«Il est vrai que plus on dépense et moins on épargne, mieux se porte l’économie, reconnaît Pedro Antunes, économiste en chef adjoint au Conference Board et co-auteur de l’étude. Mais c’est vrai seulement à court terme. À long terme, toutes les études tendent dans le sens de la hausse de l’investissement intérieur, et donc, de la production nationale.»
À l’aide d’un modèle économétrique, l’organisme a estimé l’impact à long terme si 10 % des individus qui n’ont pas de conseiller actuellement commençaient à collaborer avec un conseiller.
Croissance accrue
Ainsi, une hausse de l’épargne de ces individus pourrait se traduire par une hausse du PIB réel de l’ordre de 2,3 G$ en 2060 par rapport au scénario de base sans augmentation de l’épargne. Les auteurs ont estimé qu’en 2060, l’épargne annuelle des ménages canadiens pourrait s’élever à 4,8 G$ si ces derniers modifiaient leur comportement d’épargnants.
Pour parvenir à ces résultats, les auteurs ont estimé que ceux qui ont un conseiller épargnent une portion plus élevée de leur revenu que ceux qui n’en ont pas. Cette part additionnelle varie de 1,1 à 4,7 points de pourcentage, selon l’âge de l’épargnant, d’après un modèle développé par Claude Montmarquette et Natalie Viennot-Briot dans l’étude The Value of Financial Advice.
Les auteurs de l’étude du Conference Board, qui a été financée par l’Institut des fonds d’investissement du Canada, se sont basés sur ce dernier document pour bâtir les hypothèses de leur étude.
Selon le modèle de Claude Montmarquette, les conseillers aident les clients à épargner de manière disciplinée, ce qui les fait épargner davantage.
«À partir d’une enquête menée entre décembre 2010 et juin 2011 sur un vaste échantillon de Canadiens en âge de travailler, nous sommes arrivés à la conclusion que ceux qui avaient fait affaire avec un conseiller pendant au moins quatre ans avaient après 15 ans et plus des avoirs financiers 2,73 fois plus importants que ceux qui n’en avaient pas», remarque Claude Montmarquette, président-directeur général du CIRANO, un centre interuniversitaire de recherche, situé à Montréal.
«Je suis conscient que cette conclusion est très contestée, poursuit-il. On n’y croyait pas trop au départ. Il est vrai que notre étude présente quelques bémols, dont la relation de causalité : on assume que ce sont les conseillers qui ont un effet positif sur la richesse, et non la richesse qui attire les conseillers. Mais au final, nous avons des raisons sérieuses de penser que la relation va dans le sens de l’étude : ce sont des Canadiens moyens à faible actif qui ont fait appel au départ à un conseiller. Cependant, cela demeure une hypothèse.»
Claude Montmarquette et ses collègues se proposent de tester cette hypothèse dans un proche avenir comme extension à son étude initiale, réalisée en 2012.
Selon l’étude du Conference Board, le revenu moyen des individus de 45 à 54 ans sans conseiller s’élève à 66 129 $ par rapport à 87 862 $ pour les individus de la même tranche d’âge avec conseiller.
Meilleure discipline
Il reste que plusieurs études concluent que, dans bon nombre de cas, le coût du conseil est supérieur à ses bénéfices, rapporte le Conference Board.
La performance relative des portefeuilles gérés individuellement était plus élevée que celle des portefeuilles gérés par un conseiller payé à commission, d’après l’étude «Financial Advisors: A Case of Babysitters?», menée en 2012 par Hackethal, Haliassos et Jappelli à partir de données allemandes.
Comme il est presque impossible de battre le marché systématiquement sur une longue période, certains investisseurs expérimentés sans conseiller, qui utilisent des produits financiers à frais de gestion réduits comme des fonds négociés en Bourse, risquent d’obtenir de meilleurs rendements que ceux qui paient pour obtenir des conseils.
«Notre étude ne fait pas de mystère à ce sujet, ajoute Claude Montmarquette : les conseillers ont un coût, mais ils sont utiles en ce sens qu’ils aident les épargnants à acquérir plus de discipline et à diversifier davantage leurs portefeuilles que s’ils évoluaient seuls.»
«Les planificateurs financiers ont aussi d’autres atouts, enchaîne David Duong, consultant auprès de Financial Services, à Newmarket, en Ontario. Ils sont là aussi pour s’occuper de planification successorale, d’assurance, d’objectifs de retraite précoce, de réduction de dettes, etc. Ils sont même là pour aider ceux qui n’ont pas le temps de s’occuper de leurs placements.»
Il est évident que les conseillers, c’est-à-dire ceux qui répondent bien à ce titre, peuvent avoir un rôle positif sur les épargnants et sur l’économie dans son ensemble. «Si la solution est peut-être dans la littératie financière, à cet égard beaucoup de conseillers y contribuent largement», conclut Pedro Antunes.