Christiane VanBolhuis, Monette Malewski et Chantal Denault.
Photo : James Wagner

Plus de 150 professionnelles du secteur se sont réunies à l’hôtel Ritz-Carlton pour discuter des divers enjeux auxquels se heurtent les femmes pour faire leur place, ainsi que les différentes stratégies pour y arriver.

Voici un aperçu de ce qui a été dit.

L’industrie financière s’ouvre à la diversité

L’industrie n’a pas toujours été des plus accueillantes pour les femmes, mais au cours des dernières années, les institutions financières ont multiplié les initiatives pour améliorer la diversité dans leurs rangs.

«Cela nous permet d’aller chercher plus de talents, mais aussi plus de clients», a souligné Brigitte Felx, première directrice régionale, stratégie de distribution-entreprise chez RBC Gestion mondiale d’actifs.

Lors de la conférence «Femmes dans l’industrie financière», elle a notamment expliqué que RBC a entrepris de former ses recruteurs aux bienfaits d’équipes de travail plus diversifiées. «Pour les postes de leadership, notre objectif est qu’un candidat sur trois soit une femme», précise-t-elle.

Outre les traditionnelles mesures pour faciliter la conciliation travail-famille, RBC a créé un programme de mentorat spécialement conçu pour les femmes, ainsi que le réseau RBC Elle, qui permet aux employées de la banque d’échanger sur les défis professionnels auxquels elles sont confrontées.

L’institution financière cherche parallèlement à mieux répondre aux besoins de sa clientèle féminine. Elle compile notamment des statistiques pour mieux comprendre les différences de comportement entre les femmes et les hommes en matière de placement.

Objectif : haute direction

La Sun Life a elle aussi pris un virage pour favoriser une plus grande diversité de son effectif. «Isabelle Hudon [ancienne chef de la direction pour le Québec] a été un catalyseur pour l’avancement des femmes à la Sun Life», affirme Anne Meloche, chef des affaires institutionnelles chez Placements mondiaux Sun Life.

La nomination de Jacques Goulet à titre de président national de l’assureur l’année dernière a également marqué un tournant dans les efforts pour favoriser la diversité de la main-d’oeuvre, poursuit-elle. Il s’est notamment engagé à constituer un conseil de direction paritaire et s’est donné comme objectif que les femmes occupent 40 % des postes de haute direction (vice-présidences et plus élevé) d’ici 2020.

Sun Life et RBC sont aussi signataires de l’Accord Catalyst, en vertu duquel les entreprises canadiennes s’engagent à ce que le pourcentage moyen de femmes siégeant au sein de conseils d’administration et de femmes occupant des postes de haute direction atteigne au moins 30 % d’ici 2022.

Les hommes, des alliés

Les femmes travaillent fort pour se tailler une place dans l’industrie financière, mais les hommes ont aussi un rôle à jouer pour que de réels changements s’opèrent. «Ils doivent y croire aussi et devenir des alliés des femmes, sortir de leur réseau traditionnel et s’ouvrir à des modèles de leadership différents», soutient Brigitte Felx.

De nombreuses études ont montré que les femmes sont beaucoup plus réticentes que les hommes à postuler à un poste lorsqu’elles se sentent sous-qualifiées. «Les hommes sont plus fougueux, ils pourraient enseigner aux femmes à prendre plus de risques, à négocier davantage, suggère Anne Meloche. C’est primordial, car on sait que la prise de risque est souvent la clé du succès professionnel.»

Les deux dirigeantes formulent d’ailleurs le même conseil aux conseillères : avoir confiance en soi. «Il faut s’exprimer avec assurance, même si à l’intérieur de soi on ne la ressent peut-être pas tant que ça, dit Anne Meloche. On doit réussir à se convaincre qu’on est convaincante.»

Le leadership au féminin

Être un leader n’est pas une mince affaire, mais lorsqu’on est une femme dans un milieu d’hommes, les défis sont d’autant plus difficiles à surmonter. Trois femmes leaders ont fait part des embûches qu’elles ont rencontrées sur leur chemin vers les sommets de l’industrie financière.

Même si elles ont des parcours variés, Geneviève Blouin, présidente et fondatrice d’Altervest, Annie Lapointe, directrice générale, Banque d’affaires et services bancaires aux sociétés chez BMO Marchés des capitaux, et Maarika Paul, chef de la direction financière et des opérations à la Caisse de dépôt et placement du Québec, s’entendent pour dire que pour réussir comme leader, il faut savoir s’entourer et communiquer.

Les trois femmes ne pensaient pas arriver là où elles en sont aujourd’hui, et pourtant… Selon elles, ce qui leur a permis d’accéder à leur poste actuel, c’est leur capacité à collaborer. En tant que leader, il faut savoir gérer du personnel et, donc, travailler en équipe.

«On ne peut pas être expert en tout, il faut savoir déléguer», résume Maarika Paul.

La communication d’abord

L’écoute permet de savoir quels sont les besoins de l’équipe et les outils dont elle a besoin pour réaliser les tâches qu’on lui a confiées, affirment les trois panélistes.

«Si on ne communique pas et que notre équipe ne comprend pas pourquoi on décide de faire quelque chose ou, au contraire, de ne pas agir, on ne pourra pas avancer. Même si ce n’est pas toujours facile d’y penser, la communication est essentielle», soutient Maarika Paul.

Communiquer veut aussi dire écouter les membres de son équipe. Un bon leader est quelqu’un qui connaît personnellement ses employés. Maarika Paul estime que si on peine à retenir les informations personnelles concernant les membres de son équipe, il ne faut pas hésiter à les noter quelque part.

«Créer un climat d’écoute encourage vos employés à venir vers vous s’ils ont besoin d’aide», souligne Geneviève Blouin.

La communication signifie également qu’il ne faut pas avoir peur d’aller chercher de l’aide. Geneviève Blouin se souvient ainsi du moment où elle a créé le Conseil des gestionnaires émergents. À l’époque, elle avait formé une équipe pour jeter les bases du regroupement, mais dès la première réunion, elle s’est rendue compte que cela ne fonctionnait pas du tout. Les membres n’avaient réussi qu’à se disputer sans que rien de concret n’ait été réalisé.

Elle est donc allée chercher un mentor dans l’industrie pour savoir quel était le problème. Celui-ci lui a permis de comprendre que les personnes autour de la table travaillaient pour elles et non pour leur communauté. Elle a donc dissous le groupe de travail pour en former un nouveau. Plus tard, c’est également ce mentor qui l’a aidée à prendre sa place et à s’imposer comme leader dans l’équipe.

Oser créer des précédents

En étant une femme dans une industrie d’hommes, il ne faut pas craindre de faire des actions qui n’ont jamais été faites. Annie Lapointe se souvient ainsi que lorsqu’elle est tombée enceinte, c’était la première fois que son équipe était confrontée à une telle situation. Les membres du groupe s’inquiétaient beaucoup de la façon dont tout allait se dérouler et tentaient de l’inciter à prendre un court congé de maternité de deux mois, à l’instar de femmes qu’ils connaissaient. Annie Lapointe n’a pas eu peur de dire qu’elle comptait s’absenter un an et ses collègues ont fini par l’accepter.

Maarika Paul confirme que si les femmes sont parfois plus réservées, il faut qu’elles osent prendre leur place et imposer leurs limites. Il faut aussi comprendre qu’un leader reste un être humain, il ne peut donc pas tout faire et peut aussi se tromper.

Pour une conciliation travail-famille réussie, les trois expertes estiment qu’il faut faire preuve d’une certaine résilience et, surtout, apprendre à s’appuyer sur les autres. «Il faut apprendre à vivre avec la culpabilité. On ne peut pas être partout, souligne Annie Lapointe, il faut donc savoir tourner les coins ronds. Il faut également savoir s’entourer, autant au bureau qu’à la maison.»

Geneviève Blouin la rejoint sur ces points et avoue qu’elle n’aurait pas pu s’occuper de ses enfants et travailler sans avoir de l’aide. Elle-même a pris un long congé de travail pour être avec ses enfants pendant leurs premières années. Elle admet cependant que cette situation n’aurait pas pu être permanente, car, à un certain moment, elle n’avait plus l’impression de s’épanouir.

«Si tes enfants sentent que tu n’es pas heureuse, ça ne fonctionne pas non plus, assure-t-elle. Je suis donc retournée au travail. C’est vrai que maintenant, je vois peut-être mes enfants moins souvent que je le voudrais, mais je me sens plus épanouie.»

Ramener l’humain au centre de votre pratique

Pour réussir à communiquer avec vos clients, les pousser à agir et vous démarquer de vos concurrents, il importe de ramener le côté humain au centre de votre pratique, affirme Sara Gilbert, coach et fondatrice de la firme Développement des affaires Strategist(e).

Si vos clients ne suivent pas vos conseils, c’est peut-être que vous ne leur parlez pas de la bonne façon, a suggéré Sara Gilbert, dans sa conférence «Les affaires avec un grand « H »«.

En sachant que 95 % des décisions des êtres humains sont basées sur les émotions, il ne sert à rien que les professionnels des services financiers appuient leur argumentaire sur la logique et le rationnel, soutient-elle.

«Les conseillers vont souvent me dire : « Ça fait 14 fois que je dis à mon client qu’il a besoin d’assurance, mais il ne passe pas à l’action ». C’est parce qu’on tente de rationaliser, mais ce n’est pas ça qui le poussera à agir. Ramener l’humain au centre de nos affaires, c’est comprendre son comportement et ses fondamentaux», explique-t-elle.

Prendre le rôle de guide

Selon elle, un conseiller devrait assumer un rôle de guide auprès de son client, car c’est ce que ce dernier cherche. Il veut quelqu’un qui pourra l’amener d’où il se trouve vers là où il veut se rendre.

«Vous ne voulez pas seulement être utile pour votre client, vous voulez devenir significatif», nuance-t-elle.

Un conseiller qui vante seulement la performance de ses portefeuilles pour vendre ses services est perçu comme un outil, une commodité. Ces indicateurs sont trop abstraits pour les clients, juge la fondatrice de Développement des affaires Strategist(e).

Ils veulent plutôt savoir s’ils pourront réaliser leurs projets. C’est donc autour de cela que les conseillers devraient centrer leurs conversations. Ils doivent découvrir ce qui motive leurs clients pour devenir significatifs dans leur vie.

«Personne ne veut un plan financier. Ce que les gens désirent, c’est la tranquillité d’esprit. Ils veulent savoir s’ils sont capables d’accomplir leur plus grand rêve. Un client qui a tout partagé, ses rêves, ses peurs, ses plus grandes ambitions, etc., ne voudra pas aller ailleurs», explique Sara Gilbert.

Trouver le motivateur ultime

Le motivateur ultime, c’est ce qui amène les clients à agir, ce qui est important pour eux, le pourquoi de leurs investissements. Selon elle, «c’est la porte d’entrée à la gestion de patrimoine». Une fois qu’un conseiller détermine ce qui motive son client, toutes les conversations futures pourront être reliées à cet objectif-là.

«Grâce au motivateur ultime, un conseiller est capable d’amener son client à prendre les bonnes décisions», affirme-t-elle.

Par exemple, si le désir du client qui ne veut pas souscrire d’assurance est de vendre son entreprise pour faire le tour du monde, on peut lui expliquer que l’assurance permettra de le rapatrier en cas de problème, peu importe où il se trouve dans le monde.

Procéder de la sorte permet également de gérer les émotions du client lorsque les marchés performent moins bien. Au lieu de parler des rendements en baisse, il suffit de ramener l’attention du client sur le plan à long terme et lui faire constater qu’il reste en bonne voie de se concrétiser. Cela le détache de l’immédiat et lui permet d’avoir une certaine tranquillité d’esprit.

L’art de poser les bonnes questions

Afin de découvrir le motivateur ultime des clients, il faut apprendre à poser les bonnes questions.

Par exemple, si vous demandez : «Pourquoi investissez-vous ?» à votre client, il va sûrement répondre que c’est pour avoir assez d’argent pour la retraite. C’est effectivement une réponse, mais ce n’est pas la vraie réponse.

Si vous demandez plutôt : «Dans un monde idéal, à quoi ressemblerait votre retraite ?», le client passera du côté rationnel de son cerveau à l’aspect créatif et rêveur. C’est là que vous pourrez découvrir son motivateur ultime, son plus grand rêve. Pour le laisser répondre librement, les questions fermées sont donc à proscrire.

Sara Gilbert met toutefois les conseillers en garde. Il faut laisser au client le temps de réfléchir. Selon elle, la clé, c’est de se taire et non de tenter de meubler le silence.

«C’est dans le silence que la magie se produit», conclut-elle.

À chaque génération son lot d’obstacles

Si l’on voit de plus en plus de femmes dans le milieu financier, celles-ci ont encore bien du chemin à faire pour être considérées de la même façon que leurs collègues masculins. Trois femmes de différentes générations ont parlé des défis auxquels elles doivent faire face dans cette industrie majoritairement masculine.

Bien que des années les séparent, Chantal Denault, conseillère en sécurité financière et représentante en épargne collective chez Services Financiers Chantal Denault, Monette Malewski, présidente et directrice générale du Groupe M Bacal, et Christiane VanBolhuis, conseillère en sécurité financière, en assurance et rentes collectives et planificatrice financière chez Solutions financières Wallace & VanBolhuis, Financière Sun Life, ont embrassé leur carrière avec passion et un certain culot.

Apprendre à accepter notre différence

«À l’époque, quand j’entrais dans les salles, il y avait très peu de femmes et tout le monde était habillé en gris, blanc ou noir. Moi, j’étais toujours en couleur. Dans ce milieu, il faut oser et assumer qui nous sommes», affirme Monette Malewski, la plus âgée du panel.

Chantal Denault, qui a aussi travaillé dans les domaines juridique et agricole, connaît bien le fait d’être une femme évoluant dans des milieux masculins et rejoint Monette Malewski sur ce point. Elle-même avoue toujours devoir sortir de sa zone de confort pour faire ce qu’elle veut.

Pour Christiane VanBolhuis, ce n’est pas tant le fait d’être une femme que d’être jeune qui a été plus difficile à faire accepter à ses clients. «Quand j’ai commencé, je détonnais du profil typique du conseiller ou du planificateur financier», se souvient-elle.

Pourtant, les trois femmes ont réussi à dépasser les préjugés en faisant preuve de professionnalisme et en montrant leur expertise dans leur domaine. «Si on monte une bonne pratique, qu’on apprend à travailler en équipe et qu’on fait un bon travail, c’est sûr que les gens vont finir par reconnaître notre valeur», déclare Monette Malewski.

«Être une femme n’est pas une maladie, plaisante Chantal Denault, il faut qu’on prenne notre place.»

Contrer les idées reçues

Mais être différente n’est pas toujours évident, il faut savoir faire face aux préjugés ou à certaines remarques désobligeantes. Monette Malewski siège au conseil d’administration (CA) d’Investissement Québec. Si elle avoue qu’un bon ami – l’ex-ministre Raymond Bachand – y travaillait, elle a toutefois obtenu plusieurs mandats successivement, car elle a su faire ses preuves et montrer qu’elle avait sa place au CA. Pourtant, elle entend encore certaines personnes affirmer qu’elle y a siégé seulement grâce à ses relations.

«Ce n’est pas une remarque que l’on aurait faite à un homme, souligne-t-elle. Les gens semblent surpris quand une femme fait un bon coup, comme si elle en était incapable.»

Christiane VanBolhuis se rappelle ainsi avoir entendu des hommes prétendre, lors d’un événement prestigieux, qu’une femme n’était là que parce qu’elle était belle.

Elle-même déplore ce type de commentaires que l’on ne ferait jamais à un collègue masculin. Selon elle, ces remarques nuisent à l’industrie et aux femmes, surtout qu’elles sont nombreuses à souffrir du syndrome de l’imposteur et doutent d’être à la hauteur du poste qu’elles occupent.

Difficile conciliation travail-famille

Être conseillère indépendante permet des horaires plus flexibles, mais il faut également être prête à prendre des risques. Les trois femmes ont pourtant choisi cette voie. Christiane VanBolhuis avoue que cela n’a pas toujours été facile, particulièrement lors de son congé de maternité. «Le sentiment de culpabilité m’habitait parce que je ne pouvais pas être autant avec mon enfant que je le voulais, explique-t-elle. Mais en même temps, quand il y a une activité spéciale à la garderie, je suis là parce que j’en ai la possibilité.»

Monette Malewski met en avant le fait que dans la vie, il y a des hauts et des bas. Une femme doit être gestionnaire dans sa carrière, mais aussi dans sa vie personnelle. Selon elle, il faut pouvoir déterminer quel est le meilleur moment pour réaliser chaque tâche et savoir faire preuve de patience. «On ne peut pas tout faire en même temps. Aujourd’hui, j’ai beaucoup de temps pour faire des choses que je ne pouvais pas faire étant jeune», affirme-t-elle.

De son côté, Chantal Denault a décidé de ne pas assister à trop de 5 à 7. Pour faire du réseautage, elle-même préfère s’impliquer dans la collectivité. Cela lui permet de suivre ses quatre enfants dans leurs activités tout en rencontrant de nouvelles personnes et donc des clients potentiels.

«L’équilibre parfait n’existe pas, car la vie n’est pas statique. Il faut apprivoiser le concept It’s good enough [c’est suffisant] et savoir bien s’entourer», conclut Christiane VanBolhuis.

Finance et Investissement, Avantages et Conseiller souhaitent remercier les quatre commanditaires de la première édition de la conférence «Femmes dans l’industrie financière».

Proportion de femmes dans l’industrie financière qui estiment que leur genre nuit parfois à leur carrière.

Source : TC Media

Proportion de femmes dans l’industrie financière que l’idée de promouvoir leurs réalisations personnelles met mal à l’aise.

Source : TC Media