Une femme assise à un bureau devant un ordinateur. Elle écrit sur un bloc note.
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Le choix des régulateurs canadiens en assurance d’abolir l’option des frais d’acquisition reportés (FAR) sur les contrats de fonds distincts nous apparaît comme une décision cohérente pour la protection du public. Nous espérons toutefois qu’elle n’engendrera pas de conséquences inattendues qui nuiraient potentiellement au public.

Ainsi, une analyse des modèles de rémunération liés aux FAR a mené les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) à bannir les commissions versées à la souscription de titres d’organismes de placement collectif comme les fonds communs et, par le fait même, les FAR, à partir du 1er juin 2022.

Puis, en février, l’Autorité des marchés financiers (AMF) demandait aux assureurs de cesser cette pratique de souscription visant à imposer des FAR dans le cadre des contrats de fonds distincts, également à compter du 1er juin 2022. L’AMF entamera prochainement des travaux réglementaires visant à bannir cette pratique à compter du 1er juin 2023.

Cet automne, le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA), dont fait partie l’AMF, lancera une consultation qui cherche entre autres à évaluer l’interdiction complète de la commission à la souscription de contrats de fonds distincts, comme l’imposera le secteur des valeurs mobilières à partir du 1er juin 2022.

Cette dernière annonce a suscité de vives appréhensions dans le secteur de la distribution, comme en fait foi notre article en première page. Finance et Investissement suivra cette consultation.

Revenons à la question des FAR, l’objet principal de notre propos.

Avec ces actions, les régulateurs évitent aux clients de subir un risque d’arbitrage réglementaire. Ce risque est celui qu’un conseiller pouvant distribuer à la fois des fonds communs de placement et des fonds distincts détourne des actifs des premiers vers les seconds uniquement pour des raisons de rémunération et sans que cela soit dans l’intérêt du client.

Les organismes de réglementation l’ont compris et ont agi à temps afin d’éviter ce que certains membres de l’industrie financière jugeaient comme un risque significatif. Les régulateurs devaient donc prendre cette décision afin d’être cohérents avec celle d’abolir les FAR en fonds communs.

L’abolition des FAR dans la distribution des fonds communs et des fonds distincts rendra probablement plus facile la tâche, pour les services de conformité, de repérer les situations de barattage (churning). Le régulateur vient aussi éviter les risques d’abus découlant de l’utilisation des FAR.

Toutefois, cette décision réglementaire ne sera pas sans conséquences ni risque que d’autres situations problématiques émergent. Comment les conseillers et les sociétés qui étaient d’importants utilisateurs de FAR, en proportion de leurs revenus, s’adapteront-ils à ces interdictions ? Cette question reste centrale et y répondre, avec des données chiffrées à l’appui, devrait devenir une préoccupation pour les organismes de réglementation.

On sait que ceux qui utilisaient les FAR étaient, toutes proportions gardées, plus susceptibles d’être des conseillers de la relève, d’administrer moins d’actif et de générer moins de revenus par rapport à leurs pairs. Ce sont eux qui doivent changer leur modèle d’affaires.

Pour gagner leur vie, ces conseillers vont-ils promouvoir des produits qui ne seraient pas les plus convenables ? Vont-ils abandonner des segments de clients moins rentables, ce qui nuirait à l’accès au conseil financier de la population en général?

Certains représentants risquent-ils d’acquérir des blocs d’affaires principalement pour le revenu qu’ils génèrent de manière régulière, en se contentant d’offrir à ce trop grand bassin de clients un service minimal ?

Comment les firmes soutiendront-elles et encadreront-elles les conseillers de la relève qui auront besoin tôt ou tard de générer un revenu décent pour demeurer en activité ? Le travail en équipe, pour un conseiller débutant, deviendra-t-il un passage obligé à son avantage et à celui de son client ?

Ce sont toutes de bonnes questions. Et on devrait rester attentif à ce genre de nouveaux risques collatéraux pouvant résulter de la décision d’abolir les FAR.

Car une décision réglementaire peut paraître adéquate lorsqu’elle est prise isolément, mais présenter de fâcheuses conséquences lorsqu’on examine l’ensemble du portrait.

L’équipe de Finance et Investissement