui, les régulateurs devraient simplement tenir compte des «conséquences importantes» que cette directive aura sur le travail des AG.