Un homme d'affaires assis sur un tas de billets vert.
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Réexamen des conflits d’intérêts, révision des mesures incitatives à la vente, augmentation des coûts de conformité. Voilà entre autres à quoi se préparent les services de conformité des courtiers du secteur des valeurs mobilières afin d’ajuster leurs pratiques d’affaires aux réformes axées sur les clients.

C’est ce que révèle le sondage mené dans le cadre du Pointage des régulateurs 2020, en janvier et février derniers. À cette occasion, Finance et Investissement a demandé à des responsables de la conformité de déterminer, parmi six énoncés, les changements les plus susceptibles de survenir dans leur entreprise à la suite de l’entrée en vigueur, en 2022, des nouvelles mesures d’encadrement découlant des réformes axées sur les clients.

Parmi ces réformes, on note une nouvelle exigence, soit de donner préséance aux intérêts des clients. Les nombreuses nouvelles obligations touchent aussi la connaissance du client et du produit ainsi que l’évaluation de la convenance.

Les 72 répondants pouvaient cerner autant de changements pertinents qu’ils le souhaitaient parmi la liste d’énoncés ou aucun d’entre eux. Résultat : 38,9 % des sondés jugent que certaines formes de rémunérations disparaîtront.

« Beaucoup d’accent est mis sur les conflits d’intérêts liés à la rémunération. Notamment, la commission à frais d’acquisition reportés pour les fonds communs sera abolie », note un répondant.

« De plus en plus, la rémunération passera des commissions aux honoraires », prévoit un autre.

Plus du tiers des sondés (38,9 %) entendent éviter que certains produits ne procurent une rémunération supérieure. « On est contre des produits plus payants que d’autres, en raison de l’apparence de conflits d’intérêts. Ça devrait être dénoncé », dit un troisième répondant.

De plus, 30,6 % des répondants anticipent que leur courtier liera une partie de la rémunération variable des conseillers à leur conformité aux politiques et aux procédures internes.

« Tout converge vers un seul but : joindre la rémunération au mérite, sans nécessairement la joindre au volume. En ce moment, elle est strictement liée au volume. Les formes vont être analysées. Les frais de vente différés seront abolis », estime un autre répondant.

« Il y a beaucoup de documents à remplir, côté conformité. Pour s’assurer que c’est bien fait, on se demande si une partie du bonus sera liée à la qualité du travail », dit un autre.

En outre, 27,8 % des répondants prévoient que certaines cibles de ventes vont être abandonnées ou seront moins contraignantes. Le quart d’entre eux envisagent que leur courtier reportera d’un délai raisonnable le paiement d’une partie de la rémunération du conseiller afin de s’assurer que leur travail est conforme. Seulement 15,8 % entrevoient que la direction de leur courtier réduira la proportion de la rémunération variable du conseiller par rapport à sa rémunération totale.

Segmentation et travail plus long

Les réformes axées sur les clients risquent d’alourdir de nouveau le fardeau réglementaire et Finance et Investissement a voulu en connaître les effets. Encore une fois, les 72 répondants pouvaient déterminer, parmi sept effets possibles, lequel ou lesquels seraient les plus probables de survenir dans leur entreprise.

En tout, 75 % des sondés prévoient une hausse des coûts de conformité. Et, 63,9 % anticipent que les conseillers segmenteront davantage leur bloc d’affaires en y éliminant les clients les moins rentables. La moitié des répondants jugent que le travail du conseiller sera plus compliqué et plus long ou que les firmes de courtage auront davantage de difficulté à recruter et retenir des conseillers de la relève.

« Le conseiller devra travailler plus et ça va coûter plus cher », note un répondant, dont l’avis est largement partagé.

« Les petits clients vont devenir moins rentables, donc on va se concentrer sur une clientèle plus aisée », complète un sondé.

« Tout est lié aux résultats de la firme. Si on veut continuer à avoir une rentabilité, il faudra segmenter davantage », ajoute un autre répondant.

« Le temps consacré à mon client est passé du double au triple. Je vais devoir probablement segmenter davantage ma clientèle pour compenser ces pertes », dit ce sondé qui semble avoir aussi un permis de représentant.

Plusieurs répondants déplorent les défis croissants pour la relève. « Les gens vont se tourner vers des produits qui vont générer des commissions pour se constituer un salaire », indique un sondé, qui semble évoquer ici les produits d’assurance de personnes.

« On nous enterre de paperasse et on alourdit nos tâches, ce qui nous empêche de développer notre marché. On élimine ainsi les conseillers qui ne sont pas capables de suivre la machine. Les étudiants qui sortent des universités ont peu de chance de réussir dans les 10 premières années », ajoute un autre.

Un répondant, plutôt négatif, sonne l’alarme du fardeau réglementaire qui croît sans cesse : « Ces changements ont pour conséquence une consolidation de notre industrie, une pression à la baisse de la rémunération des acteurs, une concentration des produits maison dans les portefeuilles, ce qui favorise les manufacturiers qui sont déjà de grands acteurs. »

Par ailleurs, 47,2 % des répondants jugent que les clients accorderont une importance élevée aux coûts directs et indirects de détention de produits, et 29,2 % estiment que la liste de produits approuvés par leur firme de courtage raccourcira. Seulement 11,1 % des répondants prévoient que les frais de courtage qu’assumera le client seront plus élevés.