David Lafferty, stratège boursier en chef à Natixis Global Asset Management, dit que la rigidité accrue des politiques monétaires n’a pas affecté le rendement des portefeuilles obligataires, mais qu’elle a rendu le parcours plus cahoteux.
« En fait, la Réserve fédérale américaine a fait très peu » en matière de taux d’intérêt, dit M. Lafferty, qui est entré à Natixis en 2004 après avoir couvert les produits à revenu fixe et de répartition d’actifs pour State Street Research. « Elle n’a bougé que d’un quart de point. Elle a l’air de marquer le pas, du moins pour les trois à six mois à venir. Nous ne nous attendons à aucun resserrement supplémentaire, au moins jusqu’en juin, sinon septembre. Mais toutes les discussions sur le moment du prochain changement et sa rapidité ont suscité une tonne de volatilité sur le marché des taux d’intérêt. »
Le marché baissier du début de 2016 a forcé les banques centrales du monde entier à baisser les taux d’intérêt dans l’espoir de créer une relance économique. La Banque du Japon (BdJ) et la Banque centrale européenne (BCE) ont fait les manchettes en entrant en territoire négatif; toutefois, M. Lafferty croit que ce n’est qu’un début.
« Je dirais que la BdJ et la BCE ont toutes les chances de poursuivre leurs mesures de relance, dit M. Lafferty. Nul ne sait si elles en tireront quelque chose, mais elles continuent à mettre les taux sous pression. Les États-Unis sont dans une situation différente : les taux vont demeurer faibles pendant quelque temps, mais la tendance est à la hausse. Nous en sommes déjà à un niveau qui implique le resserrement de la politique monétaire, à en juger simplement par la situation de l’emploi. Nous attendons que le facteur inflationniste de cette équation se mette en place. »
La Banque du Canada, quant à elle, se concentre davantage sur le prix des marchandises avant de déterminer sa prochaine manoeuvre, dit M. Lafferty. « Une des choses que la Banque du Canada va chercher à faire, c’est prendre le contrôle de la situation en suivant la direction que va prendre le prix du pétrole et où cela va conduire l’économie, dit-il. Si le pétrole commence à se stabiliser et même à remonter, cela peut vouloir dire que la Banque du Canada n’aura plus à prendre des mesures d’assouplissement. »
Alors que règne la volatilité créée par l’ignorance des prochaines décisions des banques centrales, M. Lafferty dit que ceux qui investissent dans les produits obligataires ont eux-mêmes un choix crucial à faire : devraient-ils opter pour davantage de risque lié au crédit, ou davantage de risque lié aux taux d’intérêt? Aux États-Unis, Natixis offre depuis 1995 des fonds obligataires avec ces deux types de risques à divers degrés. Cette méthode est devenue accessible aux investisseurs canadiens en septembre 2015 avec le lancement du .
« La délimitation entre le risque lié aux taux d’intérêt et le risque lié au crédit a presque atteint son niveau le plus important de l’histoire », dit M. Lafferty, qui est titulaire d’une maîtrise en finances de l’Université de Suffolk. « En faisant baisser les taux d’intérêt, et parce que les écarts se sont élargis, les banques centrales ont rendu cette décision d’autant plus frappante. Ce n’est plus simplement la question de savoir si l’on investit dans les obligations et à quel niveau, mais de quel côté du marché obligataire on se trouve. »
M. Lafferty et son équipe trouvent davantage de valeur du côté du crédit, domaine qui comprend les titres de créances de qualité supérieure, les obligations à rendement élevé, les prêts bancaires et les obligations convertibles.
« Ce que nous possédons, c’est du papier commercial de haute qualité, que nous détenons principalement pour sa liquidité, dit-il. Le marché obligataire n’est plus tellement liquide. Parce qu’on veut garder de la liquidité dans le portefeuille, on a besoin de l’équilibrer en conséquence. Mais nous essayons de minimiser notre participation à ce secteur. À longue échéance, le risque qu’on prend est payant. Les portefeuilles de titres de créances, par définition, vont surclasser les portefeuilles de qualité supérieure, simplement à cause du rendement. »
M. Lafferty dit que le faible niveau des taux d’intérêt pousse les particuliers qui investissent dans les obligations — notamment ceux qui cherchent un revenu fiable à la retraite — vers le risque lié au crédit.
« Si l’on applique le principe général des 4 % », dit-il, se référant à un taux de prélèvement communément accepté pour la retraite, « il est presque impossible de toucher 4 % sur le marché des obligations souveraines en ce moment. Près de 7 billions $US sur le marché mondial des obligations souveraines ont un rendement négatif à ce stade, et la plus grande partie du reste rapporte moins de 2 %. Quiconque a besoin de 3,5 % à 5,5 % pour atteindre ses objectifs de retraite sera poussé du côté du crédit. »
Un autre facteur important pour l’investisseur individuel est le rôle des produits à revenu fixe dans son portefeuille global, dit M. Lafferty.
« Si vous songez au revenu fixe comme agent de diversification de votre participation aux actions, il faut qu’il soit de qualité supérieure. Vos placements à revenu fixe deviennent alors le soi-disant facteur d’équilibre dans votre portefeuille, et vous allez devoir diminuer quelque peu l’importance du risque lié au crédit. Si vous songez à votre portefeuille obligataire comme un facteur clé de rendement total dans une conjoncture à faibles taux d’intérêt et si vous avez un portefeuille de 60 % d’actions et 40 % d’obligations, vous ne pouvez simplement pas laisser 40 % de votre portefeuille inactif. Parfois, le côté crédit est plus logique. »