Une flèche qui monte sur un fonds vert-bleu.
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Les taux d’intérêt sortent de leur déprime historique, de telle sorte que «les titres à revenu fixe deviennent à nouveau une alternative attrayante dans l’allocation de portefeuilles», affirme Konstantin Boehmer, gestionnaire principal du Fonds d’obligations tactique mondial, chez Mackenzie, à Toronto.

«Nous nous attendons désormais à des rendements décents de la part des titres à revenu fixe», reprend en écho de Londres Michael Foggin, gestionnaire du portefeuille Fidelity obligations mondiales, chez Fidelity Management and Research.

Il y a deux ans encore, le taux directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed) était de 1,0 %. Aujourd’hui, il est de 2,25 %. «Le rendement a plus que doublé en deux ans ; ce n’est pas une mince affaire !» lance Konstantin Boehmer.

De façon plus exacte, les rendements des portefeuilles d’obligations sont demeurés fort honnêtes tout au long de la période de taux déprimés depuis la crise financière de 2008. Par exemple, il y a deux ans, le Fonds d’obligations diversifiées Ninepoint «donnait un rendement d’un peu plus de 5 %», rappelle Étienne Bordeleau-Labrecque, vice-président et gestionnaire de portefeuille associé chez Ninepoint Partners, à Toronto.

Depuis, en grande partie parce que la montée des taux a rendu la partie plus délicate, le rendement a légèrement fléchi à 4 %. Or, le supplément de rendement que les gestionnaires allaient chercher était acquis au prix d’un risque plus élevé, notamment par une surexposition aux titres à revenu élevé – où l’on place les titres de pacotille (junk bonds). À présent, les taux de rendement plus élevés «rendent la partie un peu plus facile ; on peut prendre un peu moins de risque tout en allant chercher plus de revenu», poursuit le gestionnaire.

Grand solo de la Fed

Ce revirement tient à un acteur central : la Réserve fédérale américaine qui a entamé une lente remontée de son taux directeur.

Personne ne crie toutefois victoire encore, car la remontée des taux n’est pas terminée. De l’avis de tous, il reste deux ou trois hausses à venir de la part de la Fed, qui nous mèneront jusqu’en juin 2019. De plus, tous croient que nous approchons de la fin de la pente ascendante, au terme de laquelle les taux entreront enfin en territoire neutre – et non plus «permissif».

Évidemment, la poursuite de cette remontée à moyen terme tient à plusieurs facteurs. Tout d’abord, une stabilité soutenue de l’économie, sans une récession intempestive, qu’aucun de nos interlocuteurs ne prévoit pour au moins un an encore. La grande inconnue à laquelle il faut tout particulièrement prêter attention tient à l’inflation qui est surtout liée à une hausse des salaires.

«Tous les indicateurs pointent dans cette direction», affirme Konstantin Boehmer, de telle sorte que la remontée des taux pourrait être appelée à se poursuivre au-delà de l’été 2019. Par contre, ajoute-t-il, les hausses salariales pourraient être compensées par un fléchissement du prix des denrées de base, tout particulièrement celui du pétrole.

Pour l’instant, «les taux ne sont pas loin d’où ils devraient être», juge Andrew Lewis, lui aussi gestionnaire du fonds Fidelity, à Londres. Cependant, deux facteurs vont contribuer à leur remontée soutenue à plus long terme, ajoute le gestionnaire, ce qui n’est certainement pas négatif pour un gestionnaire obligataire : d’une part, les hauts niveaux d’endettement des gouvernements, d’autre part, la pression de la génération des baby-boomers. «Il y a le marché d’une génération entière qui pousse sur le marché des obligations», note le gestionnaire.

Jusqu’ici, les responsables obligataires se cantonnaient de façon typique dans les durées de moins de deux ans, de façon à se donner la marge nécessaire pour acheter des titres portant un rendement supérieur. C’est encore le cas, mais cette contrainte se relâche, si on en croit Konstantin Boehmer, qui recommence lentement à acheter des titres gouvernementaux américains à échéance de 30 ans ajustés à l’inflation (TIPS, ou Treasury Inflation-Protected Securities).

Obligations, et un peu au-delà

Spontanément, on considérerait qu’un fonds obligataire investit dans des obligations. Certes, mais d’autres outils lui sont accessibles, tout particulièrement les jeux sur les taux de change. Ainsi, procédant actuellement à une hausse de son encaisse, le fonds Mackenzie réussit à transformer ce poste en un générateur de revenus assez substantiels.

En couvrant leurs achats de devises dans les marchés monétaires au Japon et en Israël, les gestionnaires réussissent à produire un rendement d’environ 3,25 %, soit un point de pourcentage de plus que ce qu’ils pourraient obtenir dans les marchés monétaires canadiens.

Évidemment, les titres obligataires demeurent le coeur de ces portefeuilles, la très grande majorité se retrouve encore dans les obligations à haut rendement d’entreprises. Tout l’art tient à la capacité d’aller chercher des titres jugés risqués par les marchés, donc offrant un rendement accru, mais disposant en fait d’assises stables et relativement peu risquées.

C’est ce que Ninepoint trouve auprès des obligations de General Electric (GE), dont la cote est encore supérieure, mais que le marché craint de voir ravalée au rang de titre de pacotille à cause des difficultés qu’affronte le colosse américain. Ainsi, une obligation d’une durée de 14 mois donne un rendement remarquable de 5,5 %, pourtant «on ne pense vraiment pas que GE va faire faillite», tranche Mark Wiesniewski, gestionnaire senior de portefeuille chez Ninepoint.

Tous les gestionnaires interviewés ont fait le vide de titres obligataires provenant de marchés émergents, mais cela n’interdit pas de trouver des titres à saveur «exotique», comme c’est le cas pour les obligations du gouvernement des Bermudes, dont le fonds de Mackenzie s’est approvisionné. Ces titres avec une échéance à 2029 donnent un rendement de 4,75 %, soit 175 points de base au-dessus de titres équivalents du gouvernement américain. Pourtant, ils se négocient en dollars américains.

«Les Bermudes prêtent à la planète et disposent d’un des PIB per capita les plus élevés au monde, donc très stable. C’est une aubaine incroyable !» lance Étienne Bordeleau-Labrecque.

«Les titres à revenu vont continuer de présenter un défi jusqu’à ce que les taux se stabilisent, résume Mark Wiesniewski, puis après, on va avoir du plaisir.»