Des organisations d’entreprises canadiennes qui suivent avec anxiété les négociations commerciales avec les États-Unis ne souhaitent pas que le pays conclue un accord à la hâte, même si l’incertitude pèse sur leurs membres.
Après que le président américain Donald Trump a appliqué des droits de douane de 35 % sur de nombreux produits canadiens pendant la nuit, les groupes représentant les petites entreprises, les producteurs d’acier et autres acteurs du secteur canadien ont passé la journée de vendredi à marteler un message unifié : « mieux vaut ne pas avoir d’accord qu’un mauvais accord ».
« Un peu plus de temps maintenant peut apporter des avantages durables à une économie nord-américaine intégrée, et l’attente en vaut la peine », a expliqué Candace Laing, présidente et cheffe de la direction de la Chambre de commerce du Canada.
Le Canada entretient des relations tendues avec son plus proche allié depuis le début de l’année, lorsque Donald Trump a entamé sa deuxième présidence avec un régime tarifaire ciblant son voisin du nord et un vaste groupe d’autres pays.
L’acier, l’aluminium et l’automobile canadiens ont été les principales victimes de ses premiers droits de douane, mais le président américain a finalement accepté d’explorer un éventuel accord.
Il a fixé au 1er août la date limite pour conclure un accord commercial et a indiqué que, si aucun accord n’était négocié d’ici là, les droits de douane sur les marchandises non conformes à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) augmenteraient immédiatement.
Cette exemption signifie qu’une grande partie du commerce transfrontalier du Canada est actuellement exemptée de droits de douane, selon Candace Laing.
« Cependant, toutes les entreprises canadiennes ne bénéficient pas de cet avantage, et la hausse des droits de douane à 35 % sur les produits non conformes à l’ACEUM leur impose un fardeau supplémentaire », a-t-elle ajouté.
Elle estime que les entreprises canadiennes et américaines ont rapidement besoin de plus de certitude.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) partage cet avis. Elle prévient que l’incertitude actuelle empêche bon nombre de ses 100 000 membres de planifier l’avenir.
L’absence de résolution a laissé les entreprises dans l’incertitude quant à la nécessité de réduire leurs activités ou de licencier du personnel.
« La FCEI soutient l’idée qu’il vaut mieux ne pas conclure d’accord plutôt que de conclure un accord défavorable, mais l’absence d’un accord signifie que les entreprises ne pourront pas planifier adéquatement l’avenir », a souligné Jasmin Guénette, vice-président des Affaires nationales à la FCEI.
Déjà des impacts
Certaines grandes entreprises ressentent les effets depuis encore plus longtemps, car leurs secteurs d’activité ont été touchés par les droits de douane imposés par le locataire de la Maison-Blanche.
Par exemple, les droits de douane ont fait augmenter de 25 % le prix des voitures canadiennes aux Américains, ce qui a réduit le volume de véhicules traversant la frontière, a mentionné mardi Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces d’automobile.
Jusqu’à présent, les constructeurs automobiles absorbent le coût des droits de douane, mais cela ne peut pas durer éternellement, car nombre d’entre eux ont vu leurs revenus en pâtir, a-t-il ajouté.
Il soupçonne que les constructeurs automobiles prendront de plus en plus de décisions stratégiques quant à l’endroit où ils produisent leurs véhicules pour chaque marché.
« Si vous fabriquez la même voiture à Oshawa (en Ontario) qu’à Fort Wayne, en Indiana, et que vous souhaitez la vendre à un acheteur au Texas, allez-vous en fabriquer davantage à Oshawa pour l’acheteur texan qui devra débourser 75 000 $, ou allez-vous en fabriquer davantage en Indiana pour que cet acheteur ne paie que 60 000 $ ? » a-t-il illustré.
La présidente d’Unifor, Lana Payne, a mentionné que l’impact des droits de douane sur les travailleurs et les entreprises ne doit pas être sous-estimé, rappelant les licenciements et les réductions de quarts de travail depuis le début de la guerre commerciale sous Donald Trump.
« Il s’agit d’un jeu d’extorsion auquel se livre le président des États-Unis », a avancé Lana Payne, dont le syndicat représente plus de 315 000 travailleurs.
« Nous ne pouvons pas permettre que les tactiques qu’il utilise avec nous conduisent à négliger l’industrie automobile, les travailleurs forestiers et les travailleurs de l’acier », a-t-elle précisé.
Lana Payne estime que le Canada dispose de leviers, comme l’aluminium, les minéraux critiques, l’électricité, le pétrole ou encore la potasse, et devrait les utiliser pour riposter. Elle a indiqué avoir répété ce message à l’ambassadeur du Canada aux États-Unis et au cabinet du premier ministre.
« Nous devons nous battre pour tous les travailleurs, car nous savons que cela ne s’arrêtera pas à eux, a-t-elle soutenu. Il est important, dès maintenant, de fixer des limites et de comprendre que le Canada dispose d’une grande force et d’un important levier, et que nous devrons en utiliser une partie. »
(Avec des informations de Daniel Johnson à Toronto et d’Alessia Passafiume à Ottawa)