Lors d’un témoignage devant un comité parlementaire, mardi, Stephen Poloz a été questionné sur son utilisation du mot « atroce » pour décrire ses attentes vis-à-vis de l’impact du plongeon des prix du pétrole sur l’économie pendant les trois premiers mois de 2015.
Le gouverneur a aussi été interrogé au sujet de la récente affirmation de la banque centrale voulant que le marché immobilier canadien soit surévalué de jusqu’à 30 pour cent, même si elle a insisté pour dire que le pays n’était pas aux prises avec une bulle immobilière.
Le président du Comité des finances de la Chambre des communes, James Rajotte, a demandé à M. Poloz si la banque centrale essayait sciemment de choquer les marchés, particulièrement dans un contexte où les analystes dissèquent chaque mot qu’il utilise. M. Rajotte a en outre suggéré que le style du gouverneur était moins posé que celui de son prédécesseur, Mark Carney.
« Ce n’est certainement pas notre intention d’étonner ou d’effrayer les gens », a affirmé M. Poloz aux parlementaires.
L’audience de mardi était la première occasion pour les membres du comité de questionner le gouverneur depuis le début novembre, soit juste avant que les prix du pétrole, déjà en baisse, ne connaissent leur vrai plongeon.
Depuis, la banque centrale a indiqué, dans un rapport émis en décembre, que les prix des logements canadiens étaient surévalués d’entre 10 et 30 %.
Puis, en janvier, la banque a abaissé d’un quart de points de pourcentage son taux d’intérêt directeur à 0,75 %, une réduction qui a facilité encore davantage l’endettement des consommateurs, y compris pour les dettes hypothécaires.
Le député néo-démocrate Guy Caron a fait remarquer mardi à M. Poloz que certaines études étrangères laissaient croire que le Canada commence à ressembler à un cas classique de bulle immobilière.
Mais le gouverneur a rejeté cette suggestion, répétant que la banque voyait peu d’éléments laissant croire à des symptômes de bulle.
D’une part, M. Poloz a souligné l’absence de comportements hautement spéculatifs, comme par exemple l’achat, par une seule personne, de plusieurs logements dans l’intention de les revendre plus tard pour réaliser un profit. Il a aussi fait valoir que l’activité de construction de maisons était tout à fait conforme à la demande démographique.
Selon M. Poloz, la surévaluation du marché de l’habitation actuelle est un effet secondaire nécessaire des efforts qui ont été requis pour sortir l’économie de la Grande Récession. En fait, le gouverneur a noté qu’il aurait été inhabituel pour le Canada d’émerger de la crise sans que les prix des maisons ne progressent, puisque l’augmentation de l’activité d’emprunt attribuable à la faiblesse des taux d’intérêt a aidé l’économie à redémarrer.
M. Poloz a par ailleurs défendu sa décision de réduire le taux directeur de la banque centrale, une façon, selon lui, d’assurer l’économie contre la vitesse et l’ampleur de la glissade des prix du brut, qu’il a décrit mardi comme une « situation extrêmement incertaine ».
Le gouverneur a assuré que la baisse du taux directeur avait eu un effet positif sur l’économie, même s’il a reconnu que les preuves pour appuyer ses dires restaient « minces » pour l’instant.
Il a cependant rapporté certains exemples d’effets positifs.
Les Canadiens profitant d’un taux d’intérêt hypothécaire variable, et ceux qui ont récemment renouvelé leur hypothèque, jouissent déjà de plus faibles paiements. Et les entreprises avec des contrats d’exportation existants profitent d' »énormes » augmentations de leurs flux de trésorerie grâce au plus faible taux de change.
La baisse des taux, a-t-il répété, était nécessaire pour protéger l’économie de la morsure des bas prix du pétrole, ce qui l’a emmené à affirmer à un journaliste, le mois dernier, que les données économiques pour le premier trimestre de 2015 auraient l’air « atroces ».
Le gouverneur s’attend à ce que la croissance économique du premier trimestre soit nulle, mais il croit que de meilleurs jours viendront et prédit que les données témoigneront d’une accélération de l’économie dès ce printemps, grâce au raffermissement de l’économie américaine.
M. Rajotte a demandé à M. Poloz s’il regrettait avoir utilisé le mot « atroce », qui s’est retrouvé en manchette et a été repris par les partis d’opposition pour tenter d’attaquer les politiques économiques du gouvernement conservateur.
« Ce que je tentais de décrire, c’est comment, au cours de ces quelques mois, les données au quotidien pourraient avoir l’air très négatives », a affirmé le gouverneur dans une prudente réponse.
« Personne ne sait encore de quoi aura l’air le premier trimestre. Notre prévision, c’est que la croissance sera de zéro pour cent, et cela semble raisonnablement conforme à ce que d’autres (observateurs) disent. »
Photo Bloomberg