Nicolas Richard (photo: Martin Laprise)

En 2011, lorsqu’il prend la décision de quitter ses fonctions de directeur général et directeur de l’allocation d’actifs stratégiques chez Morgan Stanley Smith Barney pour se joindre à l’équipe de Gregory Chrispin, chez Desjardins Gestion internationale d’actifs (DGIA), Nicolas Richard soulève la controverse dans son entourage.

«Certains de ses amis lui ont dit : « Nicolas, qu’est-ce que tu fais ? », raconte Mike Even, qui a côtoyé Nicolas Richard chez Citigroup de 1997 à 2005. Il est passé d’une banque privée américaine, un type d’organisation connu pour son agressivité, à une coopérative beaucoup plus conservatrice en comparaison. Cela dit, Nicolas a su très bien nous expliquer sa décision : il croyait vraiment qu’il pouvait changer les choses dans un environnement différent. Il a beaucoup foi en Desjardins.»

Nicolas Richard, qui occupe les fonctions de vice-président et chef de l’exploitation chez DGIA depuis 2016, fait écho à ces paroles lorsqu’il explique pourquoi il a accepté de faire le saut chez Desjardins.

«En toute honnêteté, mon arrivée chez Desjardins est le résultat d’un concours de circonstances, lance le CFA de 46 ans. J’avais une carrière intéressante à l’étranger, mais je souhaitais m’établir ici. Desjardins ne figurait pas nécessairement parmi les firmes que je ciblais lorsque je suis revenu travailler au Canada.»

C’est un chasseur de têtes qui mettra le Mouvement Desjardins sur sa route : «C’est comme ça que j’ai rencontré Gregory Chrispin. Ç’a cliqué immédiatement entre nous et j’ai compris que j’avais devant moi une très belle occasion. Je suis très content de ma décision, parce que lorsque tu travailles chez Desjardins, tu travailles pour des gens et des communautés qui sont près de toi. Tu peux voir l’effet de ce que tu fais, beaucoup plus que si tu travailles dans une banque privée américaine.»

En 2011, Gregory Chrispin était à la recherche d’un chef des placements pour son équipe chez DGIA : «J’avais besoin d’un bras droit, se souvient celui qui est depuis 2016 premier vice-président, Gestion de patrimoine et Assurance de personnes chez Desjardins. J’avais une grande sensibilité au volet compétence, mais je cherchais aussi quelqu’un qui était capable de s’adapter [à la culture de Desjardins], parce que je venais moi-même de vivre cette transition à mon arrivée, en 2010.»

Gregory Chrispin estime avoir été convaincu, non seulement par les excellents états de service de Nicolas Richard, mais aussi par son approche sensible envers les gens qui l’entourent. Son écoute l’avantage d’ailleurs beaucoup lorsque vient le temps de rechercher le consensus, un concept central dans la culture interne de coopérative du Mouvement Desjardins.

Carrière internationale

Nicolas Richard est né dans le village de Sainte-Scholastique, aujourd’hui Mirabel, dans les Laurentides. En 1993, il obtient un baccalauréat en mathématiques – actuariat de l’Université de Montréal.

«Je ne savais pas ce que je voulais faire après le cégep et, puisque j’étais assez bon en mathématiques, des gens m’ont parlé de l’actuariat. Je me suis rapidement aperçu que ce n’était pas un métier pour moi», avoue Nicolas Richard en ajoutant qu’il éprouve un grand respect pour ses collègues actuaires.

Cherchant toujours sa voie, il entame un second baccalauréat, en droit cette fois-ci. «En fait, si je n’étais pas allé en finance, je me serais sûrement dirigé vers la médecine ou le droit», souligne-t-il. Quelques semaines après le début de son deuxième diplôme universitaire, Nicolas Richard reçoit un appel.

«J’avais voyagé en Europe, en Suisse en particulier, et j’y comptais des amis qui avaient des contacts dans le secteur financier. Ils m’ont obtenu une entrevue à la banque privée Citibank de Genève, raconte-t-il. Je suis allé à l’entrevue et on m’a fait une offre. J’ai ramassé mes trois ou quatre valises, tout ce que je possédais, et je suis parti travailler en Suisse.»

C’est là que Nicolas Richard entre en contact avec le placement pour la première fois. Le sujet le passionne, et lorsqu’on lui offre un poste à Londres, il saute sur l’occasion. Il passera six ans dans la capitale britannique, où il complétera une maîtrise en finance à la London Business School.

«Dès que j’ai touché au placement proprement dit, le déclic s’est produit. C’était ce qui m’intéressait vraiment», déclare-t-il.

Ces années londoniennes lui en apprennent beaucoup sur la finance, mais également sur les cultures de placement, qui varient d’une région du monde à l’autre.

«Londres, par sa géographie, est connectée à la planète au complet, explique-t-il. Le matin, je parlais avec l’Asie et l’après-midi avec l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. Nous devions comprendre les différentes cultures d’investissement. Par exemple, les clients asiatiques prennent plus de risques que les autres en général. Il était vital de saisir comment la finance et le placement se déployaient dans toutes ces cultures et tous ces marchés.»

Pour arriver à bien s’adapter aux différentes réalités, il faut faire preuve d’un grand sens de l’écoute, une qualité que Nicolas Richard possède, selon Mike Even : «Il est capable d’aider des gens très différents à atteindre des conclusions uniformes soutenant une même direction. Durant sa carrière, il a eu à utiliser à la fois ses compétences techniques et sa capacité à influencer les gens afin de les amener à s’entendre sur des choses sur lesquelles ils ne seraient normalement pas d’accord.»

Sa carrière chez Citigroup le conduira ensuite, de 2002 à 2009, à New York, où il sera aux premières loges de la crise financière de 2008. À cette époque, les marchés bouleversaient l’univers des placements, mais également la stabilité des banques elles-mêmes.

«Nous vivions une double anxiété, raconte Nicolas Richard. Nous étions dans une organisation qui connaissait des difficultés financières énormes. Notre propre viabilité était remise en question et, en même temps, il fallait nous concentrer sur les marchés et décider s’il était temps d’acheter ou si nous devions rester réfugiés en attendant que la tempête passe. Nous nous demandions toujours quelle devait être notre stratégie de placement dans un environnement dans lequel personne n’avait jamais vécu.»

Ce chapitre de sa carrière prouve bien la force de caractère et le pragmatisme de Nicolas Richard, selon son patron Gregory Chrispin : «C’est quelqu’un qui a une résilience incroyable. Il a un objectif et, peu importe ce qu’il lui arrive, il va garder le cap sur cet objectif. Pour lui, c’est un marathon, pas un sprint.»

Retour au bercail

Nicolas Richard revient au Canada alors qu’il travaille pour Morgan Stanley Smith Barney. Il fait son entrée chez Desjardins en 2011 à titre de chef de stratégies de placement avant d’être nommé, en 2016, vice-président et chef de l’exploitation de DGIA. DGIA, rappelons-le, est le bras de gestion d’actif de Desjardins et gérait, pour des clients internes et externes au Mouvement, près de 63,9 G$ au 30 juin 2018.

«Mon rôle actuellement est de m’assurer que l’organisation est en croissance, qu’on implante notre plan stratégique et qu’on poursuit sur la lancée que Gregory a amorcée, indique-t-il. Il y a de nouveaux défis et de nouvelles occasions. Je dois m’assurer qu’on priorise les bonnes choses et qu’on met notre énergie aux bons endroits.»

Comme Nicolas Richard le précise souvent, il poursuit le travail amorcé par son prédécesseur : «Gregory a su stabiliser l’équipe après la crise financière et lui donner un nouveau souffle en bâtissant, par exemple, une nouvelle équipe spécialisée en actions canadiennes. Durant cette période, nos actifs et les mandats sous gestion furent en hausse significative. Mon objectif est de maintenir cette trajectoire ascendante, d’une part en développant de nouvelles offres et expertises, et d’autre part en développant davantage nos clientèles internes et externes.»

De 2013 à 2018, DGIA a fait passer son actif sous gestion (ASG) de 37,1 G$ à 63,9 G$. Ce montant inclut les sommes gérées pour les clients internes, comme Desjardins Sécurité financière et Desjardins Assurances générales (32,5 G$), les Fonds Desjardins (16,1 G$), le Régime de retraite du Mouvement Desjardins (4,6 G$) ainsi que les fonds négociés en Bourse de Desjardins (340 M$). Au total, ces clients internes représentaient 87,9 % de l’ASG de DGIA au 30 juin 2018, contre 86,8 % en 2013. Les actifs confiés par les clients externes représentaient quant à eux 7,7 G$, ou 12,1 % de l’ASG au 30 juin 2018, contre 4,9 G$, ou 13,2 % de l’ASG en 2013.

Le mélange de catégories d’actifs a également changé entre 2013 et 2018 chez DGIA. Ainsi, la portion en revenu fixe est passée de 65,9 % de l’actif en 2013 à 71,7 % au 30 juin 2018. «Nous continuons à travailler sur l’équilibre entre les catégories d’actifs. Nous demeurons fortement pondérés en revenu fixe et, même si c’est une catégorie d’actifs centrale et primordiale pour DGIA, nous visons simplement un meilleur équilibre dans notre mélange», explique Nicolas Richard.

Les actions sont passées de 19 % à 15,5 % du portefeuille, alors que l’immobilier et les hypothèques sont passés de 3,6 % à 4,7 % et de 11,5 % à 7,3 % respectivement. La création d’une équipe spécialisée en actions canadiennes, une des zones d’expertises reconnues de DGIA, le lancement de FNB en majorité spécialisés, la plupart en actions ordinaires, et le développement des investissements en infrastructure et des placements privés ont favorisé ce rééquilibrage des catégories d’actifs.

Un des autres axes de croissance importants pour DGIA est l’investissement responsable et il s’incarne notamment dans le lancement, le 27 septembre 2018, de trois nouveaux Fonds Desjardins SociéTerre et de huit nouveaux FNB spécialisés en investissement responsable. Parmi ces huit FNB, sept offrent aux clients des portefeuilles visant une réduction de l’empreinte carbone, et le dernier leur propose des investissements sans exposition au secteur de l’énergie traditionnelle, soit charbon, gaz et pétrole.

Desjardins soutient d’ailleurs le Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), qui tente de mettre au point, pour les entreprises, un cadre de divulgation volontaire constant des risques reliés au climat pour les prêteurs, les assureurs et autres intervenants. «Ce sera un volet où Nicolas devra créer une transition pour que la considération des enjeux d’investissement responsable ne soit plus une pratique en parallèle, mais quelque chose de pleinement intégré», note Gregory Chrispin.

Afin d’y arriver, Nicolas Richard doit non seulement chercher le consensus à l’interne, mais également veiller à ce que son équipe se concentre sur les bonnes choses.

«Nous avons des équipes très talentueuses, et je dois m’assurer que tout le monde peut garder les yeux sur la balle et faire son travail, note-t-il. Je veux maintenir un environnement de travail propice à l’excellence en retirant toutes les sources de distraction.»

Savoir demeurer concentré, voilà une leçon que Nicolas Richard a apprise en pratiquant une autre de ses passions : la pêche. «Il faut rester dans le moment présent. Au travail comme à la pêche, il faut savoir se concentrer sur ce qui se passe maintenant, sur la discussion actuelle, et seulement ensuite peut-on passer à autre chose.»