Un conseiller souriant avec un couple de clients.
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Alors que les marchés chutent et que l’inflation s’emballe, les clients qui ont pris goût à l’investissement autonome retrouvent de l’appétit pour les conseils financiers.

Depuis le début de la pandémie, les investisseurs individuels ont ouvert près de 4 millions de comptes de courtage direct au Canada, dont environ 750 000 au Québec, selon la société de recherche Investor Economics.

Avec la fin de la crise de la COVID-19 et l’arrivée de la vague inflationniste, le balancier pourrait cependant revenir du côté du conseil, a déclaré Alain Desbiens, directeur des FNB de BMO Gestion mondiale d’actifs, en marge d’un forum organisé en octobre à Montréal à l’intention des conseillers en placement.

Pendant la pandémie, les investisseurs ont eu davantage de temps à consacrer à leurs investissements en ligne, note le dirigeant.

La progression du numérique a rendu les plateformes de courtage en ligne plus accessibles. Le télétravail et des marchés favorables la fin de 2021 ont contribué à stimuler l’intérêt pour le courtage à escompte. L’abolition des frais de transaction par certaines institutions a également pesé dans la balance.

Les firmes de conseil ont perdu quelques plumes dans la bataille. Aux États-Unis, l’engagement des investisseurs auprès d’un conseiller traditionnel a diminué de 4,3% en 2021, selon une recherche de Parameter Insights. Cette proportion s’élève à 11 % chez les investisseurs qui utilisent une application de courtage.

Les choses commencent cependant à changer. « En 2022, les marchés sont plus volatils et les investisseurs sont plus circonspects et nerveux. Les investisseurs ont donc plus que jamais besoin de conseils de professionnels », remarque Alain Desbiens.

Il est vrai qu’avec la crise, les investisseurs canadiens ont perdu confiance dans le marché boursier. Près du quart d’entre eux n’y croient plus, selon un sondage de Finder. Conséquence : quelque 7,5 millions d’investisseurs pourraient décider de retirer leur participation des marchés dès cette année, estiment les analystes.

« Des investisseurs novices et expérimentés sont à la recherche de solutions de rechange et de conseils concernant leurs placements et leurs stratégies d’investissement », croit Alain Desbiens.

Et il y a beaucoup d’argent sur la table. Le courtage à escompte au Québec représentait une valeur de près de 125 G$ en décembre 2020, soit environ 12% du volume du marché québécois de l’épargne, selon une estimation de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières.

Plus du quart des comptes de courtage direct pourraient être transformés en comptes avec conseils, ce qui représente un potentiel de 25 G$ transférables vers des conseillers à la fin de la pandémie, juge Alain Desbiens. Il se base sur le fait que 26% des investisseurs qui ont un compte de placement autogéré font également appel à un conseiller, d’après la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.

Valeur du conseil

Alors que s’écoule le Mois de la littératie financière, l’occasion est belle d’éduquer les investisseurs autonomes qui cherchent une solution de rechange pour leurs placements, dit l’expert.

Par exemple, l’Autorité des marchés financiers indique dans un document de sensibilisation qu’il peut être plus difficile d’investir en Bourse de manière autonome lorsque les marchés sont volatils et imprévisibles. Elle fait en outre état du fait que les investisseurs doivent posséder des connaissances et des compétences poussées en matière financière et fiscale pour analyser les résultats des entreprises cotées en Bourse, et qu’ils doivent avoir également une tolérance au risque élevée ainsi que les moyens d’encaisser des pertes.

Une étude du CIRANO révèle par ailleurs que les investisseurs qui font appel à un conseiller pour gérer leurs avoirs ont un actif 2,7 fois plus important que ceux qui ne bénéficient pas de conseils financiers.

Dans ce contexte, les conseillers peuvent viser à accroître leur bloc d’affaires avec des clients qui n’ont pas les connaissances, le temps ou l’expertise pour s’occuper de leurs placements de façon autonome, signale Alain Desbiens. « Les conseillers ne doivent pas avoir peur d’articuler leur proposition de valeur auprès des investisseurs autonomes, soutient-il, car le rôle du conseiller ne consiste pas seulement à sélectionner des titres, mais à avoir une approche globale de la situation financière des clients. »

Alors que beaucoup de conseillers cherchent à faire croître leur bloc d’affaires, le recrutement de nouveaux clients dans le courtage direct peut être une option pour augmenter le volume d’actifs sous gestion, par exemple en optimisant le potentiel de consolidation dans le bloc d’affaires de clients qui ont aussi des comptes de courtage à escompte.

Cette stratégie doit s’accompagner d’une démarche constante de demande de références auprès de clients acquis, de clients potentiels et de centres d’influence, ajoute Alain Desbiens. Il précise que la proposition de valeur doit reposer sur trois éléments clés : la confiance, l’éthique et la compétence.

Les institutions ont également un rôle à jouer pour aider les conseillers à faire briller leur profession, en mettant à leur disposition des outils afin de développer certaines habiletés, note le dirigeant.

BMO a ainsi mis sur pied en 2020 un centre de la volatilité qui contient des outils pour aider les conseillers à répondre aux questions des clients. L’institution propose également des formations pour les conseillers qui souhaitent mettre en valeur leur image de marque sur les réseaux sociaux, des lettres d’information sur le développement des affaires, des infographies pour vulgariser l’information financière et des articles traitant de sujets chauds pour les clients.

Enfin, comme un nombre important de conseillers partiront à la retraite au cours des prochaines années, ces professionnels deviendront à coup sûr une ressource de plus en plus rare. De quoi augmenter la valeur de leurs conseils aux yeux des investisseurs.