Le concept de l’investissement axé sur la valeur remonte au moins aux années 20, lorsque Benjamin Graham et David Dodd ont commencé à enseigner la finance à l’Université Columbia. Les principes fondamentaux de l’investissement axé sur la valeur ont été énoncés plus tard dans leur ouvrage classique intitulé Analyse des titres (Security Analysis), publié en 1934. L’idée en est tout à fait simple : acheter des titres au-dessous de leur valeur intrinsèque et attendre patiemment que leur valeur boursière reflète leur valeur réelle.
Cette approche, si élégante dans sa simplicité, a fini par faire figure de religion. Beaucoup de disciples de MM Graham et Dodd, dont le plus connu est Warren Buffett, sont parmi les investisseurs les plus prospères de l’histoire. Toutefois, malgré son caractère intuitif et ses myriades d’adeptes, il a fallu attendre jusqu’en 1992 pour que la théorie de MM Graham et Dodd revête une rigueur empirique. Ce fut l’année où Eugene Fama et Kenneth French ont publié leur ouvrage précurseur The Cross-Section of Expected Stock Returns, qui introduisait le concept de prime de valeur.
Les deux chercheurs ont découvert que les actions qui se négocient à de faibles ratios cours/valeur comptable avaient tendance à surclasser celles qui se négocient à des multiples élevés sur une longue période. MM Fama et French ont démontré que la valeur était une réalité, qu’elle était significative, et qu’elle pouvait générer des rendements excédentaires. Toutefois, leur version de la valeur a vu le jour dans les milieux universitaires, un domaine où les questions embêtantes comme les frais, les coûts de transaction et les impôts, questions concrètes qui peuvent affecter les investisseurs qui cherchent à exploiter la prime de valeur, n’existent pas.
Les indices du « style » de valeur sont issus de ces idées. Ces indices ont été tout d’abord façonnés selon ce style à l’intention des gestionnaires actifs, et ce ne fut que plus tard qu’ils ont été adoptés par les fonds indiciels et les fonds négociés en bourse. Leur performance peut nous donner une idée du véritable avantage de valeur qui est offert aux investisseurs. Du 29 décembre 1978 au 13 mars 2016, l’indice de valeur Russell 3000 des actions américaines a augmenté de 12,05 % annuellement, tandis que l’indice de croissance Russell 3000 a augmenté de 10,78 % annuellement (les données de rendement entre 1978 et la création de ces indices en 1995 sont rétrospectives).
La prime de valeur de 1,27 %, composée sur des dizaines d’années, représentait une hausse considérable du patrimoine d’arrivée. Un placement de 10 000 $ dans l’indice de valeur a atteint 688 108,29 $ au 13 mars 2016. Un placement du même montant dans l’indice de croissance a rapporté 450 446,95 $, soit une différence de 53 %. MM Graham et Dodd avaient vu juste.
La valeur a pris du retard
L’investissement axé sur la valeur est simple en théorie, mais difficile à appliquer. De nos jours, les investisseurs qui privilégient la valeur se trouvent au milieu d’une période difficile. La première illustration est un graphique de richesse relative indiquant la performance de l’indice de valeur Russell 3000 par rapport à l’indice de croissance Russell 3000. Lorsque la courbe est ascendante, l’indice de valeur surclasse l’indice de croissance. Lorsqu’elle est descendante, c’est l’indice de croissance qui domine. On remarquera que la valeur aux États-Unis a surclassé la croissance pendant la période de plus de six ans qui a émergé après l’éclatement de la bulle technologique, mais depuis la deuxième moitié de 2006, la valeur a perdu du terrain. Du 8 août 2006 (comme le montre le sommet de l’indice de valeur par rapport à l’indice de croissance dans la première illustration) au 31 décembre 2015, l’indice de croissance Russell 3000 a surclassé son homologue de valeur de 3,89 % annuellement.