Or, si pour certains gestionnaires, la croissance de l’économie fera en sorte qu’ils y seront, d’autres, comme Paul Musson et Matt Moody, cogestionnaires de la Catégorie Mackenzie Ivy Européen, en sont moins sûrs.

«Les actions européennes ont beaucoup augmenté l’an dernier, mais nous ne croyons pas que ce soit en raison de l’amélioration des données fondamentales. Aucun des problèmes cernés au cours des dernières années n’a été résolu. Simplement, plus personne ne panique à l’idée qu’ils ne sont pas réglés», pense Paul Musson.

Les gestionnaires soulignent qu’il y a un effet de richesse véritable lorsque la hausse des prix sur les marchés boursiers est le résultat de la croissance des entreprises et de l’augmentation de la profitabilité.

Toutefois, si les cours des actions augmentent en raison d’un accroissement du ratio cours/bénéfice qui résulte de la faiblesse des taux d’intérêt et des liquidités excédentaires dans le système monétaire, alors aucune richesse réelle n’est créée, d’après Paul Musson.

«Les marchés ont remonté essentiellement parce que les investisseurs croient que les banques centrales, notamment la Banque centrale européenne (BCE) dirigée par Mario Draghi, couvrent leurs arrières, à savoir qu’elles feront tout ce qu’elles peuvent pour continuer à faire grimper les actions», explique Paul Musson

Les gestionnaires attribuent cette souplesse monétaire au fait que les prix de la plupart des actifs ont connu une augmentation considérable au cours des cinq dernières années, nettement supérieure à la croissance des données économiques fondamentales sous-jacentes.

Occasions rares

«Aujourd’hui, la plupart des titres sont coûteux et il est de plus en plus difficile de trouver des titres à acheter, ce qui explique notre encaisse élevée de 30,7 % dans le fonds au 31 mars», prévient Matt Moody.

«Ce niveau ne prédit toutefois pas que le marché est sur le point de reculer. Les indicateurs d’évaluation permettent simplement de dire que les titres sont chers, et non de pronostiquer quand ils redeviendront bon marché», ajoute Matt Moody.

Les évaluations élevées actuelles sont le reflet d’une vigueur économique anticipée que Paul Musson et Matt Moody n’entrevoient pas. Les gestionnaires notent que chaque année depuis quatre ans, les dirigeants des banques centrales annoncent que la croissance de l’économie atteindra sa «vitesse d’évasion» (escape velocity) pour devenir viable par elle-même (self-sustaining), et cela ne se produit pas.

Lorsqu’on leur soumet que l’indice MSCI Europe se négociait récemment à 17,3 fois les bénéfices des 12 derniers mois et à 13,9 des bénéfices des 12 prochains mois, ils répondent que c’était exactement le cas il y a un an, de sorte que les bénéfices anticipés l’an dernier n’étaient pas au rendez-vous.

«En fait, si vous excluez les titres financiers, les bénéfices des sociétés ont décliné au cours des deux dernières années. Les cours des actions augmentent, alors que les bénéfices baissent, ce qui fait que, par définition, les titres sont plus chers», note Matt Moody.

«Lorsque nous discutons avec la direction des entreprises, elles ne sont généralement pas aussi optimistes que les analystes quant à la croissance de leurs bénéfices. Sans compter que les marges bénéficiaires sont près de leurs sommets historiques et qu’elles ont toujours régressé vers leur moyenne dans le passé», préviennent-ils.

Malgré cela, Paul Musson et Matt Moody ont bon espoir que sur un horizon de dix ans, leur sélection de titres affichant de la valeur leur permettra de dégager un rendement intéressant.

Choisir l’Europe… pour mieux en sortir

La meilleure façon d’investir dans des titres européens est de sélectionner de grandes multinationales axées sur les exportations vers des marchés en croissance, notamment ceux des pays émergents, selon Rajiv Jain, gestionnaire principal du Fonds européen BMO.

S’il concède que l’Europe est stabilisée, il croit peu probable que l’économie européenne soit sur le point de croître à un rythme élevé.

«En Europe, il n’y a pas de croissance de la demande. Même la consommation d’énergie est en baisse par rapport à il y a dix ans, et il n’y a aucune raison de croire que cela changera bientôt. Les prêts des banques diminuent de 6 à 7 % par an, et les banques continuent d’être sous-capitalisées», observe Rajiv Jain.

«Justement, les sociétés que nous détenons ne dépendent pas de la vigueur de l’économie européenne pour leur rentabilité et elles sont très bien positionnées à l’échelle mondiale. De plus, il est assez difficile d’en trouver l’équivalent à l’extérieur de l’Europe. Vous ne pouvez pas reproduire des sociétés comme Unilever, Nestlé ou Diageo», défend-il.

La bonne nouvelle, selon lui, est que plusieurs d’entre elles se négocient à des cours très attrayants et qu’elles versent des dividendes non négligeables.

Il juge par contre que les petites et moyennes entreprises qui ciblent principalement le marché européen sont passablement chères. Surtout dans un marché haussier qui prévaut désormais depuis plus de cinq ans, le profil risque/rendement des très grandes capitalisations lui paraît plus attrayant.

«Laquelle est la moins risquée ? Une société de moyenne capitalisation qui mène des activités en Espagne ou un géant comme Unilever, qui se négociait récemment à 16 fois les bénéfices anticipés, qui a un rendement en dividende de 3,5 % et qui vend des biens de consommation de base ?» demande Rajiv Jain.

Il souligne que près des deux tiers de la croissance des bénéfices des grandes sociétés européennes qui ont une présence mondiale qu’il détient sont attribuables à leurs ventes à l’extérieur de l’Europe.

Il estime que leurs bénéfices par action devraient, au minimum, enregistrer une croissance légèrement inférieure à 10 % (high single-digit growth), et ce, pour chacune des trois prochaines années.

«L’exposition de nos sociétés aux pays émergents est passée de 30 à 60 % en dix ans. Même si la croissance dans ces pays ralentit, elle est tout de même beaucoup plus rapide qu’en Europe», dit Rajiv Jain.

«Par ailleurs, le déclin des devises de ces pays, qui avait pour effet de diminuer les bénéfices lorsque ces derniers étaient convertis en euros, est pratiquement terminé. Après avoir perdu le tiers de sa valeur en trois ans, le réal brésilien ne chutera pas encore de 20 % par an pendant les cinq prochaines années», affirme-t-il.

Près du tiers du portefeuille est alloué à des titres de consommation de base, et près de 15 %, aux titres de consommation discrétionnaire.

Optimisme prudent

Les importantes baisses de taux sur les titres obligataires des pays périphériques de la zone euro, notamment ceux de l’Espagne et de l’Italie, sont responsables en grande partie de la forte progression des marchés boursiers européens en 2013.

Ces baisses de taux sont directement attribuables aux politiques mises en place par la BCE. Nul doute que ces mesures agissent comme une protection à la baisse des marchés, admet d’emblée David Lambert, membre de l’équipe de gestion du Fonds d’actions européennes RBC.

«Cependant, il y a aussi des signes très clairs de reprise économique qui ont contribué à la hausse des marchés. En Espagne, par exemple, le chômage est en baisse depuis huit mois consécutifs, sur une base désaisonnalisée. Des emplois ont été créés dans les secteurs manufacturiers, des services et de la construction. Les investisseurs ont constaté que les choses allaient moins mal, et maintenant, ils constatent qu’elles s’améliorent», poursuit-il. Selon David Lambert, cette amélioration des conditions macroéconomiques aura pour résultat une augmentation des bénéfices pour la première fois en trois ans.

«Les indices des directeurs d’achat (purchasing managers index) ont atteint un creux au milieu de 2013 et depuis, nous assistons à une accélération de ces indices précurseurs. Or, une corrélation entre indices précurseurs et croissance du PIB nous indique que cette dernière devrait s’accélérer au cours de l’année et produire une croissance des bénéfices d’au moins 10 % en 2014 et de 12 à 14 % en 2015, ce qui devrait se traduire par une hausse équivalente des marchés boursiers européens, en devises locales», calcule-t-il.

Le portefeuille du fonds RBC conserve donc son biais cyclique, avec une surpondération du secteur de la consommation discrétionnaire. En contrepartie, les titres des services publics, de l’énergie et de la consommation de base sont sous-pondérés par rapport à l’indice MSCI Europe.

La pondération neutre des titres du secteur financier masque une forte surpondération des titres de gestionnaires d’actif et une sous-pondération des banques de la zone euro.

«Les banques ne seront pas de sitôt des sociétés très rentables. Leurs rendements excédentaires auraient tôt fait d’être l’objet de réglementations visant à les diminuer. Par contre, les gestionnaires d’actif connaissent une forte croissance et génèrent des rendements élevés qui ne sont pas réglementés», souligne David Lambert.

Il précise que ces gestionnaires d’actifs comptent pour 13,5 % du fonds, par rapport à 4 % de l’indice MSCI Europe. Les titres bancaires comptent pour 5,5 % du fonds, par rapport à un peu moins de 12 % de l’indice.