Ainsi, l’Arabie Saoudite, où plus de 90 % des revenus de l’État sont directement liés au pétrole, a besoin d’un prix de 100 $ US le baril de brut pour équilibrer son budget, car elle dépense beaucoup pour ses programmes sociaux. Depuis 2006, on constate qu’elle augmente sa production lorsque le prix du brut augmente, et la diminue lorsqu’il baisse.

D’ailleurs, c’est l’Arabie Saoudite qui possède l’essentiel de la capacité excédentaire de production (spare capacity) dans le monde, rappelle Mason Granger. C’est justement cette capacité qui lui permet d’augmenter temporairement sa production de 8 à 9,5 millions de barils par jour, pour compenser partiellement la perte de près de 2 millions de barils par jour de production en raison de l’instabilité géopolitique dans le monde. Les autorités saoudiennes préféreraient revenir à une production de 8 millions de barils par jour.

«Il est rare de compter autant de situations instables au même moment. À l’heure actuelle, la capacité excédentaire mondiale qu’on peut amener au marché dans un délai de 30 jours oscille entre 500 000 et 600 000 barils par jour. Il s’en faudrait de peu pour que le prix du pétrole monte», estime Mason Granger.

Selon lui, le ratio provenant de la division de la valeur de l’indice S&P/TSX d’exploration et de production pétrolière et gazière par le prix du WTI est un autre argument qui milite en faveur des titres énergétiques. Ce ratio a récemment atteint un creux. Or, les titres énergétiques ont affiché un rendement total moyen de 30 %, 12 mois après un creux, lors des cinq creux précédents de ce ratio.

Enfin, pour plusieurs récentes émissions de titres énergétiques, l’intérêt était de beaucoup supérieur au nombre d’actions offertes, note Mason Granger. Il note aussi un appétit croissant de la part d’investisseurs américains pour les sociétés pétrolières canadiennes : «Ils se rendent compte que le projet Keystone XL n’est plus essentiel à la prospérité de ces sociétés. Le pétrole pourra être écoulé par rail, par le projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada, ou autrement», avance-t-il.

Poussée du gaz naturel

L’hiver rigoureux que nous venons de traverser était le scénario parfait pour la hausse du prix du gaz naturel. Et bien que divers projets, notamment de gaz naturel liquéfié (GNL), alimentent les discussions quant à la demande future de gaz naturel produit en Amérique du Nord, c’est la demande record de chauffage et de climatisation qui explique la force actuelle du marché et qui continuera d’en être le moteur jusqu’en 2018, selon Scott Vali, gestionnaire de la Catégorie de société énergie mondiale Signature CI.

«La question est de savoir si le prix du gaz naturel devra encore grimper pour inciter à en produire davantage. La réponse, c’est la météo de cet été qui nous la donnera. S’il est chaud et que la consommation de gaz augmente pour alimenter la climatisation, cela sera un facteur majeur pour déterminer son prix à l’automne», souligne-t-il.

En effet, les stocks entreposés de gaz ont chuté à des creux historiques aux États-Unis et sont aussi très bas au Canada. Et cela se produit au moment ou le nombre d’engins de forage est à un niveau que l’on n’a pas vu depuis 1994, soit 80 % plus bas que son sommet de 2008. Le rythme de stockage sera donc suivi de près par les investisseurs au cours de l’été, alors que les producteurs tenteront de ramener les stocks à des niveaux normaux d’environ 3,7 billions de pieds cubes.

Scott Vali juge que l’avancée rapide des titres liés au gaz naturel n’était jusqu’à présent qu’un rattrapage pour tenir compte de la normalisation de leurs bénéfices après une période difficile, lors des deux années précédentes, où le prix du gaz était à un niveau très bas. Ce bas prix reflétait à la fois une augmentation de la production et des hivers plus doux. Scott Vali prévoit désormais que ce prix oscillera entre 4 et 5 $ US par millier de pieds cubes (kpi3).

«Pour le moment, près de 75 % de la poussée d’ensemble des titres des sociétés axées sur la production de gaz naturel est derrière nous, laissant une appréciation potentielle de 25 % à certains titres en fonction des initiatives de leurs dirigeants pour stimuler la croissance. Le rétablissement du prix du gaz naturel a donné de l’oxygène à des sociétés dont les bilans étaient en piteux état à la suite de l’affaissement du prix en 2012, leur permettant d’augmenter leur budget d’immobilisations. Que feront-elles maintenant pour maximiser leur rentabilité ? Un prix du gaz plus élevé que ce que nous prévoyons fera aussi grimper l’ensemble des titres, et là, le climat est le facteur clé. Le prix du gaz pourrait encore augmenter en 2015», avance-t-il.

De belles années à venir

Les titres énergétiques devraient générer des rendements annualisés se situant entre 8 et 12 % sur un horizon de cinq ans, estime Garey Aitken, cogestionnaire de la Catégorie de société d’énergie Franklin Bissett. Ce qui ne devrait pas exclure des périodes de recul rapide des cours, comme au début de mai, car la bonne performance du secteur attire des spéculateurs qui veulent profiter des tendances à court terme.

«Ces reculs nous permettent d’ajouter à nos positions», reprend Garey Aitken, pour qui les titres énergétiques ne seraient pas surévalués malgré leur bonne performance. Il rappelle que malgré leur remontée amorcée en avril 2013, les titres énergétiques se négocient encore aujourd’hui à un niveau de plus de 30 % inférieur à leur sommet de juin 2008. Il se dit assuré de continuer à trouver de nombreuses occasions de générer de la valeur en recueillant les gains réalisés sur certains titres pour les réinvestir dans d’autres titres plus attrayants.

Cela dit, les investisseurs ne doivent pas espérer une répétition cette année de la performance de 61,2 % enregistrée par son fonds pour l’année terminée le 30 avril dernier. En comparaison, l’indice plafonné de l’énergie S&P/TSX a affiché un rendement 32,9 % pour la même période.

Pour le moment, Garey Aitken met l’accent sur des sociétés pour lesquelles le gaz naturel constitue la plus grande partie de la production, de même que sur les sociétés de services qui les servent. Il souligne qu’une augmentation de 1 $ par kpi3 du prix du gaz naturel a un effet majeur sur la rentabilité des sociétés productrices.

Cependant, son intérêt pour ces titres n’est pas fondé sur une prédiction de prix croissant pour le gaz, mais plutôt sur l’augmentation de sa production. Il croit que l’approbation éventuelle d’un projet d’exportation de GNL changera complètement la donne pour ce segment du marché de l’énergie, car il y a des gisements gaziers d’envergure mondiale dans l’Ouest canadien.

«Pour justifier les investissements dans un projet de GNL, il faut des gisements contenant des billions de pieds cubes de gaz naturel. Les sociétés en sont encore au stade où elles se positionnent pour détenir les bons actifs afin d’alimenter un tel projet», constate Garey Aitken.

Le fonds est axé sur les titres de petite capitalisation, alors que près de 68 % des titres ont une capitalisation boursière inférieure à 1,5 G$, et 12 %, de 1,5 G$ à 5 G$. De sorte que sa capitalisation boursière moyenne est de 1,1 G$, alors que celle de l’indice plafonné de l’énergie S&P/TSX est de 15,8 G$. «Cette préférence n’est pas inscrite dans le mandat du fonds. Elle reflète notre sélection de titres jugés attrayants. Évidemment, cette préférence a compté dans notre performance supérieure à l’indice» , reconnaît Garey Aitken.

Il dit néanmoins posséder des participations dans certaines grandes sociétés, comme Canadian Natural Resources, Suncor, Enbridge et TransCanada Corp. «Mais nous ne détenons pas Husky Energy, Imperial Oil, Encana ou Talisman Energy, car nous n’y retrouvons pas la même combinaison de croissance et de valeur que nous cherchons», conclut Garey Aitken.