Un couple d'aînés qui regardent leurs papiers financiers avec l'air heureux.
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Selon les exigences actuelles de la législation, il est interdit de détenir une rente viagère dans un Compte d’épargne libre d’impôt (CELI).

C’est une restriction que l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) trouve regrettable. Le groupe d’assureurs propose d’ailleurs qu’elle soit levée, étant donné l’augmentation rapide de l’espérance de vie des Canadiens qui risquent ainsi de plus en plus de «survivre à leur capital retraite».

C’est pourquoi l’ACCAP dans son mémoire prébudgétaire présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes propose au législateur de faire preuve d’initiative et d’assouplir les règles quant aux produits d’épargne que l’on peut y insérer.

«Le gouvernement devrait permettre aux Canadiens à la retraite, ou qui le seront prochainement, de toucher leur vie durant un revenu plus sûr et garanti grâce à des options de rente plus souples aux termes des régimes de pensions agréés, des REER, des FERR et des CELI», peut-on lire en introduction du document.

En effet, l’ACCAP fait remarquer que la «tendance soutenue à délaisser les régimes à prestations déterminées au profit des régimes à cotisations déterminées, des REER, des FERR, des RPAC et des CELI fait porter aux particuliers la trop lourde responsabilité de s’assurer que leur revenu de retraite dure, et de nouvelles mesures doivent être prises pour aider les Canadiens à bénéficier de la sécurité d’un revenu de retraite garanti.»

L’organisation, qui regroupe les assureurs de personnes, applaudit à la bonification du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec qui permettront, notamment, aux nouveaux retraités et retraitées de puiser initialement dans leur épargne personnelle pour retarder les prestations des régimes publics afin de les bonifier et fournir du coup une protection additionnelle contre le risque de survivre à son capital retraite.

Cependant, les assureurs de personnes proposent de plus que l’État accepte que les épargnants puissent affecter une partie de l’épargne détenue dans un régime enregistré (dont le CELI) à des produits procurant une rente viagère.

«Les Canadiens pourraient gérer plus efficacement leurs avoirs, au lieu de pratiquer la sur-épargne et la sous-consommation de peur de vivre trop longtemps et d’épuiser leurs fonds», estime l’ACCAP.

En effet, une rente viagère permettrait aux Canadiens, dont l’espérance de vie s’accroît rapidement, de se prémunir contre le risque de survivre à leur capital. «Les rentes constituent le meilleur moyen de garantir un revenu à vie, étant donné qu’elles procurent un revenu prévisible et que le risque de longévité est transféré à l’assureur», rappelle l’ACCAP.

«La possibilité, dans les années précédant la retraite, d’acheter périodiquement des rentes viagères dans le cadre d’un régime enregistré, et de reporter à après la retraite le versement du revenu de ces rentes, aide aussi les particuliers à atténuer le risque de placement, puisque leur exposition aux taux d’intérêt en vigueur à la retraite est moindre», ajoute l’ACCAP.

Qu’en est-il vraiment ?

Cela dit, les rentes viagères sont-elles vraiment interdites dans les CELI ? Si oui, existe-t-il d’autres options de placement qui permettraient d’atteindre un objectif similaire, soit d’obtenir un revenu viager exempt d’impôt à partir de son compte CELI ?

Sarah Phaneuf, associée en fiscalité au bureau de Sherbrooke de Raymond Chabot Grant Thornton, fait remarquer que les règles fiscales stipulent que l’on retrouve parmi les placements admissibles dans une fiducie régie par un compte d’épargne libre d’impôt «un contrat relatif à une rente établie par un fournisseur de rentes autorisé si, notamment, la condition suivante est respectée : le titulaire du contrat a le droit d’exiger le rachat de celui-ci à tout moment pour une somme qui, s’il n’était pas tenu compte de frais de vente ou d’administration raisonnables, correspondrait à peu près à la valeur des fonds qui pourraient servir par ailleurs à financer des paiements périodiques futurs dans le cadre du contrat.»

«Un contrat de rente peut constituer un arrangement admissible à titre de compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ou un placement admissible pour un CELI si certaines conditions sont satisfaites», renchérit Frédérick Fink, porte-parole de l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour le Québec. Cependant, il apporte un bémol important : «Un arrangement qui est un contrat de rente peut constituer en lui-même un arrangement admissible si, entre autres conditions, il prévoit qu’en tout temps, sur l’ordre du titulaire, l’émetteur doit transférer tout ou partie des biens détenus dans le cadre de l’arrangement (ou une somme égale à leur valeur) à un autre CELI du titulaire.»

Or, selon le fonctionnaire de l’ARC, la plupart des rentes viagères offertes sur le marché ne respectent pas cette condition. «Cependant, à notre connaissance, il existe des produits qui possèdent des caractéristiques similaires à une rente viagère qui pourraient s’y conformer», prend-il bien soin de préciser.

Une option aux rentes

Manuvie semble avoir résolu la quadrature du cercle avec son programme RetraitePlus qui combine revenu viager et CELI, tout en assurant la liquidité totale de la valeur marchande permettant d’accéder au capital en tout temps (des frais peuvent toutefois être exigés). Ce qui rend donc ces CELI conformes aux exigences de la législation mentionnées ci-dessus.

Pour se conformer à la législation fiscale, un contrat relatif à une rente (au sens du droit privé applicable), qui est établi par un fournisseur de rentes autorisé, constituera un placement admissible à certaines conditions.

«Notamment, le titulaire du contrat doit avoir le droit d’exiger le rachat de celui-ci à tout moment pour une somme qui correspondrait à peu près à la valeur des fonds qui pourraient servir par ailleurs à financer des paiements périodiques futurs dans le cadre du contrat, s’il n’était pas tenu compte de frais de vente ou d’administration raisonnables», cite en exemple Frédérick Fink.

Il poursuit cependant en affirmant que ce type de contrat inclut, par exemple, un contrat de rente à fonds réservés (un fonds réservé est le terme utilisé par la Loi de l’impôt pour désigner un fonds distinct), mais que, de façon générale, une rente viagère ne respecte pas ces conditions.

Du côté de Manuvie, on évoque un document publié par l’ARC en octobre 2012 que l’on peut retrouver sur la plateforme Collection sur l’impôt fédéral CIF Platine d’Ernst & Young et qui permet à l’assureur de vendre son produit RetraitePlus. En effet, dans le document intitulé «Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) – Processus d’approbation d’une trousse de demande d’un compte d’épargne libre d’impôt» (mise à jour no 10), on s’interroge à savoir si un CELI qui est un contrat de rente à fonds réservés prévoyant le paiement pour une garantie de retrait minimum (GRM) respecte les conditions énoncées à l’alinéa 146.2(2)e) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

La réponse donnée dans le document ne fait pas de doute : «En fonction de notre compréhension des paiements pour un produit assorti d’une GRM, un CELI, qui est un contrat de rente à fonds réservés qui prévoit un produit assorti d’une GRM, semble respecter les conditions», peut-on lire dans le document. Ce qui fait dire au fiscaliste Serge Lessard, de Manuvie : «On a un document qui date de 2012 qui affirme noir sur blanc qu’un CELI comportant des fonds distincts avec un GRM respecte les conditions.»

Le produit Manuvie repose donc sur des fonds distincts jumelés à une GRM et, non pas sur des rentes viagères. Une distinction importante ici.