«Québec baisse le taux d’imposition des sociétés, ce qui est une excellente nouvelle», soutient Luc Lacombe, associé, Fiscalité au bureau lavallois de Raymond Chabot Grant Thornton.

«Le budget paraît financièrement responsable. Les nouvelles mesures budgétaires favorisent nettement les PME», enchaîne Gaétan Veillette, administrateur agréé et planificateur financier au Groupe Investors.

Luc Lacombe entrevoit néanmoins l’approche de la prochaine campagne électorale dans ce budget. «D’un point de vue politique et économique, c’est vraiment électoraliste. On a utilisé des surplus en se servant des lois. Techniquement, c’est un déficit prévu l’année prochaine, présenté cette année comme un budget équilibré», précise-t-il.

«Sur le plan fiscal, les mesures sont généreuses, il y a des réductions des taux d’impôt, ce qui est intéressant pour la population», estime Zeina Khalifé, directrice, Planification du patrimoine et fiscalité chez BMO Gestion de patrimoine.

Elle se réjouit également que le programme de crédit d’impôt RénoVert soit prolongé jusqu’au 31 mars 2019. «Particulièrement sur l’île de Montréal, les maisons vieillissent. Les personnes qui veulent entreprendre des rénovations ont maintenant plus de temps pour le faire.»

L’impôt sur le revenu fractionné

Dans une note d’information diffusée le 13 décembre dernier, Ottawa établissait, à compter de l’année 2018, les nouvelles bases de l’impôt sur le revenu fractionné (IRF) pour les propriétaires d’entreprise. Il prenait soin de préciser que : «Les membres de la famille qui apportent une contribution importante à l’entreprise ne seront pas touchés par les nouvelles mesures.»

Désormais, depuis le 1er janvier dernier, une entreprise n’a plus le droit de fractionner son revenu par le paiement de dividendes au conjoint ou aux enfants majeurs. Cependant, le gouvernement fédéral a institué des exceptions à cette règle, notamment pour les membres de la famille qui travaillent au moins 20 heures par semaine pour l’entreprise, et pour ceux qui, pendant cinq années consécutives ou pas dans le passé, ont travaillé pour l’entreprise.

Québec aligne sa réglementation sur celle du gouvernement fédéral dans ce dossier.

Luc Lacombe est d’avis que les exceptions à la règle fédérale résolvent la question du «caractère de critère raisonnable», qui avait suscité de nombreux commentaires quand Ottawa l’a soumise pour discussion en juillet 2017. «Il est difficile de confronter le jugement d’un vérificateur de l’Agence du revenu du Canada à celui d’un entrepreneur. Ils n’analysent pas la situation de la même manière», avance-t-il.

«Il était justifié que le gouvernement balise ces stratégies de fractionnement du revenu entre personnes liées, qui pouvaient créer des situations d’abus», considère Gaétan Veillette. Il croit que ces nouvelles mesures vont exiger dorénavant, de la part des propriétaires d’entreprise, une planification financière et fiscale plus rigoureuse.

Chez BMO Gestion de patrimoine, la clientèle de Zeina Khalifé comprend des entreprises qui datent de plusieurs générations et des fiducies familiales. «Ces mesures pénalisent des gens ou elles empêchent l’attribution de dividendes à des enfants qui y auraient droit parce qu’aucun abus fiscal n’y est rattaché», déplore-t-elle.

Baisse graduelle du taux d’imposition des entreprises

D’ici 2021, Québec baissera de 8 % à 4 % le taux d’imposition des entreprises qui profitent de la déduction pour petite entreprise (DPE) et qui cumulent un total annuel de 5 500 heures rémunérées de leurs employés. Même s’il est d’accord avec la mesure québécoise, Luc Lacombe s’interroge sur la disparité avec la déduction accordée aux petites entreprises (DAPE) au fédéral.

Il signale aussi que, dans le dossier de la DPE au Québec, une mesure touchant les entreprises est passée inaperçue. «Le taux maximal d’imposition des dividendes ordinaires se situait à 44 %. D’ici 2021, il atteindra 48 %. Ce taux a été augmenté parce qu’on a baissé la DPE. Je pense qu’il y a là une dichotomie importante», dit-il.

Selon Gaétan Veillette, la diminution de la DPE sera favorable aux entreprises admissibles. Il soutient que le Québec doit rester concurrentiel sur le plan fiscal par rapport aux autres pays de l’Amérique du Nord.

Pour Luc Lacombe et Zeina Khalifé, les mesures du budget du Québec, qui suivent celles du budget fédéral de février dernier, changeront leur façon de travailler avec leurs clients.

«Dans la prochaine année, nous devrons effectuer des planifications selon les besoins du particulier, ses besoins en liquidités et à quel moment il pourra sortir ces liquidités de l’entreprise», prévoit Luc Lacombe.

«Si j’ai un client qui a une famille très fortunée, qui a accumulé 2 M$ personnellement, je lui aurais auparavant suggéré de transférer ces fonds-là dans la société familiale de gestion, par exemple. S’il possède une entreprise, je vais maintenant lui conseiller de conserver ces fonds dans ses finances personnelles pour ne pas perdre le droit à la DAPE au fédéral», évalue Zeina Khalifé.

Québec accorde un crédit d’impôt maximal de 750 $ aux personnes qui font l’achat d’une première habitation, acquise après le 31 décembre 2017.

La clientèle de Zeina Khalifé, directrice, Planification du patrimoine et fiscalité chez BMO Gestion de patrimoine, formée notamment de familles à revenus élevés, n’est pas visée par ce crédit d’impôt, mais la fiscaliste convient que la mesure est très intéressante. «C’est un petit bonbon pour les familles qui ont de moins grands moyens et qui veulent acheter une première propriété», affirme-t-elle.

«Ce nouveau crédit d’impôt constitue un incitatif susceptible d’encourager l’accès à la propriété résidentielle. Cette mesure s’ajoute au crédit fédéral de 625 $ pour un premier versement de 5 000 $», fait valoir Gaétan Veillette, administrateur agréé et planificateur financier au Groupe Investors.

«On aide les acheteurs d’une première maison à couvrir des coûts non récurrents, comme les frais de notaire, les analyses, etc., et ça permet indirectement d’augmenter le versement initial pour l’achat de l’habitation», souligne pour sa part Luc Lacombe, associé, Fiscalité au bureau lavallois de Raymond Chabot Grant Thornton.