C’est ce que révèle le sondage mené à l’occasion du Top 11 des cabinets multidisciplinaires de 2017 de Finance et Investissement.
Nos sondeurs ont demandé à 219 conseillers de répondre à la question : « Quel est le plus grand risque pour votre pratique d’ici les cinq prochaines années ? » En éliminant quelques conseillers qui n’ont pas répondu, 51 % d’entre eux ont spontanément identifié les actions des régulateurs canadiens comme source de risque pour leurs activités. L’abolition possible des commissions intégrées et l’impact de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller sont les deux facteurs d’origine règlementaire qui sont les plus montrés du doigt. Ce premier facteur est largement plus important que les autres.
« Le retrait des commissions de vente sera un problème pour les nouveaux conseillers et petits clients qu’on va délaisser », dit un répondant.
« Le plus grand risque est que je me fasse enlever mes commissions de suivi : qui va payer les adjointes, la location de bureau et d’autres trucs essentiels? » note un autre.
L’alourdissement de la conformité présente aussi un risque pour les conseillers. « Le risque est qu’il y ait une surrèglementation inutile, pour avantager les banques et faire travailler les fonctionnaires », affirme un conseiller. « Les gens qui travaillent dans les organismes de réglementation sont des technocrates et des avocats qui nous freinent », peste un autre répondant.
Parmi les autres risques identifiés, 15 % des conseillers répondants ont affirmé la relève et 11 %, la robotisation et les bouleversements technologiques.
Il reste que des dirigeants de cabinets multidisciplinaires appréhendent aussi que les régulateurs viennent à bouleverser l’équilibre actuel dans le marché.
Risques importants
« Le plus gros risque pour mon entreprise, il est règlementaire », dit Gino Savard, président de MICA Services financiers, en entrevue à Finance et Investissement. Chez MICA, la quasi-totalité des revenus des conseillers découlent des commissions de suivi et des frais d’acquisition reportés (FAR) selon notre sondage mené auprès des conseillers de ce cabinet, les honoraires ayant une proportion marginale.
En plus du risque lié à l’abolition des commissions, les régulateurs alourdissent sa structure de coût, ce qui effrite sa marge bénéficiaire : « Peut-être que je vais un jour arrêter de grossir la baloune de la conformité. Aujourd’hui, la masse salariale de l’équipe de conformité est plus élevée que la masse salariale de l’ensemble de l’entreprise il y a 10 ou 15 ans. »
Pour se prémunir de ce risque, Gino Savard est engagé dans des lobbys de l’industrie et se porte à la défense des commissions intégrées. En juin, ce cabinet a lancé son propre compte immatriculé au nom du courtier ou d’un prête-nom (nominee account), aussi appelé compte autogéré ou compte de propriétaire apparent. Ce type de compte facilite la gestion et la perception des honoraires, cette forme de rémunération qui n’est pas menacée de disparaitre.
Améliorer la relation client
Chez SFL Partenaire de Desjardins sécurité financière, la proportion de l’actif sous administration des comptes à honoraires représente 6 % de l’actif total de SFL, alors que la moyenne chez les courtiers en épargne collective est de 3,3 %, selon Investor Economics.
Inciter les conseillers à adopter la rémunération sur honoraires est une façon qu’ont plusieurs cabinets pour gérer ce risque règlementaire.
Pour réduire ce risque, SFL compte aussi miser sur la relation que les conseillers entretiennent avec leurs clients, selon Michael Rogers, vice-président, développement des affaires, Assurance des particuliers chez Desjardins Sécurité financière et président par intérim de SFL : « À court terme, le changement aura un peu d’impact sur nos activités en épargne collective. Mais à moyen terme, si on a une bonne relation avec le client et qu’on joue notre rôle-conseil complet, on n’est pas inquiet. »
Un conseiller qui dessert très bien sa clientèle verrait un impact limité sur sa rémunération si les commissions intégrées étaient abolies, selon Michael Rogers : « On fait beaucoup de promotion et d’éducation pour les comptes à honoraires. On travaille beaucoup sur le service. On préconise la planification financière complète et holistique : placements, assurance vie, assurance maladie grave, etc. ».
Chez Distribution Financière Sun Life, les FAR sont interdits depuis septembre 2016 pour les comptes de 100 000 $ et plus, confirme Stéphane Beaumier, vice-président régional Québec Lesage à la Financière Sun Life.
Pour gérer le risque règlementaire, Distribution Financière Sun Life mise aussi sur la qualité de la relation client-conseiller.
« Tout notre système de rémunération est basé sur le taux de rétention », dit Stéphane Beaumier. En assurance, par exemple, les conseillers reçoivent uniquement des commissions nivelées, ce qui pousse le conseiller à maintenir la police en vigueur pour que sa rémunération lui soit versée.
« Le fait de garder un client longtemps permet d’avoir une bonne rémunération. Le service devient très important », note-t-il.