Des petits personnages debout sur des pièces de puzzle qui vont s'emboîter
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Le système canadien de réglementation des valeurs mobilières demeure morcelé, malgré les efforts de coordination amorcés depuis plusieurs années, déplorent CFA Societies Canada et l’Association des gestionnaires de portefeuille du Canada (AGPC) dans une lettre conjointe adressée aux dirigeants des Autorités canadiennes des valeurs mobilières (ACVM). Les deux organisations pressent les autorités de faire de l’harmonisation réglementaire une priorité nationale.

Cette initiative s’inscrit dans un contexte où les coûts de conformité, les inefficiences administratives et les incohérences réglementaires d’une province à l’autre sont jugés excessifs et nuisibles à l’essor des marchés des capitaux. « Le moment est bien choisi pour présenter une réponse canadienne réfléchie, mais rapide, permettant de régler des problèmes de longue date », écrivent Michael Thom, directeur général de CFA Societies Canada, et Katie Walmsley, présidente de l’AGPC.

Un système trop fragmenté
Les signataires soulignent que les différences persistantes d’interprétation et d’application des règlements entre les membres des ACVM engendrent des régimes distincts et souvent incompatibles. Cette fragmentation pénalise notamment les émetteurs et les sociétés inscrites actives dans plusieurs territoires, qui doivent composer avec un fardeau réglementaire accru et une duplication des processus.

Cinq chantiers prioritaires
Pour remédier à cette situation, les deux organisations proposent un plan d’action structuré autour de cinq initiatives principales :

  1. Énoncé de vision formel: Les ACVM devraient « rapidement » élaborer et communiquer une vision formelle plaçant l’harmonisation au cœur de leurs priorités, accompagnée de cibles mesurables et d’échéanciers précis. Un groupe de travail spécialisé devrait être formé pour se consacrer exclusivement à ce projet.
  2. Amélioration de la transparence: Les ACVM auraient intérêt à créer un « répertoire complet et interrogeable » de toutes les différences réglementaires entre provinces et territoires, complété par un tableau de bord public permettant de suivre les progrès d’harmonisation. Des mécanismes de rétroaction structurés avec l’industrie devraient également être mis en place.
  3. Plan de transition pour les règlements multilatéraux: Il serait important également d’élaborer un « plan stratégique pluriannuel » établissant une trajectoire pour convertir les règlements d’application multilatérale existants vers des règlements d’application pancanadienne, avec des critères clairs pour déterminer quand privilégier l’une ou l’autre approche.
  4. Révision systématique des règlements locaux: La lettre propose de mettre sur pied un groupe de travail spécial pour examiner tous les règlements locaux en vigueur et identifier ceux qui se prêtent à une harmonisation ou qui nécessitent une modernisation.
  5. Création de modèles réglementaires: La lettre suggère finalement de former un groupe dédié à l’élaboration de modèles réglementaires standardisés dans les cas où l’utilisation d’un règlement pancanadien ne serait pas appropriée, avec des cibles d’adoption précises pour chaque modèle créé.

Des bénéfices économiques attendus
Les associations mettent en avant plusieurs retombées potentielles d’une harmonisation accrue. Sur le plan des coûts, elles anticipent une « réduction considérable » des coûts de conformité pour les émetteurs et sociétés inscrites opérant dans plusieurs territoires canadiens, permettant de « réorienter les ressources » vers des activités commerciales productives.

D’un point de vue concurrentiel, une harmonisation accrue « renforcerait la compétitivité » des marchés canadiens à l’échelle mondiale, rendant le Canada « plus attrayant pour les investissements étrangers » et facilitant l’expansion internationale des entreprises canadiennes.

Les secteurs émergents, notamment les technologies financières et les services financiers novateurs, bénéficieraient particulièrement d’une « plus grande clarté et prévisibilité » réglementaire.

Un appel à l’action immédiate
Contrairement aux tentatives passées de réforme d’envergure, les associations insistent sur le fait qu’il n’est « pas nécessaire de créer un nouveau grand projet de loi ». Elles estiment que les dirigeants des ACVM peuvent « tirer parti des mandats statutaires et des outils réglementaires existants » pour produire des changements concrets.

« Nous croyons fermement que les propositions exposées favoriseraient la réalisation des mandats et des objectifs des ACVM et de leurs membres », concluent les signataires, qui se disent « heureux d’avoir l’occasion de discuter davantage de ces propositions ».

Cette initiative intervient dans un contexte où les entreprises canadiennes font face à une pression concurrentielle accrue et où l’efficacité réglementaire devient un enjeu de productivité économique nationale.