Essentiellement, cette loi vise à faire le ménage dans le domaine de la construction. Une entreprise de la construction qui veut soumissionner à un contrat public devra dorénavant obtenir une autorisation de l’AMF. L’autorisation est donnée une fois que l’entreprise a passé, et réussi, le processus d’enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC).
Q2. Et on parle uniquement du secteur de la construction…
Évidemment, le gouvernement agit là où le bât blesse. Certains secteurs sont complètement évités, afin de ne pas alourdir inutilement la structure pour appliquer la loi.
Q3. Environ combien d’entreprises seront soumises à cette loi ?
En fin de compte, quelque 25 000 demandes seront examinées. C’est pourquoi le gouvernement, dans un premier temps, a adopté un décret pour les contrats de 40 millions de dollars et plus afin d’éviter un effet d’engorgement. Éventuellement, le gouvernement abaissera la barre, jusqu’à en arriver à des contrats qui ne représentent que quelques milliers de dollars. À cela, il faut ajouter que la loi a été amendée et permet à la Ville de Montréal de choisir 25 contrats par mois qu’elle juge les plus importants à réaliser et qui seront soumis au processus d’autorisation de l’AMF.
Q4. En quoi consiste ce processus d’autorisation ?
C’est un formulaire que l’AMF reçoit de l’entreprise. Nous nous assurons que toutes les sections ont bien été remplies, après quoi le dossier est transféré à l’UPAC, qui procède entre autres à la vérification des antécédents criminels des dirigeants. L’UPAC est en lien avec Revenu Québec, avec la Commission de la construction du Québec, bref, avec tous les organismes qui pourront l’aider à établir un portrait juste de l’entreprise.
Q5. D’autres mécanismes de contrôle existaient avant cette loi, notamment le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics et l’attestation de Revenu Québec. Qu’est-ce que la loi sur l’intégrité vient ajouter de plus à ces mesures ?
Elle ajoute une cohérence dans les façons de faire. Auparavant, chacun travaillait un peu de manière cloisonnée. Désormais, un organisme (l’AMF) a été déterminé comme point de chute. On sait maintenant vers qui se tourner, comment cela fonctionnera et quelles sont les règles du jeu.
Q6. Un sondage mené il y a deux ans par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante révélait que 60 % des PME canadiennes ne répondaient pas aux appels d’offres publics à cause de la lourdeur bureaucratique. Avec cette loi, ne vient-on pas d’en rajouter ?
On peut le voir de cette manière, mais il ne faut pas perdre de vue l’objectif de la loi. Nous sommes confrontés à un problème de corruption majeur, ancré depuis bon nombre d’années, et qui rejaillit sur l’ensemble des entreprises. L’autorisation de l’AMF peut ressembler à une couche supplémentaire de bureaucratie, mais il faut souligner qu’une fois l’autorisation donnée, elle est valide pendant trois ans. De plus, le nom de la société se retrouve automatiquement dans le registre des entreprises aptes à contracter. Ce registre deviendra à terme la référence vers laquelle les différents paliers de gouvernement se tourneront pour chercher des sous-traitants, et ce, sans inquiétude.
Q7. Pour une PME, le fait d’affecter une ou deux ressources à la préparation d’un dossier pour obtenir une autorisation, cela peut tout de même devenir coûteux… Les PME sont-elles désavantagées par cette loi ?
Les petites entreprises ne sont pas désavantagées, au contraire. Pour une petite ou moyenne entreprise à la structure souple, avec un petit conseil d’administration et dont la nature des activités est simple à cerner, l’analyse sera beaucoup plus rapide que dans le cas de grandes firmes, lesquelles sont souvent beaucoup plus pointées du doigt, d’ailleurs. Il n’y a donc pas vraiment d’inconvénients, et c’est pourquoi nous invitons les entreprises qui s’apprêtent à soumissionner à envoyer dès maintenant leur dossier à l’AMF. Plus vite le processus sera enclenché, plus l’obtention de leur autorisation sera rapide.
Q8. Cette loi pourrait-elle éventuellement s’appliquer à d’autres secteurs que celui de la construction ?
Ce sera la décision du gouvernement. Il y a sans doute des gens au gouvernement qui analysent un possible élargissement de la loi. Je sais qu’à un moment donné, on a évoqué des vérifications dans le cas des CPE. À l’AMF, nous sommes les exécutants. Nous verrons donc ce que le gouvernement décidera au cours des mois à venir…