«Je ne suis pas surpris. Il faut voir la rémunération comme un élément du coffre à outils du représentant en épargne collective. Autrement dit, rien ne l’oblige à favoriser une formule plutôt qu’une autre. Plusieurs formules de rémunération peuvent coexister, parfois auprès du même client», dit Jean Morissette.
Cofondateur de Gestion financière Talvest (1998), Jean Morissette a également présidé Services financiers Partenaires Cartier pour le Québec jusqu’à son absorption par Gestion de patrimoine Dundee en 2004.
Désormais consultant, Jean Morissette croit que les représentants en épargne collective doivent avant tout être transparents et prendre le temps d’expliquer leur rémunération. «Si on s’explique bien, les clients ne nous quitteront pas pour des questions de rémunération», dit-il.
Pour choisir la rémunération appropriée, il recommande de tenir compte du type de produit, de l’horizon d’investissement et de la taille de l’actif sous administration de chaque client.
«Prenons par exemple les régimes enregistrés d’épargne-études (REEE). Imputer des honoraires de 1 % sur l’actif ne couvrirait pas la paperasse du conseiller ! Aussi, le fait que les fonds des REEE comportent des frais de sortie sur sept ans pourrait très bien convenir si le jeune est à la maternelle», dit-il.
La rémunération par commission sous forme de frais d’entrée ou de sortie pourrait également s’accorder aux besoins des clientèles peu fortunées. «Au Royaume-Uni, où les commissions sont interdites, les conseillers ont abandonné beaucoup de comptes de moins de 100 000 $», constate-t-il.
Les clientèles qui ont peu de besoins et des horizons d’investissement à long terme peuvent également profiter de la rémunération à la commission, ajoute Jean Morissette : «Pensons aux fonds de type cycle de vie, qui n’exigent en gros qu’un suivi de rééquilibrage.»
En épargne collective, la rémunération sur honoraires peut répondre aux besoins de clients qui ont un actif à investir élevé.
«Je verrais très bien un client qui a des fonds d’une valeur de 1 M$ rémunérer son représentant avec des honoraires basés sur l’actif sous gestion. Le REEE du même client pourrait, quant à lui, être lié à des commissions comportant des frais de sortie», dit-il. Selon ce vétéran, cette coexistence de deux formules de rémunération auprès d’un même client est une «tendance lourde dans l’industrie».
Les honoraires en hausse
Autre vétéran de l’industrie du conseil, cette fois en valeurs mobilières, Gordon Gibson travaille à la Financière Banque Nationale depuis 30 ans. À titre de vice-président Vigie, stratégie et communications, il observe de près l’évolution du milieu.
«C’est en 1992 que la rémunération sur honoraires fait son apparition. Mais sa croissance surpasse de loin la rémunération à l’acte, à tel point qu’elle représente 60 % des revenus de l’industrie du courtage. Je crois que cette popularité s’accroîtra au cours des années à venir», dit-il.
Cela s’explique par l’évolution du métier. «Il y a 30 ans, les conseillers en placement étaient payés pour recommander l’achat et la vente de titres boursiers. Aujourd’hui, ils sont payés pour la gestion du portefeuille», dit-il.
Dans ce contexte, la négociation de titres est devenue un sous-produit du travail du conseiller, qui s’occupe maintenant de la situation globale du client, du renouvellement de son hypothèque jusqu’à l’élaboration d’un plan financier. «De plus, un des rôles les plus importants du conseiller est parfois de ne rien faire et de convaincre le client de garder le cap», ajoute Gordon Gibson.
Cette évolution conduit ainsi de plus en plus de conseillers en placement à offrir des services de gestion de portefeuille discrétionnaire, où le client mandate son conseiller de gérer son actif en fonction d’une politique de placement et où ce dernier n’a pas besoin de l’approbation du client avant de modifier son portefeuille.
«Parmi les 930 conseillers de la Financière Banque Nationale, 255 sont également gestionnaires de portefeuille», constate Gordon Gibson.
Or, précise-t-il, ces derniers ne peuvent pas facturer à l’acte. Ils sont tenus de facturer sur honoraires.
Bientôt payés à l’heure ?
Et si l’avenir des conseillers en placement passait par la rémunération sur honoraires, pourraient-ils faire comme les avocats et les comptables, soit facturer leurs services selon un taux horaire ?
«Aux États-Unis, je constate une tendance légère dans cette direction. Je pense qu’un mode hybride de facturation pourrait se développer, où certaines composantes des besoins des clients seront payées sur une base horaire, comme le plan successoral ou le bilan de dette», remarque Gordon Gibson.
Il signale une autre tendance possible : la rémunération ajustée à la performance, à l’instar des gestionnaires de fonds de couverture qui récoltent par exemple de 20 à 30 % des rendements qui ont dépassé l’indice de référence.
«Les gestionnaires de portefeuille pourraient facturer des frais de base, auxquels s’ajouterait un pourcentage des gains réalisés par rapport à un indice de référence. Dans le domaine de la gestion de patrimoine pour clientèles fortunées, cela se discute», indique Gordon Gibson.
Le développement de la gestion discrétionnaire ouvre ainsi la voie à des formes de rémunération hybrides, qui empruntent à d’autres univers comme celui des comptables et des gestionnaires de fonds de couverture.