Simplification, intégrité et confiance. Voilà les trois piliers sur lesquels reposent le projet de loi 92 déposé en avril par le ministère des Finances du Québec Eric Girard, selon ce qu’a présenté Hugo Lacroix, surintendant des marchés de valeurs et de la distribution à l’Autorité des marchés financiers (AMF) à l’occasion du 18e Colloque québécois sur l’investissement de l’Association des marchés de valeurs et des investissements (AMVI), le 8 mai à Montréal.
Hugo Lacroix a souligné que l’AMF accueille favorablement le projet de loi qui prévoit notamment la fusion de la Chambre de la sécurité financière (CSF) et de la Chambre de l’assurance de dommage (ChAD) ainsi que le transfert des pouvoirs d’encadrement des représentants en épargne collective de la CSF à l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI). « On va être là pour appuyer le gouvernement dans ce qu’il entreprend, pour l’appuyer comme il nous le demande. Pour l’instant, notre travail est d’expliquer les mesures. »
Ainsi, cette fusion et ce transfert de pouvoirs visent à simplifier l’encadrement du secteur financier. « Le ministre (des Finances du Québec, Éric Girard) simplifie d’un point de vue de la réduction du fardeau réglementaire et de l’harmonisation. Par l’harmonisation, il veut créer un secteur financier encore plus fort. Un secteur financier qui peut être plus compétitif, qui peut aussi gagner des parts de marché à travers le Canada, pas juste au Québec », a dit Hugo Lacroix.
Selon lui, cette simplification permettra également de réduire la confusion chez le consommateur de produits et services financiers. « Personne n’aime quelque chose de complexe, et le ministre pense qu’à la fin de la journée, la simplicité, c’est un élément qui est juste gagnant-gagnant », a dit Hugo Lacroix.
Le transfert des responsabilités en matière d’épargne collective de la CSF vers l’OCRI constitue la deuxième étape logique après la première, soit le transfert des responsabilités en matière d’inspection et d’inscription du secteur de l’épargne collective de l’AMF vers l’OCRI.
Selon Hugo Lacroix, « (le ministre) vient créer un guichet unique pour l’épargne collective, simplifier le modèle, avec un seul régulateur, et harmoniser complètement » les responsabilités d’encadrement des intermédiaires de ce secteur.
D’après le dirigeant, le ministre des Finances énonce clairement qu’il « croit dans le modèle des organismes d’autoréglementation (OAR), croit à la justice par les pairs, croit qu’il y a une valeur (des) comités de discipline, que le secteur est le mieux placé (lorsqu’il est) encadré par ses pairs ».
Afin que le modèle des OAR soit aussi fort dans le secteur de l’assurance, le ministre jugeait qu’il était préférable de créer un OAR issu du regroupement des chambres que de créer « deux petites organisations. »
« Il voulait s’assurer d’avoir un OAR qui va être fort, qui va pouvoir évoluer aussi avec le temps, en fonction de l’évolution du secteur. Le meilleur moyen pour permettre un organisme fort, c’est de les regrouper ensemble. Il y a une certaine mathématique, au niveau des ressources, et ainsi de suite, pour avoir la résilience opérationnelle », a-t-il expliqué.
Hugo Lacroix a également défendu l’idée du ministre de faire du regroupement des chambres une personne morale sans capital-actions reconnu comme organisme d’autoréglementation (OAR) en vertu de la Loi sur l’encadrement du secteur financier (LESF), plutôt que de maintenir les assises juridiques des chambres dans une loi.
« Il a jugé que de maintenir le mandat, l’ensemble des règles de fonctionnement, tout ça dans une loi… Ce n’était pas nécessairement le véhicule le plus agile, une loi », a-t-il noté.
« Le modèle de la Loi sur l’encadrement du secteur financier, au contraire de celui de la loi sur la distribution, où tout était prévenu de manière très détaillée dans la loi, le cadre de la loi sur l’encadrement du secteur financier, c’est un cadre beaucoup plus par principe et basé sur l’autonomie, basé sur une saine gouvernance, au sein de l’OAR qui adopte ses propres règles de fonctionnement et qui est approuvée, supervisée par l’AMF, un organisme d’État », a-t-il poursuivi.
La veille, la ChAD remettait en question la structure proposée par le projet de loi 92 (PL 92), qui crée un OBNL privé, reconnu comme organisme d’autoréglementation (OAR) en vertu de la Loi sur l’encadrement du secteur financier (LESF) en regroupant les chambres. Selon elle, ce modèle soulève d’importantes réserves quant à sa capacité à maintenir une protection adéquate du public. « Le modèle proposé par le PL 92 introduit une incertitude structurelle dans un secteur qui repose fondamentalement sur la confiance du public », lit-on dans un mémoire.
Contrairement à d’autres organismes créés par une loi, tels que les ordres professionnels ou encore l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier (OACIQ), la nouvelle Chambre de l’assurance ne bénéficierait pas d’un ancrage législatif clair, selon la ChAD : « Ce déséquilibre est d’autant plus préoccupant que l’OACIQ conserve, lui, l’ensemble de ses assises légales et se voit octroyer des pouvoirs supplémentaires en vertu du PL 92. L’OACIQ est donc encadré par une loi, modèle choisi par le ministre des Finances du Québec (MFQ) pour assurer la protection du public tandis que la nouvelle Chambre de l’assurance deviendrait OBNL privé. Une question se pose alors : pourquoi priver un secteur aussi stratégique que celui de l’assurance de dommages d’un cadre législatif équivalent et ainsi réduire le niveau de protection du public ? »
Indemnisation et confiance du public
Selon Hugo Lacroix, est susceptible d’accroître la confiance des clients la disposition du projet de loi 92 qui viendrait étendre la couverture au Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF) aux courtiers en placement, à leurs représentants et aux gestionnaires de portefeuilles.
« Il restait des catégories, des métiers dans le secteur financier, comme les courtiers en placements et d’autres, qui n’y contribuaient pas (au FISF), et donc (n’offraient) pas à leurs clients la protection du 200 000 $ contre la fraude du FISF administrée par l’AMF. Avec les mesures qui sont prévues au projet de loi, il n’y en a plus de trous. Tout le monde va y contribuer. Tout, le monde va être couvert.
« Quand (le ministre) a réalisé qu’on pouvait rentrer dans une porte et le protéger, mais rentrer par une autre porte, avoir un service qui est assez similaire (mais pas être protégé de la même manière), il s’est dit : “C’est ce que je veux.” Pour lui, de donner cette protection-là (au client), ça évite des drames humains, mais ça incite la confiance. C’est gagnant-gagnant (pour le consommateur et le secteur financier) », a noté Hugo Lacroix.
Dans un récent article, le ministère des Finances du Québec indiquait que l’AMF a entrepris des discussions avec l’OCRI afin de déterminer le meilleur arrimage possible entre le FISF et le Fonds canadien de protection des investisseurs (FCPI), qui vise à indemniser un client si un courtier membre de l’OCRI faisait faillite et s’applique actuellement aux courtiers en placement du Québec.