Quand rente viagère et prêt à taux prescrit ne font pas bon ménage

Ce constat s’explique notamment par les règles actuelles qui permettent le fractionnement de revenu de pension entre conjoints, ont expliqué Christian Hubert et Natalie Hotte, respectivement fiscaliste conseiller en fiscalité à la Banque Nationale et experte-conseil chez Banque Nationale Gestion privée 1859. Le duo donnait une conférence dans le cadre du Colloque sur le fiscalité de la famille de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), en mai dernier.

Selon les règles actuelles, la portion imposable des versements qu’un client reçoit selon un contrat de rente viagère est fractionnable avec son conjoint dès que le client rentier atteint 65 ans, note Christian Hubert.

« Contrairement à la portion intérêt qui provient d’un certificat de placement garanti, les revenus d’intérêt ne sont pas fractionnables à 65 ans », explique Christian.

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Cet avantage s’ajoute à celui lié à la rente prescrite, rente pour laquelle la portion imposable de chaque versement est stable au travers du temps. Ce type de rente subit une ponction fiscale avantageuse en raison du fait que l’impôt est calculé en fonction des tables de mortalité qui n’ont pas été révisées depuis les années 1980, note Christian Hubert.

Dans le budget fédéral 2012, le gouvernement annonçait toutefois son intention de mettre à jour ses tables de mortalité, ce qui devrait éventuellement atténuer ce privilège.

Durant le colloque, Christian Hubert a comparé différents scénarios pour un couple dont le conjoint le plus fortuné détenant 500 000 $ en liquidités non enregistrées souhaite effectuer du fractionnement de revenu avec sa partenaire. Le plus riche a un taux d’imposition de 45 % envisage de transférer ce montant à sa conjointe moins fortunée, dont le taux d’imposition est de 30 %.

À différents âges, le fiscaliste a évalué la valeur actualisée que touche un couple selon trois mises en situation. Dans la première, Monsieur est le rentier d’une rente prescrite et fractionne la moitié de la portion imposable avec sa partenaire. Dans la deuxième, la conjointe moins fortunée est la rentière d’une rente prescrite pour laquelle la portion imposable est pleinement attribuée au conjoint plus fortuné si bien que ce dernier devra s’imposer dessus.

Dans la troisième, le conjoint plus fortuné prête 500 000 $ au taux prescrit de 1 % à la conjointe moins riche, laquelle souscrit un contrat de rente non prescrite sur sa tête. « Si j’achète une rente non prescrite, je vais avoir une portion imposable plus élevée dans les premières années et moins par la suite. Cependant, dans ce cas, j’aurai la possibilité de profiter de la déductibilité des intérêts d’où l’idée du prêt à taux prescrit », note Natalie Hotte.

Que les membres du couple aient 55, 65 ou 75 ans au moment où la rente commence ses versements, la conclusion est la même, selon Christian Hubert : « L’achat d’une rente dans le contexte d’un prêt au conjoint n’est pas avantageux peu importe l’âge. »

Dans tous les cas, le scénario le plus avantageux était celui de la rente prescrite pour laquelle le conjoint fortuné est le rentier et dont la portion imposable était fractionnée avec la conjointe.

« Cet exemple démontre que dans un tel contexte, il ne faut pas penser en silo », conclut Natalie Hotte.

Photo: Bloomberg News