«Ma perception : c’est pour des considérations de technologies de l’information tout simplement», avance Jean Carrier, vice-président conformité chez Groupe financier Peak. Les intervenants de l’industrie doivent coordonner leurs efforts pour être au diapason. Ce qui n’est pas une mince tâche !

«Les manufacturiers de produits doivent fournir les données nécessaires aux fournisseurs de services qui, eux, les intégreront dans leurs plateformes. Ensuite, ils doivent eux-mêmes faire les relevés pour les petits courtiers et les gros courtiers qui se fient à ces informations pour faire le relevé des clients», résume Jean Carrier.

Le processus est donc long. Et interdépendance oblige, un retard dans un des maillons de la chaîne ralentit l’ensemble de la production. Une période d’adaptation est inévitable. Pour une firme comme le Groupe Financier Peak, un des défis tient à l’harmonisation des nombreux fournisseurs avec lesquels elle fait affaire.

En effet, au fil des ans, l’entreprise a multiplié les acquisitions : Geoffrion, Leclerc, Marcoux et associés en 2001, Services financiers du Grand Montréal en 2002, Services financiers AXA en 2007, Promutuel Capital en 2009. Résultat : Peak jongle aujourd’hui avec plusieurs fournisseurs de services, dont Univeris et Winfund.

Tâche importante

Pour François Brais, avocat associé chez Fasken Martineau, il n’y pas de doute : 2015 est l’année où les firmes réalisent l’ampleur des transformations du MRCC 2. «Quand on « gratte » les nouvelles exigences, on se rend compte qu’il y a beaucoup de détails techniques et que les situations changent selon les caractéristiques des comptes de chaque client», explique-t-il.

Les défis, évidemment, diffèrent d’une firme à l’autre. Toutes ne sont pas touchées de la même façon, constate Normand Leclerc, consultant en conformité et président de GNL Rôle-Conseil. Il accompagne des firmes dans l’harmonisation de leurs pratiques aux exigences du MRCC 2. Des exigences de cette année, seule l’indication du coût comptable ou d’origine pose un défi.

«Les valeurs marchandes sont facilement accessibles. La valeur comptable qui sert à établir les coûts est plus difficile d’accès pour les cabinets qui ne l’ont jamais fournie», avance-t-il.

Toutefois, la vaste majorité des firmes de gestion de portefeuille divulguent les exigences qui entreront en vigueur d’ici la fin de cette année. Du coup, celles-ci seront pour eux de «la petite bière», estime le consultant.

«Chaque année, voire chaque trimestre, ils rencontrent leur client avec un rapport de rendement comprenant ce type de détails.» Constat similaire pour les courtiers en valeurs mobilières. «Ils font partie soit de grandes institutions, soit de leurs filiales. Encore une fois, la plupart fournissent ces informations», précise-t-il.

On ne peut toutefois en dire autant de certains courtiers en épargne collective qui, selon Normand Leclerc, pourrait être plus touchés à cause des défis technologiques. Des quelque 150 courtiers en épargne collective au Canada, «j’estime qu’entre 20 et 30 courtiers seront réellement touchés», évalue Normand Leclerc. Il s’agit là du nombre approximatif de firmes canadiennes ne faisant pas affaire avec les principaux fournisseurs de services informatiques d’arrière-guichet.

Malgré ces difficultés, Normand Leclerc est d’avis que le processus doit aller de l’avant : «Dans le milieu, cela fait 30 ans qu’on parle de faire un relevé avec les coûts comptables et la valeur marchande». Les courtiers de plus petite taille devront réagir pour ne pas se retrouver en queue de peloton. Cette réalité pourrait bien affecter l’écosystème financier à moyen terme. «Je m’attends à voir de plus en plus de fusions touchant des petites firmes», prévoit François Braie. L’avocat rappelle qu’une valse d’acquisitions et de fusions avait suivi la création de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels, en 1998.

Le nombre de professionnels était resté sensiblement le même, alors que «le nombre de sociétés [avait] diminué radicalement», rappelle-t-il. Peut-on s’attendre à un phénomène semblable ? Les prochains mois le révèleront.