Dans leur étude récente «Take the 5% Challenge» (http://bit.ly/2i0c1Hj), les auteurs Jim Masturzo et John West partent des rendements projetés tels qu’ils les ont relevés dans 11 calculateurs de retraite comme on en trouve sur Internet. Les rendements médian et moyen de ces calculateurs sont respectivement de 6,2 % et de 6 %.

Une fois que l’on a retranché le taux d’inflation de 1,6 % pour les 10 prochaines années tel qu’il est projeté par l’écart BEI (la différence entre les bons du Trésor de 10 ans et les TIPS de 10 ans (treasury inflation-protected securities), on arrive à des rendements réels de 4,6 % et de 4,4 %.

Pour simplifier leur argumentation, les auteurs proposent de voir quels placements sont susceptibles de procurer un rendement réel de 5 % au cours des 10 prochaines années.

La réponse : très peu. Pour les fonds équilibrés composés à 60 % d’actions et à 40 % d’obligations – instruments de placement universels -, les possibilités d’obtenir un rendement réel supérieur à 5 % sont nulles. Pour les fonds à date cible à 10 ans, les possibilités augmentent à 6 %, et pour les échéances à 30 ans, à 13 %.

Avantage aux pays émergents

Pour calculer les projections de rendement, les auteurs ont recours à un modèle qui tient compte de trois facteurs : le rendement de dividendes, la croissance des prix et les changements d’évaluation des titres sur la base du ratio CAPE (ratio cours/bénéfice sur 10 ans corrigé des variations cycliques).

Armés de leur modèle de calcul, les auteurs prévoient que la majorité des catégories d’actif dans les marchés financiers des pays développés peineront à donner des rendements annualisés supérieurs à 2,5 % au cours des 10 prochaines années.

Ils s’attendent à ce que le rendement des titres de petite capitalisation soit nul, celui des titres de grande capitalisation, de 1,1 %, celui des titres de revenu fixe à haut rendement, de 2,2 %, et celui des fonds de placement immobilier, de 2,4 %.

Seules les actions de pays émergents et de la zone EAEO (Europe/Australasie/Extrême-Orient) dépasseront le seuil de 5 % (soit 7,3 % et 5,9 %, respectiv ement). Toutefois, les obligations de pays émergents procureront un rendement de 3,8 % seulement.

De tels rendements ne seront possibles que dans la mesure où un épargnant n’investira que dans des titres de pays émergents. Pas évident, d’autant plus que la volatilité des actions des marchés émergents est de 23,5 %, alors que celle des actions américaines de grande capitalisation, par exemple, est de 14,6 %.

Deux stimulants

Un épargnant peut recourir à deux stratégies pour rehausser la performance de son portefeuille, avancent les auteurs : le «bêta judicieux», comme le pratiquent un nombre croissant de fonds négociés en Bourse, et les actifs dits «alternatifs» (fonds de couverture, immobilier, placement privé).

Le «bêta judicieux tient à toutes les façons de composer un indice ou un portefeuille à partir d’un principe autre que le poids en capital», résume Jim Masturzo. On peut le composer en retenant, par exemple, la valeur comptable des titres, ou encore leur «momentum».

Toutefois, il ne faut pas en attendre des miracles. «Le bêta judicieux, avec des frais peu élevés, semble avoir donné de bons résultats au cours des dernières années, avec moins de risque», reconnaît Richard Guay, professeur titulaire au Département de finance de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.

«Cependant, il faut l’envisager avec des attentes modérées ; il ne donnera pas plus qu’un point de pourcentage de performance supplémentaire à un portefeuille», ajoute Richard Guay.

Martin Boyer est encore plus sévère. «Oui, le bêta judicieux peut améliorer la performance, mais marginalement. On parle de 25 points de base (0,25 %), et ce n’est pas évident», affirme ce professeur titulaire du Département de finance de HEC Montréal.

Du côté des «actifs alternatifs», seuls les placements privés offrent un potentiel de plus-value intéressant, selon l’étude de Research Affiliates. Ils sont malheureusement peu accessibles à l’épargnant moyen.

Quant aux fonds de couverture et à l’immobilier, ils semblent avoir épuisé leur potentiel pour l’instant. «Il est difficile de projeter un rendement réel de 5 % en achetant des immeubles, juge Richard Guay. Les prix sont très élevés comparés aux loyers.»

Pas de solution miracle

Pessimiste, l’étude de Research Affiliates ? Non, réaliste, jugent Richard Guay et Martin Boyer.

«Si on soustrait les frais de gestion, il est difficile de voir comment monsieur et madame Tout-le-Monde pourraient avoir un meilleur rendement que 3,5 % par an, et même 2 %, sur 10 ans», pense Richard Guay.

Selon Martin Boyer, la leçon qu’il faut retenir de cette étude n’est pas de chercher éperdument à obtenir plus de rendement… en exposant ainsi son portefeuille à un risque élevé.

«Non, ça, c’est stupide, tranche-t-il. Le message de cette étude, c’est qu’il faut épargner davantage pour sa retraite, ou se préparer à travailler plus longtemps. Il faut que le gouvernement augmente les plafonds du REER et hausse les cotisations au Régime de rentes du Québec.»