Ayant gagné en popularité depuis leur lancement en 2013, les séries de fonds négociés en Bourse (FNB) attirent l’attention des régulateurs. Ces derniers demandent si leurs frais sont équitables, si elles entraînent des conflits d’intérêts.
Une série FNB est une catégorie de part de fonds communs de placement (FCP) cotée en Bourse. Elle dispose des mêmes titres en portefeuille et de la même stratégie d’investissement que le FCP. Au lieu d’être négociable auprès de l’émetteur après la clôture des marchés à la valeur liquidative du fonds, la série peut être négociée à tout moment.
Pour les émetteurs de FCP, une série FNB « entraîne une réduction de certains frais fixes liés au maintien de deux structures séparées, explique Laurent Boukobza, vice-président et stratège, FNB chez Placements Mackenzie. Ça permet aussi de présenter un parcours de performance de la stratégie avant qu’elle ne se retrouve en série FNB ».
La série FNB rend certaines stratégies plus accessibles aux clients, ajoute-t-il « Des investisseurs dans une plateforme à escompte peuvent aisément acheter une série FNB, alors que l’achat d’un FCP sur la même plateforme pourrait s’avérer plus complexe. »
À l’instar des séries non cotées, les séries FNB ont le désavantage de partager les coûts d’opération liés aux entrées ou aux sorties des investisseurs. Ceux qui investissent dans un FNB distinct ne sont pas touchés par ces coûts.
« On s’attendrait à ce que les coûts d’opération de portefeuille des séries négociées en Bourse, pour lesquelles les opérations sont effectuées en nature avec des participants autorisés (PA), soient moins élevés, ces coûts étant pris en charge par les PA et refacturés aux investisseurs concernés », lit-on dans la consultation 81-409 des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM).
Or, le ratio des frais d’opération des séries FNB et des autres séries non cotées sont généralement identiques même si les coûts d’opération des premières sont plus bas, relèvent les ACVM. Laurent Boukobza partage l’observation : « De façon typique, les séries FNB facturent les mêmes frais que les séries F des fonds communs et donnent la même exposition que les autres séries faisant partie du même FCP sous-jacent. »
C’est sans compter les coûts de rééquilibrage. « Un fonds qui offre les deux types de séries, écrivent les ACVM, pourrait ne pas être en mesure d’effectuer des opérations en nature dans la même mesure qu’un FNB distinct pour rééquilibrer ses portefeuilles, ce qui pourrait entraîner une hausse des coûts d’opération de portefeuille qui sont affectés aux deux séries. »
Le gestionnaire du fonds pourrait-il « agir d’une manière qui fasse passer les intérêts d’une série avant ceux de l’autre ? » demandent les ACVM.
C’est un risque certain, répond Prerna Mathews, vice-présidente, Produits et stratégie des FNB, Placements Mackenzie, et co-présidente du conseil d’administration de l’Association canadienne des FNB (ACFNB). Elle précise que ses propos reflètent le point de vue de Mackenzie, non celui de l’ACFNB. « Une série FNB mutualise les coûts de négocier dans le fonds sous-jacent, ce qui expose les investisseurs au risque d’importants mouvements d’entrées et de sorties de fonds, ce qui peut miner la performance des autres détenteurs d’unités. »
Les ACVM demandent également si les coûts entre séries FNB et séries non cotées pourraient être bien distingués « de sorte que [les premières) auraient un fonctionnement s’apparentant davantage à celui d’un FNB distinct ».
Selon Prerna Mathews, certains coûts généraux doivent être alloués à toutes les séries, par exemple l’impôt sur les gains en capital à l’étranger. Or, d’autres coûts ne peuvent être attribués qu’aux séries non cotées. « Des efforts comptables accrus seront requis pour veiller à ce que les séries FNB ne se fassent pas imposer ces dépenses », dit-elle.
Les ACVM demandent si une information supplémentaire sur les différences entre une série négociée en Bourse et un FNB distinct serait requise. Prerna Mathews répond oui : « Une telle divulgation, y compris un résumé des principaux risques, est nécessaire. »
L’entrée en vigueur des divulgations sur le coût total des fonds imposera une telle transparence, juge Alain Desbiens, vice-président, FNB chez BMO Gestion mondiale d’actifs.
Les ACVM demandent:doit-on interdire de passer de parts de séries négociées en Bourse à des parts d’une série non cotée ? La plupart des émetteurs l’interdisent, mais certains le permettent. Eli Yufest, directeur général de l’ACFNB, ne voit pas l’intérêt de parler de « restrictions » et voit plutôt le besoin « d’assurer que les passages entre séries soient traités équitablement. La protection des investisseurs peut être obtenue par la voie de la transparence plutôt que par celle des restrictions ».