Jean-Guy Desjardins a affiché avec son équipe une performance remarquable en 2013, année du 10e anniversaire de Fiera.

L’an dernier, l’actif sous gestion de Fiera Capital est passé de 57 à 75 G$, en raison notamment de quatre acquisitions, dont deux aux États-Unis. Pour les neuf premiers mois de 2013, Fiera a enregistré un bénéfice net ajusté attribuable aux actionnaires de 25,1 M$, en progression de 54 % par rapport à la même période de 2012.

En 2013, la valeur de l’action a doublé, alors que la moyenne des sociétés analogues cotées en Bourse affichait une croissance moyenne de 25 %, d’après Bloomberg. Au moment de mettre sous presse, l’action affichait un rendement en dividendes de 2,7 %.

Plateforme nord-américaine

C’est notamment grâce à ses efforts lors des acquisitions de Fiera, qu’il a pilotées, que Jean-Guy Desjardins a pu se rapprocher de son objectif, soit devenir un chef de file nord-américain de la gestion de placement.

En janvier 2013, la société clôturait l’acquisition des comptes reliés à des titres de revenu fixe canadiens, à des actions canadiennes et à des mandats équilibrés canadiens de UBS Gestion globale d’actifs (Canada), qui compte 8 G$ d’actif. Le même mois, Fiera achetait l’actif de fonds de GMP Capital, soit 570 M$ en actif sous gestion.

En septembre, Fiera achetait Bel Air Investment Advisors et Wilkinson O’Grady & Co., des firmes de gestion de patrimoine américaines dont le siège social est respectivement à Los Angeles et à New York. Ces acquisitions, dont le prix d’achat combiné s’élève à 156,2 M$ US, ont ajouté 8,5 G$ à l’actif sous gestion de Fiera Capital, ce qui portait alors ce chiffre à 74 G$.

Ces transactions permettent de créer une plateforme nord-américaine de gestion privée qui compte des bureaux à Montréal, à Toronto, à Calgary, à Vancouver, à New York, à Los Angeles et à Halifax, en plus d’une forte présence dans les États américains de la Caroline du Sud et du Texas.

«Nous avons créé une masse significative dans le marché américain de 9 G$ d’actif, ce qui nous donne une position enviable en gestion privée, un marché hyperfragmenté aux États-Unis. Nous sommes sur le radar», remarque Jean-Guy Desjardins, dont le siège social arbore quelques symboles de l’équipe de hockey des Canadiens de Montréal.

Au 31 décembre 2012, moins de 1 % des revenus de la firme étaient réalisés principalement en dollars américains. Depuis les acquisitions, environ 20 % des revenus de l’entreprise proviennent désormais des activités américaines de Fiera.

Les transactions ont également équilibré les sources de revenus. La portion découlant des activités de gestion privée est ainsi passée de 9 à 36 % en septembre, ce dernier pourcentage étant presque égal à celui des revenus de gestion institutionnelle. Le reste vient des activités de détail.

Conquête

La conquête du marché américain par Fiera est le fruit de plusieurs mois de travail, qui ont commencé par du repérage.

«Dans le cas de toutes les acquisitions, il s’agissait de situations où les gestionnaires performaient très bien, puis ils connaissent quelques années plus difficiles qui les rendent nerveux et inquiets. Ils pensent alors : « Si on a une ou deux autres mauvaises années, on perdra une partie de notre franchise ».»

Les dirigeants font alors savoir qu’ils sont ouverts à des «alliances stratégiques».

«Pour faire deux acquisitions, nous avons peut-être rencontré dix dirigeants d’entreprise. Sans exception, nous avons toujours été considérés comme un acheteur potentiel de choix», estime Jean-Guy Desjardins, dont le bureau regorge d’oeuvres d’art et de portraits de famille.

Selon lui, les cibles potentielles sont impressionnées par le modèle d’affaires de Fiera, par son histoire et ses ambitions, tout comme par ses réalisations et la performance de ses produits, notamment les produits alternatifs et d’infrastructure.

Bien qu’elles aient été annoncées simultanément, les transactions américaines sont distinctes. L’acquisition de Wilkinson O’Grady, une firme de 27 employés, découle de l’implosion d’un groupe d’actionnaires de sociétés fermées qui avait mis la main sur le gestionnaire new-yorkais en 2006, explique Jean-Guy Desjardins.

Celle de Bel Air, une société de 48 employés, résulte de la volonté des employés, qui détenaient alors la totalité des actions. Fiera a payé 12 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA) pour l’acquisition new-yorkaise, et 9,4 fois pour l’acquisition californienne.

Intégration

Jean-Guy Desjardins a préparé le terrain avant d’absorber ces firmes, notamment en signant des ententes de cinq ans avec le personnel clé et en rassurant les clients pour éviter qu’ils ne quittent le bateau.

Toutefois, l’intégration des acquisitions demande beaucoup d’énergie à son équipe, dit Jean-Guy Desjardins, qui anticipe de 12 à 18 mois de travail ardu.

«Nous avons l’expertise, mais il y a aussi les ressources. Les employés des technologies sortent d’une acquisition et en commencent une autre.»

Afin de créer une nouvelle culture dans les sociétés achetées et pour favoriser un climat de respect, il misera sur la présence sur place de son équipe. «Il n’y a pas de secret. Vous faites une acquisition à Los Angeles, il faut que vous y soyez tout le temps, que vous y envoyiez des gens», soutient Jean-Guy Desjardins, qui rend visite lui-même à ses nouveaux partenaires.

Performances

En 2013, outre les acquisitions, Fiera a également effectué un financement par actions de 100 M$, elle a majoré son dividende de 12 %, qui s’établit à 0,10 $ par action, et a gagné ses trois premiers clients institutionnels aux États-Unis.

De plus, les fonds d’actions et les stratégies alternatives ont établi de bonnes performances pour les trois premiers trimestres de 2013, dépassant pour la plupart leur indice de référence. Cependant, plusieurs fonds de titres à revenu fixe affichaient un rendement négatif, certains dépassant toutefois leur indice de référence au cours de cette période.

Jean-Guy Desjardins est également fier de de la croissance de ses activités de placement dans l’immobilier et les infrastructures.

De plus, en janvier dernier, la société Russell Investments et sa filiale canadienne annonçaient que Fiera fait partie de la liste privilégiée des sous-conseillers qui agiront pour divers fonds. Cette association avec la firme, qui détient plus de 253 G$ d’actif sous gestion, permettra notamment d’améliorer les capacités de distribution de Fiera.

«Il a fallu presque deux ans pour achever le processus de vérification diligente. Elle [Russell Investments] fait un travail assez impressionnant», estime Jean-Guy Desjardins, qui évalue que cette association amènera environ 2 G$ d’actif d’ici deux ans.

«Cela donne ses lettres de noblesse à notre stratégie en gestion internationale, et cela procure un effet de levier dans la distribution de ce service dans le marché américain», poursuit-il.

Montréal financier

Grâce à cette feuille de route, Fiera Capital est inspirante. Depuis plusieurs mois, le président du conseil de Finance Montréal, Jean Houde, claironne sur plusieurs tribunes qu’il aimerait que la métropole ait «d’autres Fiera».

Pour ce faire, les Québécois devront se fixer des objectifs plus ambitieux, selon Jean-Guy Desjardins : «Je vois de jeunes entrepreneurs qui ont l’ambition de se bâtir des firmes de 3 à 4 G$ en actif sous gestion, mais qui ont le potentiel de bâtir des sociétés de 50 G$. Dès qu’ils ont atteint leur objectif, ils vendent.»

Il déplore qu’ils n’investissent pas davantage pour mettre en place une structure organisationnelle leur permettant d’atteindre les 50 G$ en actif.

Relève

Pas étonnant, si pour Jean-Guy Desjardins, la partie n’est pas encore gagnée. Il ne triomphera que lorsque Fiera Capital aura atteint les 150 G$, d’ici cinq ans.

Les deux tiers de cette progression proviendraient de la croissance interne et un tiers, d’autres acquisitions, estime Jean-Guy Desjardins.

«La croissance interne arrivera si les performances sont là, car nous vendons de la performance. Est-ce que nous réaliserons cette année une partie des 25 G$ en acquisitions stratégiques ? Peut-être. Nous regardons de 10 à 12 dossiers actuellement.»

Jean-Guy Desjardins cible des sociétés dont l’expertise est complémentaire à celle qui est déjà en place, par exemple en gestion d’actions et de titres à revenu fixe de marchés émergents.

Celui qui deviendra septuagénaire en octobre prochain se voit encore actif chez Fiera d’ici cinq ans, mais avec des responsabilités moindres.

«J’ai transmis mes responsabilités directes de chef des placements à Sylvain Roy depuis le 1er février.»