Finance et Investissement (FI): que pensez-vous de l’idée d’interdire les frais intégrés aux produits financiers?

Peter Intraligi : Nous avons mené deux sondages récemment, un auprès des conseillers et l’autre auprès des investisseurs. Le premier nous a appris qu’en moyenne les conseillers reçoivent une commission de suivi de 74 ou 75 points de base à laquelle on peut ajouter une commission supplémentaire, comme des frais d’acquisition reportés par exemple, de 30 points de base. Le coût total pour l’investisseur est donc, en moyenne, de 1,05 %. En comparaison, les conseillers à honoraires demandaient des frais de 1,25%.

Le sondage des clients nous a permis de comprendre que, une fois qu’on leur explique le fonctionnement des deux formes de rémunération, intégrée ou à honoraire, ils préfèrent toujours, à 80 %, avoir le choix entre les deux. Cette tendance me démontre que l’idée d’interdire les frais intégrés n’est pas pertinente. Il faut s’assurer que les clients comprennent les deux modes de rémunération et leur permettre de choisir celui qu’ils préfèrent.

Il faut qu’il y ait de la transparence dans l’explication des frais entre le conseiller et le client. Toutefois, il est important de comprendre que la chose la plus importante pour les conseillers indépendants est la performance. Si le produit qu’ils ont vendu à leur client n’est pas bon, leur clientèle va disparaître, d’autant plus qu’ils travaillent souvent dans des petites communautés. Leur succès dépend de la qualité des produits qu’ils vendent à leurs clients.

FI: quelle leçon peut-on tirer de l’expérience britannique d’abolition des frais intégrés?

Peter Intraligi : Je parlais récemment avec un collègue du Royaume-Uni et il me disait que le prix du conseil y avait augmenté. Il y a moins de conseillers et autant de demande, les prix ont donc augmenté. Toutefois, on voit plus de pression sur les manufacturiers pour qu’ils baissent leurs prix, notamment en raison des bas frais offerts par les FNB.

Une autre chose qui doit être comprise est le fait que la structure au Royaume-Uni était très différente de celle du Canada. Il y avait des « supermarchés » de fonds communs entre le conseiller et le manufacturier. Le conseiller faisait affaire avec une plateforme de fonds commun qui, elle, était en contact avec le manufacturier. Des coûts « cachés » étaient ajoutés sur ces plateformes et le régulateur a décidé de sévir. Ce n’est pas du tout ce qui se passe au Canada, donc la solution britannique n’est pas nécessairement applicable ici.

De plus, au Canada, les conseillers indépendants gèrent près de 413 G$ en actifs. De ce chiffre, 90 % sont en fonds communs et 80 % en produits avec frais intégrés. C’est donc une question très importante sur le marché.

FI: Récemment, certains acteurs de l’industrie ont démontré une volonté de permettre aux conseillers en épargne collective de vendre des fonds négociés en Bourse (FNB), qu’en pensez-vous?

Peter Intraligi : C’est surtout un problème de plateforme. Un conseiller en épargne collective qui souhaite acheter un fonds commun passera par la plateforme de FundSERV, mais il n’a pas nécessairement accès à un parquet boursier pour acheter un FNB. On sent présentement un effort visant à aller dans cette direction et, lorsque le temps sera venu, les FNB seront disponibles à travers des conseillers en épargne collective.

Il faut toutefois s’assurer que les conseillers comprennent les FNB qu’ils vendent. Nous ne ferions pas la promotion de l’utilisation de FNB par les conseillers en épargne collective si nous n’étions pas certains qu’ils ont les compétences pour les vendre. C’est une chose de pouvoir vendre un produit, s’en est une autre de le comprendre et de réussir à l’intégrer à sa pratique. De toute façon, je ne suis pas certain que les conseillers en épargne collective seraient intéressés à vendre des FNB complexes à leurs clients.

FI: Et l’arrivée de MRCC 2, pensez-vous que cette réglementation changera quelque chose à la relation entre le client et son conseiller?

Peter Intraligi : Je crois personnellement que la majorité des conseillers qui ont du succès n’auront aucun problème à appliquer les mesures comprises dans MRCC 2. Ils ont déjà une discussion ouverte en ce qui concerne les frais avec leurs clients.

Cette initiative est donc très positive puisque qu’elle permettra aux clients de savoir ce pour quoi ils paient et aux conseillers de mieux articuler leur proposition d’affaire.