petit bonhomme qui pousse un bouclier
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L’industrie des services financiers, de pair avec les autorités gouvernementales et les acteurs de la société civile, doit continuer de mettre en place tous les éléments nécessaires afin de réellement protéger les personnes vulnérables en matière de maltraitance financière. Même si les enjeux liés à ces personnes sont complexes, l’industrie doit faire le nécessaire et investir les ressources pour réaliser cet objectif en place tous les éléments nécessaires afin de réellement protéger les personnes vulnérables en matière de maltraitance financière. Même si les enjeux liés à ces personnes sont complexes, l’industrie doit faire le nécessaire et investir les ressources pour réaliser cet objectif.

D’abord, mettons les choses au clair : pour un conseiller, un dirigeant de cabinet ou de courtier ou pour un responsable de fonctions de conformité, composer avec un client vulnérable requiert une sensibilité élevée aux dimensions humaines, financières, légales, réglementaires, entre autres, qui sont propres à sa situation. Le présent texte ne vise pas à en brosser un portrait exhaustif. Il entend plutôt réitérer l’importance de se doter d’un cadre qui favorise la protection de ces clients et de l’améliorer dans le temps.

Nous sommes conscients des derniers développements en la matière, même s’il y en a eu plusieurs dans la dernière décennie. En avril 2021 était sanctionnée la Loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité ainsi que la surveillance de la qualité des services de santé et des services sociaux, qui amène certaines exigences pour les professionnels de l’industrie.

Au 31 décembre 2021 entraient en vigueur le cadre visant à rehausser la protection des clients âgés et vulnérables dans le secteur des valeurs mobilières et les ajustements au Règlement 31-103. Ceux-ci prévoient que les conseillers et les courtiers doivent obtenir des clients les coordonnées d’une personne de confiance, de même que leur consentement à communiquer avec cette dernière si on craint qu’un client soit victime d’exploitation financière ou que ses facultés mentales soient altérées. Le règlement permet également des blocages temporaires de comptes dans les cas où on estime qu’un client vulnérable est exploité financièrement.

En janvier et en février derniers, Finance et Investissement sondait sur la question 52 responsables de la conformité dans le cadre du Pointage des régulateurs. En tout, 73,1 % jugent que ces nouvelles règles permettront de protéger réellement les clients les plus vulnérables contre la maltraitance financière. En revanche, 15,4 % d’entre eux pensent le contraire et 11,5 % n’ont pas d’avis sur le sujet.

Parmi les dissidents, certains déplorent l’absence d’immunité, qui permettrait à un conseiller de bonne foi de dénoncer une situation d’abus sans craindre de représailles. « Pour que les mesures soient plus efficaces, il faudrait prévoir un régime qui protège les institutions financières qui agissent en gelant un compte temporairement en vertu de ces règles », indiquait un répondant. « Le fardeau qui repose sur les inscrits est trop grand. Les régulateurs nous obligent à faire des blocages, mais ils ne nous ont pas donné un mécanisme de protection en cas de poursuite », jugeait un autre.

Les régulateurs de l’industrie devraient suivre et mesurer l’efficacité de ces mesures et considérer de nouveau cette option d’immunité pour les acteurs de l’industrie financière, quitte à l’encadrer. Car, pour l’industrie, le carré de sable est petit lorsque se pose la question de protéger les clients vulnérables.

En effet, bon nombre de principes de droit s’opposent. Ceux qui touchent à la protection des clients vulnérables se butent à tout l’encadrement de la confidentialité, de la protection des renseignements personnels et du respect de la vie privée, comme l’ont expliqué les avocates Isabelle N. Tremblay et Pascale Apold lors du dernier congrès de l’Institut québécois de planification financière, à Montréal, en septembre.

Selon leur analyse, en matière de maltraitance financière, il existe peu de situations dans lesquelles le signalement est obligatoire au Québec pour les représentants. Ceux-ci doivent dénoncer à l’Autorité des marchés financiers tout représentant incompétent ou malhonnête, selon le Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

La Loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance vise un équilibre entre le respect de la vie privée et la protection de l’aîné vulnérable. Elle oblige un professionnel à dénoncer s’il a un motif raisonnable de croire qu’une personne est victime de maltraitance. Or, les planificateurs financiers et autres conseillers de l’industrie qui n’ont pas de désignation professionnelle ne sont pas nommés dans le Code des professions, ce qui fait qu’ils n’ont pas cette obligation, ont conclu les avocates dans l’atelier qu’elles ont animé.

Les conseillers ont « la possibilité » de dénoncer leurs soupçons d’abus, mais n’en ont pas souvent l’obligation. Au moins, si jamais ils ont de tels soupçons, y compris au sujet du mandataire ou du tuteur d’une personne vulnérable, ils peuvent en parler avec la personne de confiance. Cette dernière pourra alors dénoncer la situation aux autorités compétentes et, espérons-le, faire des démarches pour protéger la victime.

En raison de la taille limitée de ce carré de sable, il est facile pour un conseiller ou une firme de courtage de fermer les yeux sur une situation où il y a des indices d’exploitation, mais où les soupçons sont difficiles à prouver. Ils évitent ainsi le risque d’être poursuivis en justice et s’épargnent de perdre un temps fou dans un dossier épineux.

L’industrie a le devoir moral de ne pas rester les bras croisés et de faire le nécessaire pour bien protéger les personnes vulnérables contre la maltraitance financière. Si elle croit que le cadre actuel ne l’aide pas en ce sens, elle doit en informer les autorités gouvernementales et réglementaires. Personne ne gagne à ce que les systèmes mis en place pour prévenir et stopper les mauvais traitements souffrent eux-mêmes de failles et de vulnérabilités.

L’équipe de Finance et Investissement