Lors d’une récente entrevue vidéo, Laura Lutton de Morningstar répond par l’affirmative. Si vous êtes plus petit et plus lent que votre adversaire et que vous sautez moins haut que lui, vous marquerez moins de paniers à moins que vous n’y ayez sérieusement travaillé. Parallèlement, ceux qui ont un emploi qui rapporte moins doivent faire certaines choses de plus que leurs collègues plus nantis pour atteindre le même niveau de qualité à la retraite, comme par exemple investir davantage dans les actions.
Alors bien entendu il existe beaucoup de choses que vous pouvez incorporer dans le plan de retraite de votre client à part prendre plus de risques. De meilleures choses, même : économiser davantage, prendre sa retraite plus tard et réduire les coûts d’un portefeuille sont de meilleures options pour stimuler les pourcentages. Les deux premières options garantissent un revenu-retraite supérieur, quelle que soit la performance du marché. La troisième n’est pas infaillible, car parfois des placements plus chers surclassent la concurrence, mais elle est plus prudente. Tandis que détenir plus d’actions, en revanche, ne l’est pas.
Malheureusement, ces meilleures choses peuvent parfois être irréalistes. Investir plus pour rattraper le temps perdu semble bien en principe, mais en pratique cela signifie qu’il faut s’attendre à ce que les travailleurs moins bien payés aient des taux d’épargne plus élevés. Alors bonne chance. Prendre sa retraite plus tard est plus plausible, mais ça s’arrête là. Les problème de santé et de famille et les réductions d’effectifs dans les sociétés mettent chaque année des millions de travailleurs sur la touche, contre leur gré.
Il est donc vrai qu’outre le moyen relativement anodin consistant à réduire leurs coûts, les travailleurs qui gagnent moins pourraient aussi songer à relever le risque de leur portefeuille. Cette mesure n’est pas sans peine ni sans danger : la possibilité qu’une mauvaise performance du marché laisse le retraité avec beaucoup moins d’actifs, et donc moins de revenu, que s’il avait misé sur la prudence. Toutefois, les autres solutions consistant à économiser plus quand on ne peut pas économiser plus, prendre sa retraite plus tôt quand ce ne sera pas possible et investir plus prudemment en anéantissant ainsi tous les espoirs de rattraper son retard, présentent aussi des lacunes.
La journaliste de Forbes Frances Coppola n’est pas d’accord. Dans son ouvrage « No, Living Longer And Earning Less Are Not Good Reasons To Take More Risk » (Non, une espérance de vie plus longue et un revenu inférieur ne justifient pas de prendre plus de risques), Frances Coppola écrivait :
Prenez le cas d’un célibataire de 40 ans qui touche un salaire moyen. Est-ce qu’un conseiller qui se respecte lui dirait de prendre des risques plus grands dans son portefeuille qu’un célibataire du même âge touchant un salaire à 6 chiffres ? J’espère que non. Car bien qu’un risque plus élevé puisse générer des rendements plus élevés, il y a plus de chances que le rendement de vos investissements ne soit pas à la hauteur de ce que vous aviez prévu.
Cela semble militer en faveur d’une équipondération des actifs.
Les travailleurs à plus faible revenu ne devraient pas essayer de rattraper leur retard en détenant plus d’actions, car ça n’apporte pas grand-chose. Les gains potentiellement plus élevés qui pourraient s’accumuler grâce à cette tactique sont largement contrebalancés par les pertes potentielles. (Les gains doivent largement être contrebalancés par les pertes, et pas qu’un peu, car autrement, ajouter des actions serait une mesure neutre et pas une erreur.)
La même logique semblerait s’appliquer aux travailleurs à salaire plus élevé. Ils sont eux aussi soumis aux lois du risque-rendement. S’ils achètent plus d’actions, ils peuvent aussi bénéficier de rendements plus élevés, mais sont aussi confrontés à un potentiel de perte plus élevé. La bonne affectation pour la retraite, semblerait-il, est la bonne répartition à la retraite. Le revenu n’est pas un problème.
Mme Coppola poursuit :
Pour cet homme qui a un un salaire à six chiffres, une volatilité supérieure n’est pas trop grave, puisque son portefeuille d’investissement devrait être assez important pour générer un revenu raisonnable à la retraite même si le rendement n’est pas ce qu’il avait prévu. Mais pour une femme moyenne*, dont le portefeuille est bien plus petit, même un petit sous-classement pourrait faire une grosse différence sur son train de vie à la retraite. Pour elle, une volatilité croissante est à éviter.
* Évidemment, l’étude de Mme Lutton et de Mme Coppola traitait de la manière dont les femmes devraient investir. Toutefois, cette partie de la discussion, soit la relation entre le revenu et le risque du portefeuille, n’est pas déterminée par le sexe, et je l’ai traitée en conséquence.
Donc, M. Coppola ne préconise pas l’égalité des revenus. Elle suggère plutôt qu’un revenu plus élevé pourrait permettre un risque plus élevé au niveau du portefeuille. Ceux qui ont des moyens peuvent se permettre d’absorber des pertes, ce qui n’est pas le cas de ceux qui n’en ont pas. Un travailleur au salaire élevé dont le portefeuille est torpillé jouira quand même d’une retraite confortable, même si elle n’est pas luxueuse, tandis qu’un travailleur au revenu plus faible et au portefeuille torpilllé se retrouvera au sens métaphorique du terme (et peut-être au sens propre) à la rue.
Mme Lutton et Mme Coppola en sont au même point mais regardent dans des directions opposées.
Pour Mme Lutton, l’infime chance que les pauvres deviennent encore plus pauvres en investissant à tort et à travers pendant la période d’accumulation (cette discussion ne concerne que les années de vie active; investir pendant la retraite est une toute autre paire de manches) est contrecarrée par la forte probabilité qu’ils auront une retraite confortable. Car le status quo n’est pas une bonne chose.
Pour Mme Coppola, l’infime chance que les pauvres deviennent encore plus pauvres en investissant à tort et à travers durant la période d’accumulation est contrecarrée par la forte possibilité qu’ils auront une retraite relativement confortable. Le statu quo n’est pas fameux, mais c’est mieux qu’un désastre complet.
Elles ont toutes les deux raison. Le niveau de revenu affecte bel et bien la répartition d’actifs d’un portefeuille de retraite. Toutefois la fonction est personnelle et imprévisible. Pour certains travailleurs à salaire faible, le jeu en vaut la chandelle, pour d’autres, certainement pas. De même, ceux qui ont un salaire élevé pourchassent les actions technologiques, tandis que d’autres se réfugient dans les obligations municipales pour préserver ce qu’ils ont eu la chance de gagner.
Une solution unique ne convient pas à tout le monde. Mme Lutton avait raison de soulever la possibilité que les travailleurs au salaire plus faible pourraient envisager de prendre plus de risques. Mme Coppola avait raison dans sa contre-argumentation. Je ne peux pas en dire plus à moins d’avoir une conversation avec l’investisseur pour comprendre son attitude personnelle vis-à-vis de la prise de risque.