Dessin de deux hommes d'affaire se serrant la main
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Les courtiers en épargne collective qui cherchent à diversifier le portefeuille de leurs clients nantis s’intéressent de plus en plus aux stratégies que proposent des gestionnaires émergents locaux comme substituts aux solutions des grandes firmes de fonds traditionnels.

«On arrive en fin de cycle, alors les rendements substantiels et relativement faciles sont chose du passé. Il faut donc presser un peu plus le citron et aller dans des catégories d’actif ou des géographies moins traditionnelles, ou augmenter la prise de risque pour être capable de tirer des rendements intéressants», affirme Maxime Gauthier, chef de la conformité chez Mérici Services Financiers.

Dans ce contexte, pour des investisseurs plus aguerris ou ayant une valeur de portefeuille plus grande, certaines solutions offertes par des gestionnaires émergents pourraient être avantageuses, constate Maxime Gauthier.

Une gestion de risque accompagne néanmoins un tel choix, ainsi que des coûts et un risque réputationnel, ajoute Maxime Gauthier. Selon lui, il s’agit souvent de produits ou d’entreprises structurés autour d’un projet ou d’une approche de placement très précis. Il faut donc s’assurer de très bien comprendre le produit, mais également être à l’aise avec le gestionnaire, son équipe, de même que la structure de la firme

Pas seulement les institutionnels

De passage devant le Forum des conseillers et des gestionnaires, présenté par le Collège des professions financières en avril 2018 à Montréal, Robert Pouliot, spécialiste du risque fiduciaire et chargé de cours à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM), soulignait que les gestionnaires émergents étaient souvent isolés, du fait notamment qu’ils ont peu de ressources et que la plupart d’entre eux développent leur pratique à l’extérieur des réseaux traditionnels de l’industrie financière.

Selon lui, ils construisent leur firme en s’imaginant qu’ils vont surtout travailler avec des caisses de retraite, mais ils sont souvent loin d’être prêts à faire affaire avec elles. Pour cette raison, «les conseillers sont probablement les alliés les plus naturels qu’ils peuvent trouver».

Robert Pouliot est d’avis que des barrières technologiques, légales, réglementaires et financières ont empêché les deux communautés de travailler ensemble. Ainsi, les conseillers ignorent souvent l’existence des gestionnaires émergents et de leurs produits, tandis que ces derniers misent surtout sur les investisseurs institutionnels et ne sollicitent pas les courtiers afin de faire distribuer leurs produits par l’intermédiaire de leur réseau.

Le fait que les produits des gestionnaires émergents s’adressent la plupart du temps aux investisseurs qualifiés plutôt qu’au grand public ajoute une barrière à une éventuelle collaboration, selon lui. Il explique que les gestionnaires en émergence optent pour des produits dispensés, car les autres options sont souvent trop dispendieuses.

Les investisseurs qualifiés doivent avoir un revenu net avant impôt de plus de 200 000 $ dans chacune des deux dernières années civiles ou, avec leur conjoint, un revenu net avant impôt de plus de 300 000 $, selon l’Autorité des marchés financiers (AMF) ; de plus, ils doivent avoir, seuls ou avec leur conjoint, un actif net d’au moins 5 M$.

Ils doivent aussi satisfaire à différents critères en matière de connaissances financières et de tolérance au risque, ce qui explique qu’ils soient dispensés de certaines informations. Les banques, sociétés de fiducie, courtiers ou conseillers inscrits, compagnies d’assurance et certains types de caisses de retraite sont aussi considérés comme des investisseurs qualifiés.

Toutefois, contrairement à ce que plusieurs imaginent, un représentant en épargne collective n’a pas besoin d’un permis de marché dispensé pour travailler avec un gestionnaire émergent. C’est au courtier à inscrire son fonds ou sa solution sur sa liste des produits approuvés.

Comme il s’agit de produits dispensés de prospectus, le courtier doit alors faire une vérification diligente, puis s’assurer que ses représentants sont autorisés à les distribuer, c’est-à-dire qu’ils ont le degré de littératie financière requis pour les comprendre correctement, a indiqué Jonathan Halwagi, associé chez Fasken, lors du Forum.

Le courtier et son représentant doivent remplir différentes obligations réglementaires relativement à la distribution de ces produits. Celles-ci demeurent assez classiques et incluent la connaissance du client et l’analyse de risque. Le conseiller doit se demander : est-ce que mon client est un investisseur qualifié ? Quelle est sa tolérance au risque ? Quelle partie de son portefeuille peut être investie dans ce type de produit ?

«Il ne s’agit pas de produits grand public et nous en sommes conscients. Ce sont des produits de niche, parce que la réglementation impose des critères pour les investisseurs qualifiés. Mais nous croyons que ça peut nous amener à développer un réseau auprès d’investisseurs qualifiés susceptibles d’être à la recherche de ce type de produit», analyse Maxime Gauthier.

Selon lui, Mérici a bon espoir d’approuver quelques produits de gestionnaires émergents d’ici la fin de l’année, afin de répondre à des besoins spécifiques. «Je ne veux pas répliquer quelque chose qui existe déjà dans les fonds communs, juste parce que c’est le fun. Je veux quelque chose de différent ou de plus performant pour un même risque», dit-il.

Maxime Gauthier ajoute : «En plus d’offrir à nos clients des produits différents qui peuvent être très bons, l’argument du nationalisme économique, c’est quelque chose qui vient me chercher. Si je peux encourager un gestionnaire de Montréal, qui crée de l’emploi et qui dépense ici, ça me parle beaucoup et je sais que ça parle à un certain nombre de mes clients.»