Une bonhomme avec un ordinateur pour tête. Sur l'écran de celui-ci, on voit un point d'interrogation.
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Ainsi, l’Autorité des marchés financiers (AMF) s’apprête à publier la version finale de son règlement relatif à la distribution d’assurance de personnes sur Internet, qui doit entrer en vigueur en juin 2019. Ce règlement va enfin encadrer ce genre de distribution, qui risque, à tort ou à raison, de plaire à un segment significatif de consommateurs déjà habitués à faire leurs achats en ligne.

Pour protéger le public, l’AMF ainsi que ses homologues canadiens doivent non seulement implanter un encadrement sensé pour la distribution sur Internet, mais aussi se donner les moyens de l’appliquer.

D’abord, à l’heure où l’on exige des représentants des standards élevés en matière de déontologie, d’éthique, de compétence et de formation continue, il devrait en être de même pour les algorithmes ou robots appelés à conseiller les clients.

Quelle sera l’éthique de travail de ces technologies ? Comment prioriseront-elles l’intérêt des clients ? Comment gèreront-elles l’inévitable conflit entre la loyauté qu’elles doivent avoir envers leur « employeur » et celle envers leurs clients ? En clair, est-ce qu’elles se préoccuperont davantage de la sécurité financière de la firme qui les emploie ou de celle des consommateurs ?

Ces questions s’avèrent légitimes lorsqu’on pense qu’un robot-conseiller pourra recommander à un client de remplacer une police existante. Comment les régulateurs évalueront-ils qu’une technologie a un regard suffisamment critique et avisé sur une police d’assurance émise il y a 15 ou 20 ans et qu’elle la compare objectivement avec la nouvelle qui est proposée ? Rappelons que la CSF stipule que « le représentant doit privilégier le maintien en vigueur de tout contrat d’assurance de personnes, à moins que le remplacement soit dans l’intérêt du client ».

La distribution en ligne sans l’intervention d’un représentant soulève de nombreuses questions qui doivent guider les réflexions des régulateurs : sur la base de quels critères les algorithmes devront-ils suspendre une transaction lorsque le produit ne convient pas aux besoins du client ? Ou encore, comment s’assurer qu’un client comprend réellement la définition d’un cancer ou d’une maladie grave, sachant que même les conseillers en sécurité financière peuvent s’y perdre dans le jargon médicolégal des assureurs ?

De la responsabilité, SVP

Les entreprises qui utiliseront ces algorithmes doivent aussi en demeurer responsables et s’assurer qu’ils suivent l’inévitable évolution de la réglementation. L’AMF devra donc veiller à ce que la gouvernance des algorithmes soit appropriée et que les entreprises utilisant ces outils technologiques maintiennent une culture de conformité et de responsabilité de haut niveau.

Les régulateurs doivent faire preuve d’un certain scepticisme à l’égard des nouvelles technologies, malgré l’enthousiasme général associé à leurs promesses.

Ensuite, à l’instar de n’importe quel dispositif réglementaire, le succès de l’encadrement des algorithmes résidera dans le suivi, les contrôles et l’application de la loi. Les régulateurs doivent se doter des bons outils de mesure et définir les bons indicateurs clés de performance pour s’assurer que les règles mises en place fonctionnent.

Ils ne doivent pas hésiter à user d’imagination afin de tester et mettre à l’épreuve ces technologies s’ils veulent être pertinents et utiles.

Les autorités de réglementation doivent aussi se donner les ressources financières pour que leurs activités de surveillance, de renseignement, d’enquête ainsi que leurs suivis par rapport à ces activités soient pertinents, efficients et faits au moment opportun.

Comme n’importe quel cadre réglementaire, celui-ci finira par évoluer et les régulateurs doivent aussi être outillés pour que sa transformation se fasse convenablement, c’est-à-dire en protégeant le public sans pour autant étouffer l’industrie.

Il est normal que le cadre réglementaire du conseil financier s’adapte aux nouvelles technologies. Cependant, il doit évoluer sans déconstruire le filet de protection du public. Car la sécurité financière de la population est aussi un bien public qu’on a le devoir de protéger.

L’équipe de Finance et Investissement