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Comme plusieurs autres domaines, l’industrie possède ses « influenceurs » financiers en ligne (finfluencers en anglais) qui apportent de nouveaux risques pour les investisseurs, mais aussi des occasions. Le phénomène a gagné suffisamment d’ampleur pour que l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) y consacre un récent rapport dans lequel l’organisme propose aux régulateurs des différents pays des pistes pour encadrer et contrôler le phénomène.

Les médias sociaux ont vu l’émergence des « finfluenceurs », ces individus qui partagent des contenus et des conseils financiers en ligne plutôt que de référer à des recommandations provenant de firmes professionnelles accréditées. On les retrouve sur nombre de plateformes, qu’il s’agisse de YouTube, d’Instagram, de Facebook et de X.

Un phénomène lié aux plus jeunes générations

Sur YouTube, par exemple, les « finfluenceurs » diffusent des vidéos dans lesquelles ils expliquent des stratégies d’investissement, analysent des tendances de marché et mettent de l’avant des tutoriels portant sur divers sujets financiers. Sur Instagram, ils partagent des images d’eux-mêmes où ils s’affichent dans des décors d’affluence et de succès : piscine, yacht, jolies filles légèrement vêtues.

Les « finfluenceurs » sont particulièrement présents auprès de la génération des milléniaux et Z. Malgré des interactions minimales avec eux, leurs adeptes « développent des illusions d’intimité, d’amitié et d’identification », fait ressortir le rapport de l’OICV.

Une étude de la Australian Securities and Investments Commission a dévoilé que 28 % des jeunes australiens âgés de 18 à 21 ans suivaient un ou plusieurs « finfluenceurs ». De ce nombre, 64 % d’entre eux avaient changé au moins un comportement financier à cause d’un influenceur.

Les « finfluenceurs » semblent généralement appartenir à l’une des trois catégories suivantes : des professionnels du conseil en investissement, des personnes non enregistrées dont les services sont retenus par des firmes financières, des personnes non enregistrées affiliées à aucune société financière. Dans la plupart des cas, ils sont sans affiliation aucune à des courtiers ou à des conseillers en investissement enregistrés, pourtant ils disséminent une information dont un investisseur particulier peut avoir du mal à différencier de celle des professionnels de l’investissement.

Un développement surtout positif

On pourrait croire que les « finfluenceurs » représentent une force essentiellement néfaste. Ce n’est pas le cas. La plupart des régulateurs avec lesquels l’OICV interagit y voient un phénomène positif, surtout sur le plan de l’éducation financière. Ainsi, les « finfluenceurs » peuvent atteindre un public large et diversifié et expliquer des concepts financiers complexes de façon abordable, amicale et divertissante, en incorporant des anecdotes personnelles et des exemples tirés de la vie réelle qui trouvent un écho auprès des auditeurs.

Certains influenceurs peuvent également sensibiliser le public à l’importance de l’investissement et alerter les investisseurs aux dangers de différentes arnaques financières et aux façons de les éviter. C’est pourquoi certains régulateurs ont collaboré avec des « finfluenceurs » dans des campagnes publicitaires pour disséminer d’importants contenus éducatifs et des mises à jour règlementaires.

Zones de risque

Il reste que les « finfluenceurs » peuvent accroître les risques des investisseurs ordinaires, volontairement ou involontairement, et leur causer des torts liés à : (1) l’absence d’enregistrement pour les individus ou les entreprises, d’autant plus que les individus sans autorisation ont tendance à promouvoir des produits à plus haut risque comme les monnaies et les cryptomonnaies ; (2) le risque de fraude et d’escroquerie comme la manipulation de marché ; (3) la promotion et la recommandation de produits inadaptés, risqués ou inappropriés; (4) le risque de contenu trompeur et de divulgations fautives; (5) l’existence de conflits d’intérêts, en particulier sans les divulguer aux investisseurs ; (6) les risques accrus lorsque ces « finfluenceurs » sont des célébrités.

En utilisant le contenu de deux plateformes de médias sociaux, une étude a trouvé que plus de la moitié des « finfluenceurs » pouvaient être considérés comme anti-compétents (56 %), c’est-à-dire que leurs conseils ont conduit à des rendements anormaux négatifs, alors que 16 % étaient simplement incompétents. Seulement 28 % ont été classés comme compétents, c’est-à-dire que leurs conseils ont mené à des rendements anormaux positifs. Une autre étude a constaté des rendements anormaux moyens largement nuls ou négatifs à partir des recommandations des « finfluenceurs ».

Fait remarquable, 60 % des régulateurs sondés par l’OICV ont constaté l’existence d’ententes contractuelles entre des intermédiaires de marché et des « finfluenceurs ». Par exemple, un intermédiaire accrédité va verser à un « finfluenceur » un tarif fixe de rétention en échange de la diffusion de contenus convenus d’avance. D’autres vont payer des frais de référencement lorsqu’un nouveau client ouvre un compte muni d’un code fourni par le « finfluenceur ».

Approches d’encadrement

Tout en reconnaissant le travail déjà accompli par les organismes de règlementation nationaux, l’OICV propose certaines interventions, en premier lieu une définition uniforme de ce qu’est un « finfluenceur ». Après cela, les régulateurs devraient veiller à ce que les « finfluenceurs » soient enregistrés, au même titre que les intermédiaires accrédités, en leur imposant les mêmes exigences de formation, de divulgation de conflit d’intérêts, de frais et de leurs sources d’information.

L’OICV propose quatre domaines de bonne pratique. 1) Délimiter clairement l’envergure de l’activité des « finfluenceurs » et colmater toute brèche qui peut subsister. 2) Veiller à ce que les intermédiaires enregistrés identifient et neutralisent tout conflit d’intérêts potentiel. 3) Mettre de l’avant des avis de non-responsabilité et de divulgation normalisés, tout en veillant à ce qu’un « finfluenceur » dévoile sa rémunération pour des produits qu’il promeut. 4) Une éducation soutenue visant tant les « finfluenceurs » que les investisseurs. Ces derniers devraient être alertés au besoin de vérifier les qualifications d’un « finfluenceur », prendre garde aux promesses de rendements démesurés, comprendre les conflits d’intérêts potentiels.

Par contre, l’OICV reconnaît qu’il n’y a pas lieu encore de paniquer. « Dans l’ensemble, les régulateurs sondés ont déclaré que les « finfluenceurs » « ne génèrent actuellement pas autant de plaintes que d’autres secteurs pour les autorités de règlementation ».