Le secteur bancaire parallèle a brassé 51 000 milliards d’euros en 2011 (environ 70 000 G$), soit entre 25 et 30 % de l’ensemble de l’actif du secteur financier mondial ou 50 % des placements bancaires, révèle un rapport publié lors du sommet du G20 en septembre 2013. D’après les estimations, ce secteur représentait environ 40 % du PIB nominal du Canada à la fin de 2012 et 95 % du PIB des États-Unis à la fin de 2011.

Au Canada, le secteur bancaire parallèle est presque synonyme de titrisation. Celle de prêts assurés par l’État, soit les titres hypothécaires émis en vertu de la Loi nationale sur l’habitation et les obligations hypothécaires du Canada, pèse pour 70 % du secteur parallèle. La titrisation privée, comme les papiers commerciaux adossés à des actifs et les titres adossés à des actifs de plus d’un an, a un poids de 10 %, rapporte l’étude Surveillance et évaluation des risques émanant du secteur bancaire parallèle au Canada de la Banque du Canada, publiée en juin.

Les opérations de pension (10 %), les fonds du marché monétaire (5 %), et les acceptations bancaires et papiers commerciaux (15 %) complètent le tableau de la finance de l’ombre canadienne.

La Commission européenne (CE) énonce les quatre avantages du secteur dans son Livre vert sur le système bancaire parallèle publié en mars dernier. Les banques de l’ombre offrent d’abord une solution de remplacement aux dépôts bancaires pour les investisseurs. De plus, elles permettent d’affecter les ressources à des besoins spécifiques plus efficacement, en raison d’une plus grande spécialisation. En outre, elles offrent une alternative de financement à l’économie réelle, une vertu d’autant plus appréciée lorsque les marchés traditionnels connaissent des turbulences. Enfin, ces banques offrent de nouvelles occasions de diversifier les risques.

Ce système bancaire présente également différents risques notamment sur le plan de la transformation des échéances des produits, du profil de liquidité de ces derniers, de l’effet de levier et du transfert du risque de crédit, selon le Conseil de stabilité financière (CSF).

Par ailleurs, la Commission européenne a cerné quatre risques majeurs liés au secteur parallèle. Le premier touche les structures de financement de type dépôt, qui peuvent être victimes de désengagement massif brutal (runs).

En effet, les risques encourus par les banques de l’ombre sont similaires à ceux des banques traditionnelles, sans que les premières soient assujetties à la même réglementation.

Le premier risque, c’est qu’«il n’y a pas de réserves pour les entités de l’ombre», dit Robert Pouliot, cofondateur de la Coalition pour la protection des investisseurs et enseignant en déontologie de la finance à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM (ESG UQAM). De plus, les activités du système parallèle reposent sur du financement à court terme soumis au risque de retrait brutal et massif des fonds des clients.

On peut comparer le système bancaire parallèle à celui de la négociation à haute vitesse (HFT, pour High Frequency Trading), d’après Moktar Ben Saïd, chef analyste à la Banque Nationale et chargé de cours en gestion du risque de crédit à l’ESG UQAM : «Lorsque tout va bien, on considère les acteurs comme des apporteurs de liquidité. Par contre, quand les choses vont mal, ce sont aussi les premiers à couper les positions et les premiers à être décriés».

Le deuxième risque découle de l’accumulation de levier important et invisible par ces banques de l’ombre. «Les activités du système bancaire parallèle sont susceptibles de présenter un levier important du fait d’une réutilisation à plusieurs reprises de sûretés, sans limites imposées par la réglementation et la surveillance», lit-on dans le Livre vert de la Commission européenne.

Afin de réduire ce risque, la Banque des règlements internationaux (BRI) a publié au début de septembre 2013 des normes pour les appels de marge des produits dérivés non réglementés, en accord avec le Comité de Bâle et l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV).

Turbulence

Le troisième risque relève du contournement des règles et de l’arbitrage réglementaire que peuvent pratiquer les banques de l’ombre. «Certaines activités contournent les règles en matière de capital et de comptabilité et transfèrent les risques hors du champ d’application de la surveillance bancaire qui ont joué un rôle important dans l’apparition de la crise de 2007-2008», toujours selon le Livre vert.

Afin de contenir les problèmes, la Commission européenne a proposé en septembre que les fonds du marché monétaire aient des fonds propres à hauteur de 10 % de leurs placements réalisables en un jour, et de 20 % de leurs placements réalisables en une semaine. De plus, les nouvelles normes comptables forcent les entreprises à réintégrer dans leurs bilans tous les instruments de placement qui étaient hors bilan.

Le quatrième risque se rapporte au fait que les banques de l’ombre présentent des risques de défaillance non ordonnée pouvant contaminer le système bancaire traditionnel. «Le secteur bancaire parallèle est une source de financement pour les banques, et ses turbulences ont un impact sur les banques traditionnelles. Par exemple, lorsque le marché des opérations de pension se resserre, les banques font face à des pressions sur leur financement», exposait Timothy Lane.

«Le système bancaire parallèle expose les marchés financiers et les investisseurs au risque systémique, c’est-à-dire le risque que les soubresauts qui touchent les banques de l’ombre contaminent l’ensemble des marchés financiers», résume Alain Paquet, professeur d’économie à l’UQAM, ancien ministre délégué aux finances du Québec et notamment responsable de l’encadrement du système financier québécois.