Il juge que, au mieux, on peut s’attendre à «faire son coupon» en 2014, c’est-à-dire que le rendement devrait consister uniquement en paiements d’intérêts. Le fonds AGF adopte donc une position défensive, avec une duration de 4,63 ans, par rapport à 6,73 ans pour son indice de référence, le Citigroup World Governement Bond Index (WGBI).

Le rendement des obligations de 10 ans du Trésor américain a atteint un niveau plancher de 1,50 % en juillet 2012, et il se chiffrait le 19 février à 2,73.

Jean Charbonneau n’écarte pas que ce rendement puisse atteindre 3,15 %. Il croit toutefois qu’avec cette correction, le marché obligataire a déjà suffisamment reculé pour tenir compte de la possibilité que la Réserve fédérale américaine (Fed) mette fin à son programme d’assouplissement quantitatif en cours (QE3).

D’autant plus que la Fed est fortement préoccupée actuellement par le très bas taux d’inflation et par le risque de déflation, ce qui milite pour un maintien des taux administrés par la Fed à des niveaux très bas au moins jusqu’en 2015.

«Un rendement de 3 % des titres de 10 ans pourrait devenir un excellent point d’entrée pour allonger la durée de mes obligations américaines», indique Jean Charbonneau.

L’impact de la Fed

Tout tourne désormais autour de la décision de la Fed de réduire graduellement ses achats mensuels en titres obligataires et de titres adossés à des créances hypothécaires. Elle a choisi, le 29 janvier dernier, de les réduire d’une deuxième tranche de 10 G$ US en février pour les porter à 65 G$ US.

«Or, cette décision a potentiellement beaucoup plus d’impact sur les actions que les obligations. Le marché des actions a été partiellement soutenu par le fait que la Fed repoussait la réduction de ses achats de titres obligataires», remarque Jean Charbonneau.

«Il faudra que les bénéfices soient au rendez-vous pour consolider l’expansion des ratios d’évaluation auxquels les actions se négocient, sinon le marché des actions pourrait avoir de sérieux symptômes de sevrage lorsqu’on lui retirera sa dose mensuelle de liquidités», prévient-il.

Le fonds de Jean Charbonneau accorde une pondération de 35 % aux obligations européennes, par rapport à 33 % pour l’indice WGBI.

Les obligations des pays périphériques de la zone euro, soit l’Italie, l’Espagne, l’Irlande et le Portugal, comptent pour trois quarts de cette pondération, car les rendements y sont intéressants.

Ainsi, les rendements affichés sur des titres italiens et espagnols de 10 ans oscillaient récemment dans les 3,9 % et 3,8 %, respectivement. Il croit que ces rendements compensent les risques encourus. Selon lui, la zone euro devrait connaître une croissance de 1 % en 2014. Le fonds détient aussi une pondération de 13 % dans sept pays émergents.

Retour de l’inflation ?

Outre la question de savoir si le retrait graduel des injections de la Fed est pleinement pris en considération ou non, le retour ou non de l’inflation est la principale préoccupation des marchés obligataires mondiaux, selon Jack McIntyre, gestionnaire chez Brandywine Global Investment Management, le sous-conseiller du Fonds d’obligations mondiales Renaissance.

«L’inflation est un des plus importants facteurs qui déterminent le prix des obligations. Or, nous avons de la difficulté à trouver de l’inflation», dit-il.

On peut actuellement cerner deux sources de désinflation et de déflation dans le monde, d’après le portefeuilliste.

«L’une est la mondialisation : dès que les coûts de production deviennent chers dans un pays, la production se déplace vers d’autres aux coûts plus bas, ce qui maintient une pression à la baisse sur les coûts de main-d’oeuvre et sur les prix. L’autre est la technologie, notamment la robotique et l’automatisation, qui augmentent constamment la productivité en diminuant les besoins de main-d’oeuvre, ce qui a pour effet d’en diminuer les coûts», explique-t-il.

L’inflation serait un problème si les réserves excédentaires créées par les politiques laxistes des banques centrales faisaient mousser la croissance des prêts bancaires, ce qui n’est pas vraiment le cas, ajoute Jack McIntyre.

Il constate qu’il y a encore de la capacité excédentaire dans le marché du travail et que les poussées épisodiques des prix des matières premières ne sont pas soutenables. Ainsi, une hausse du coût de l’énergie agit comme une taxe et ralentit l’économie. Le coût de l’énergie redescend ensuite.

Marché émergent

Jack McIntyre est aussi dans le camp de ceux qui croient que le retrait graduel des injections de la Fed est déjà pleinement anticipé par les marchés.

Il trouve de la valeur dans les obligations des titres de marchés émergents qui ont subi une correction importante dans la foulée de l’annonce, en mai 2013, des intentions de la Fed de diminuer ses achats de titres.

Le gestionnaire précise que le marché obligataire américain donne le ton de l’évolution des marchés obligataires ailleurs dans le monde depuis cette annonce. Si les rendements des obligations américaines restent stables, comme il le prévoit, l’argent retournera dans les obligations offrant un meilleur rendement.

«Le rendement courant du portefeuille est de 4,33 %. Avec des rendements d’environ 13,1 % au Brésil, de 8,3 % en Afrique du Sud, de 8,8 % en Indonésie, de 10,8 % en Turquie, et de 6,5 % au Mexique, il y a des occasions attrayantes à saisir. Personne ne voulait acheter ces titres avant la diminution des achats de la Fed. Nous croyons cependant que nous sommes déjà amplement dédommagés pour cette éventualité et que dans l’avenir, la réaction des marchés obligataires ne sera pas aussi violente qu’au printemps 2013», soutient Jack McIntyre.

C’est pourquoi le fonds Renaissance a une pondération de 14 % en titres mexicains, alors qu’ils ne comptent que pour 0,7 % de l’indice WGBI.

Les obligations américaines comptent pour 19 % du portefeuille, mais l’exposition au dollar américain est de 47 %, notamment en raison de la couverture sur certaines positions libellées en euro.

«Nous aimons mieux le dollar américain que les obligations américaines, et nous craignons une baisse de l’euro», résume-t-il.

Volatilité accrue

«Nous quittons un environnement très propice aux obligations de qualité, alors que les politiques monétaire et fiscale ont maintenu les taux d’intérêt à des niveaux très bas pour lutter contre la déflation et donner accès au crédit», indique Paul Simon, cogestionnaire du Fonds d’obligations mondiales Signature de CI.

«Le problème est que nous ne savons pas vraiment quel impact aura la fin du programme d’assouplissement de la Réserve fédérale sur le prix des actifs. Une certaine appréhension de ce qui va advenir se traduit par une volatilité accrue, ce qui n’est pas pour aider les portefeuilles ayant une longue durée», rappelle-t-il.

C’est pourquoi la duration de son fonds était récemment de 4,5 ans, alors que celle du JP Morgan Global Government Bond Index, son indice de référence, oscillait dans les 6,7 ans.

La croissance de l’économie américaine est raisonnable, compte tenu des circonstances, mais 2014 est vraiment l’année où l’on saura si elle a atteint la vitesse d’évasion (escape velocity) qui l’empêchera de retomber en récession, selon Paul Simon.

«Pour diverses raisons, notamment un compromis budgétaire, il n’y a plus d’excuses circonstancielles pour que l’économie américaine n’atteigne pas une plus haute trajectoire de croissance. Nous croyons que les signes d’une reprise durable sont bel et bien là», note le portefeuilliste.

C’est le secteur des entreprises qui prendra le relais du gouvernement et des consommateurs pour poursuivre cette lancée, d’après lui.

«Cela s’inscrit dans le retrait graduel des mesures exceptionnelles prises par la Fed, retrait qui provoque de la volatilité dans les marchés depuis son annonce au printemps dernier. Cette volatilité se traduira par des journées inquiétantes de négociations dans les mois qui viennent», prévoit-il.

Les perspectives quant à la valeur des devises sont le principal critère utilisé pour composer le portefeuille d’obligations du Fonds Signature. Et parce que Paul Simon croit que les États-Unis se tirent mieux d’affaire que le reste du monde développé, il surpondère le dollar américain, mais il sous-pondère la duration du portefeuille d’obligations libellées en dollar américain afin de se prémunir contre la hausse des taux.

Paul Simon sous-pondère l’euro, car il demeure sceptique sur les mesures prises pour endiguer la crise de cette devise et croit que les mesures d’austérité mises en place pour retrouver la croissance sont une source d’incertitudes politiques.

La communauté économique européenne n’en est qu’au tiers de son processus d’homogénéisation des conditions économiques, processus qui n’avance que par à-coups et pour lequel il ne semble pas y avoir d’entente sur les prochains gestes à poser.

Quant aux obligations, Paul Simon sous-pondère celles des pays périphériques de la zone euro, parce qu’elles ont déjà beaucoup avancé. Il leur préfère les obligations de marchés émergents qui offrent des rendements comparables, mais dont les données fondamentales de l’économie sont bien meilleures.

Sans compter l’assurance que procurent des institutions où l’équilibre des forces entre les autorités monétaires et les autorités gouvernementales est bien défini, contrairement à ce qui se passe en Europe. Le fonds Signature favorise les obligations mexicaines.