Crédit: Martin Laprise

Si Louis Lévesque a brièvement hésité entre la médecine et l’économie, ce fils de médecin de famille natif de la Côte-de-Beaupré, dans la région de Québec, a rapidement fait son choix. «Mon plan de carrière, c’était de devenir économiste en chef dans une grande institution financière», raconte le directeur général de Finance Montréal.

Grand amateur de chiffres, il lui est vite devenu évident, une fois à l’université, qu’il n’était pas fait pour la carrière académique. «Je voulais que mes actions mènent à des décisions et à des changements.» Louis Lévesque a donc imaginé qu’il lui serait tout naturel de travailler d’abord au ministère des Finances à Québec, puis d’aller ensuite à Montréal.

Mais l’histoire fut tout autre. Louis Lévesque a passé 33 ans dans la fonction publique, dont plus de 25 ans à Ottawa, avant de finalement rallier la métropole en 2015. «Ce n’était vraiment pas ça, le plan», lance en riant celui qui a été nommé directeur général de Finance Montréal en avril 2017, après un bref passage au sein du Forum économique international des Amériques comme vice-président exécutif et directeur général de la Conférence de Montréal.

Se construire

Après des études à l’Université Laval – il est bachelier en mathématiques et titulaire d’une maîtrise en économie -, Louis Lévesque a amorcé sa carrière d’économiste en 1983 au gouvernement du Québec, d’abord auprès de la Régie des assurances agricoles, puis du ministère des Finances l’année suivante.

En 1991, il accepte une offre du ministère des Finances du Canada. Pour Louis Lévesque, «la journée où l’économiste Pierre Fortin a suggéré [son]nom au ministère des Finances à Ottawa» a marqué un tournant dans sa carrière. D’autant qu’il considère Pierre Fortin, qui fut son professeur à l’université, comme un modèle. «Il est à la fois très rigoureux intellectuellement et très impliqué dans la communauté, dans le sens où il participe au débat, mais d’une façon éclairée et intelligente, tout en faisant de la vulgarisation.»

Louis Lévesque, qui aborde ce nouveau défi comme «une occasion d’apprendre l’anglais et de travailler dans un environnement différent», prévoit passer de quatre à cinq ans dans la capitale canadienne, avant de se diriger vers Montréal pour y travailler dans le service de recherche et d’économie d’une grande institution financière.

«Mais la vie en a décidé autrement», dit-il, amusé. D’abord nommé sous-ministre associé en 2004, Louis Lévesque devient sous-ministre en titre deux ans plus tard, soit l’année où le Parti conservateur prend le pouvoir. Il occupe cette fonction d’abord aux Affaires intergouvernementales au Bureau du Conseil privé, puis au Commerce international et comme représentant personnel du premier ministre. En 2012, il se joint au ministère des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités du Canada, où il restera jusqu’à son départ de la fonction publique fédérale, en juillet 2015.

«Louis Lévesque est un homme à la fois rigoureux et stratégique, ce qui est assez inusité, car habituellement, on est l’un ou l’autre. Mais Louis offre un bon mélange des deux : il a une forte vision politique qui lui permet de bien comprendre les enjeux, et comme il est bachelier en mathématique, il est aussi capable de digérer du contenu technique, ce qui fait de la rigueur l’une de ses grandes forces», souligne Mario Albert, vice-président exécutif – Assurance collective à La Capitale, qui a précédé Louis Lévesque à la tête de Finance Montréal.

Les deux hommes se sont d’abord côtoyés à l’Université Laval alors qu’ils étudiaient l’économie. Ils se sont ensuite retrouvés lorsque Louis Lévesque supervisait les relations fédérales-provinciales et que Mario Albert était son vis-à-vis au gouvernement du Québec. «Nous avions des désaccords profonds, mais Louis est un homme qui cherche le consensus et qui veut faire avancer les dossiers», explique Mario Albert.

Louis Lévesque, qui a notamment été sherpa (représentant du premier ministre) pour le Canada au G20, parle volontiers des nombreux mandats sur lesquels il a travaillé lors de son passage à Ottawa. S’il se dit «extrêmement fier» de la conclusion, en 2007, du dossier relatif aux transferts aux provinces et au règlement du déséquilibre fiscal, qu’il pilotait, il ne cache pas que la tragédie de Lac-Mégantic est l’événement qui l’a le plus marqué dans sa carrière.

Alors sous-ministre à Transports Canada, Louis Lévesque raconte s’être rendu sur place quelques jours après la catastrophe. «C’était encore des ruines fumantes, mais il fallait garder la tête froide. Il fallait trouver des réponses et des solutions, et surtout, malheureusement, trouver l’opportunité dans la catastrophe.»

Cet accident, ainsi que d’autres moins graves survenus aux États-Unis, ont engendré les conditions nécessaires pour modifier les règles de sécurité ferroviaire et celles s’appliquant aux wagons-citernes. Dans le contexte d’une industrie nord-américaine intégrée, il est extrêmement difficile d’apporter le moindre changement réglementaire. «Ces modifications n’auraient peut-être pas été déterminantes dans cet accident-là, mais elles pourraient l’être dans un autre événement dans l’avenir.»

«Louis est un bourreau de travail et possède une qualité primordiale pour un sous-ministre performant, soit de se mettre à la tâche lui-même quand ce qu’on lui présentait ne correspondait pas à ses standards de qualité», témoigne Claude Séguin, président du conseil d’administration du Fonds de solidarité FTQ, qui a connu Louis Lévesque au ministère des Finances à Québec, il y a 35 ans.

Son «habileté remarquable à traduire des situations complexes en un ensemble facilement compréhensible» lui permet d’aller rapidement au coeur d’une problématique et de prendre des décisions éclairées, dit Claude Séguin.

Des qualités qui ont fait de Louis Lévesque un administrateur chevronné, selon Claude Séguin, qui était président du conseil d’administration de Finance Montréal lorsque Louis Lévesque en a été nommé directeur général.

Faire croître Montréal

Louis Lévesque se définit comme un homme d’action. «C’est très intéressant de faire des analyses, mais si on veut avoir de l’influence et de l’impact, il faut se trouver aux endroits où les choses se discutent et où les décisions se prennent», affirme-t-il.

«À Finance Montréal, nous sommes là pour fédérer les acteurs du secteur financier, les faire travailler ensemble et amener quelque chose à valeur ajoutée afin de favoriser la promotion de la place financière de Montréal», explique Louis Lévesque.

À la suite d’une réflexion stratégique faite l’année dernière, la grappe financière a choisi de recentrer ses actions sur quelques thèmes porteurs, principalement la fintech, le soutien à l’entrepreneuriat financier ainsi que l’attraction d’entreprises financières internationales, soit les sociétés accréditées «Centre financier international» à Montréal (CFI Montréal) – qui est un mandat spécifique confié par le gouvernement du Québec.

Ce n’est toutefois pas un hasard si Finance Montréal consacre une grande partie de ses efforts à la fintech. Considérant le contexte de transformation numérique de l’économie et des institutions financières, Louis Lévesque est d’avis que le Québec et Montréal se trouvent dans une situation enviable.

Selon lui, l’application croissante de la technologie dans le secteur financier, notamment l’intégration des données afin qu’elles puissent être utilisées pour valoriser l’offre de services, est un grand défi un peu partout sur la planète, y compris au Québec.

«Ici, toutefois, il y a beaucoup de gens qui aiment les chiffres, soutient-il. Nous avons une forte représentation de CFA [Chartered Financial Analysts] à Montréal, des écoles d’actuariat, un grand bassin de diplômés en mathématique et en recherche opérationnelle, ainsi qu’un noyau d’assurance à Québec.»

«Il s’agit d’une mine très importante de talents et il faut se demander comment maximiser cette richesse», ajoute Louis Lévesque.

À cet égard, Finance Montréal a obtenu l’appui du gouvernement du Québec afin de mener à bien le projet de Station FinTech, une superficie d’environ 24 000 pieds carrés située au 4, Place Ville-Marie, qui ouvrira ses portes en 2020. Il s’agira d’un lieu de rassemblement collaboratif des entreprises financières et des firmes technologiques, dans le but de favoriser la transformation numérique du secteur financier et l’épanouissement de l’écosystème fintech.

Ce projet s’inscrit dans la continuité du Forum FinTech Canada, un rendez-vous phare qui sera présenté pour la septième fois cet automne. L’événement, qui a attiré plus de 2 000 personnes l’année dernière, «réunit non seulement la communauté québécoise de la fintech et de la finance, mais attire également des participants d’autres provinces et de l’extérieur du pays».

Un résultat qui s’accorde bien avec le mandat de Finance Montréal en matière d’attraction et de soutien à la croissance d’entreprises financières internationales, qui ne sont pas par définition en concurrence sur le marché canadien. Louis Lévesque cite en exemple le centre technologique de Morgan Stanley installé à Montréal, qui a célébré ses 10 ans en 2018, et dont la contribution à l’écosystème montréalais s’illustre notamment par la présence dans ses locaux de 1 200 spécialistes. Il évoque également les grandes banques françaises Société Générale et BNP Paribas, qui nourrissent des projets d’expansion dans la métropole.

À cet égard, les efforts relatifs aux CFI Montréal, parmi lesquels figurent plusieurs centaines de rencontres de démarchage, ont permis la création de 141 nouveaux emplois en 2018 et de plus de 200 emplois prévus en 2019, pour une augmentation de 35 % du nombre total d’employés en deux ans.

Soutenir la relève

Finalement, Finance Montréal multiplie les efforts afin de faciliter l’entrepreneuriat financier et, au premier chef, soutenir le développement des gestionnaires en émergence.

Louis Lévesque juge important d’aider nos gestionnaires à se développer et à se positionner dans un secteur en pleine ébullition, surtout dans un contexte où les investisseurs institutionnels cherchent des solutions de placement susceptibles de compenser la baisse des rendements qui marque les marchés depuis plusieurs années.

Pour ce faire, l’industrie peut compter sur le Programme des gestionnaires en émergence du Québec (PGEQ), lancé en 2016. Le PGEQ a pour objectif de confier des mandats de gestion à des firmes québécoises en démarrage ou de petite taille afin de les aider à percer le marché institutionnel. Il avait confié près de 250 M$ en actif sous gestion à six gestionnaires au 31 décembre 2018.

Pour la suite, Finance Montréal planche sur un projet de coopérative de services à l’intention de ces firmes émergentes. L’objectif est de s’assurer que les gens impliqués dans «ces petites entreprises, dont plusieurs sont en démarrage, passent plus de temps au développement de leurs affaires et de leurs solutions, et moins de temps aux activités de conformité et d’arrière-guichet. Pour nous, c’est un enjeu important», explique Louis Lévesque.

La mise sur pied d’un comité Jeune Finance Montréal est un autre projet important de Finance Montréal. Ce comité, qui réunira une dizaine de jeunes professionnels de l’industrie, permettra de recentrer les activités existantes en matière de développement de talents. Il aidera aussi à faire la promotion du secteur, de sa diversité et du fait qu’il se préoccupe d’enjeux clés, tels que la représentation des femmes dans le secteur financier et l’environnement, ajoute Louis Lévesque.