soundbites – Finance et Investissement https://www.finance-investissement.com Source de nouvelles du Canada pour les professionnels financiers Wed, 29 Oct 2025 21:29:14 +0000 fr-CA hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://www.finance-investissement.com/wp-content/uploads/sites/2/2018/02/cropped-fav-icon-fi-1-32x32.png soundbites – Finance et Investissement https://www.finance-investissement.com 32 32 Cryptomonnaies en héritage https://www.finance-investissement.com/nouvelles/cryptomonnaies-en-heritage/ Wed, 29 Oct 2025 12:10:41 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=110478 Les cryptomonnaies et autres actifs numériques — jetons non fongibles (NFT), logiciels, propriétés virtuelles, etc. — doivent être pris en compte dans la planification successorale, ce qui représente un défi pour bon nombre de conseillers. Faute de préparation adéquate, héritiers et liquidateurs risquent de se retrouver face à des verrous technologiques et juridiques qui peuvent rendre les actifs inaccessibles.

Les actifs numériques peuvent être saisis, vendus et doivent être intégrés aux inventaires successoraux, a rappelé Charlène Bouchard, notaire et professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval, lors d’une conférence de l’Association du Barreau canadien, division du Québec.

Cependant, tous les actifs numériques ne se transmettent pas de la même manière. Les cryptos, NFT et autres logiciels peuvent être transmis aux héritiers comme n’importe quel actif. À l’inverse, les courriels, profils de réseaux sociaux, courriels, historiques de navigation, conversations privées, données biométriques ou photos personnelles, qui relèvent de la vie privée, ne peuvent pas être transmis par succession. « Cette distinction est encore mal comprise et se trouve au cœur de nombreux litiges successoraux actuels », explique Charlène Bouchard.

Transmettre des cryptos à ses héritiers

Le Code civil du Québec reconnaît les cryptomonnaies comme des « biens meubles incorporels patrimoniaux », au même titre que des actions ou des droits d’auteur. Cela signifie qu’elles peuvent être intégrées dans le patrimoine successoral, évaluées fiscalement et attribuées à des héritiers.

Cependant, pour se faire sans heurts, la transmission des cryptomonnaies exige un élément crucial : l’accès aux clés privées et aux phrases de récupération. Sans ces codes, les héritiers n’ont aucun moyen d’accéder aux fonds, même si ceux-ci figurent dans le testament. Des fortunes numériques, parfois colossales, disparaissent ainsi faute de planification adéquate, signale la notaire.

Pour éviter ces situations, Charlène Bouchard dresse un « B.A.-BA » de la planification successorale des actifs numériques.

  • Utiliser des portefeuilles fiables et sécuriser les clés privées sont des précautions essentielles, selon la notaire. Le stockage hors ligne (« à froid ») reste le plus sûr, notamment via des portefeuilles matériels. Les portefeuilles en ligne, via des plateformes ou des logiciels, sont plus accessibles, mais plus vulnérables.
  • Créer un document d’accès. Ce document confidentiel peut se présenter en format papier ou sous la forme d’un fichier crypté. Il doit contenir les clés privées, phrases de récupération, mots de passe, noms d’utilisateur et dispositifs de double authentification. Il doit aussi lister clairement tous les actifs numériques et plateformes utilisées. Surtout, il ne doit pas être inclus directement dans le testament, car celui-ci devient public après le décès, exposant ainsi les informations sensibles. Distinct du testament, il doit être mis à jour régulièrement et conservé en lieu sûr, accessible à l’exécuteur numérique désigné.
  • Nommer un « liquidateur numérique » ou « exécuteur numérique ». Ce rôle peut être distinct de celui du liquidateur principal, car il exige des compétences technologiques particulières. Cette personne de confiance sera chargée d’interagir avec les plateformes et de sécuriser l’accès aux biens numériques après le décès. Cette précaution permet d’éviter que les héritiers ou le notaire soient confrontés à des interfaces qu’ils ne maîtrisent pas ou à des procédures complexes d’authentification, signale Charlène Bouchard.

Et les données personnelles?

La culture numérique actuelle accentue les enjeux : les jeunes générations publient de nombreuses informations sur leur vie privée en ligne. Ils créent ainsi un volume considérable de données susceptibles de soulever des questions successorales. Même les autorités fiscales, comme Revenu Québec, peuvent consulter ces comptes pour valider certaines déclarations, signale Charlène Bouchard.

L’absence de planification successorale pour les actifs numériques entraîne des situations où des spécialistes doivent retracer des cryptomonnaies perdues dans les méandres du Web, sans garantie de succès. Des fortunes entières peuvent ainsi rester inaccessibles faute de clés privées ou de phrases de récupération, affirme la professeure.

Pour les gestionnaires de patrimoine, l’enjeu est double : sensibiliser les clients à la nécessité de cette planification et intégrer les actifs numériques dans leur offre de services successoraux. Concrètement, cela suppose d’aborder tôt la question avec les clients, et de les guider dans la constitution du document confidentiel et dans la désignation d’un exécuteur numérique.

Des innovations accompagnent le mouvement. La Chambre des notaires du Québec a récemment octroyé 4 millions de dollars à la Chaire 2.0 sur les contrats intelligents, la chaîne de blocs et les technologies émergentes dirigée par Charlène Bouchard, afin de développer des outils destinés à simplifier le travail pour gérer les successions numériques et sécuriser la transmission des cryptomonnaies.

Succession numérique : 4 bonnes pratiques

  • poser systématiquement la question des actifs numériques lors de la planification successorale ;
  • informer leurs clients sur les différentes options de portefeuilles et leurs niveaux de sécurité ;
  • insister sur l’importance de conserver les clés privées et mots de passe dans un format sécurisé ;
  • recommander la désignation d’un exécuteur numérique distinct.
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FP Canada mise sur la réforme des examens de compétence de l’OCRI https://www.finance-investissement.com/nouvelles/fp-canada-mise-sur-la-reforme-des-examens-de-competence-de-locri/ Wed, 22 Oct 2025 10:24:41 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=110451 Le nouveau régime d’évaluation par examen pour les représentants de courtiers en placement entrera en vigueur le 1er janvier, et FP Canada se prépare à accompagner les futurs candidats dans cette transition.

« Nous élaborons des ressources d’étude pour les candidats qui souhaitent passer les deux nouveaux examens en valeurs mobilières de détail », explique Alexandra Macqueen, vice-présidente, apprentissage, développement et pratique professionnelle chez FP Canada, et responsable de son entité éducative, le FP Canada Institute.

Ces examens sont l’Examen réglementaire canadien sur les investissements (ERCI) et l’Examen sur les valeurs mobilières — clients de détail. Les candidats souhaitant devenir des représentants inscrits (autorisés à conseiller et transiger) auprès d’un courtier en valeurs mobilières, conformément au nouveau régime de compétence de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRI). Les personnes qui souhaitent s’inscrire en tant que représentant en placement (négociation sans conseil) auprès d’un courtier en valeurs mobilières doivent passer l’ERCI. (Les questions fréquemment posées au sujet de la compétence basée sur les examens sont publiées en ligne.)

La compétence basée sur les examens de l’OCRI met fin à la position de longue date de l’Institut canadien des valeurs mobilières au centre de la formation dans le secteur.

« Nous discutons activement avec nos partenaires de l’industrie pour leur faire savoir que nous entrons dans cet espace de marché », précise Alexandra Macqueen.

Fournir du matériel d’étude pour la nouvelle compétence est « un prolongement naturel de la formation en services financiers que nous offrons déjà », souligne Alexandra Macqueen. Elle a pris la tête du FP Canada Institute il y a deux ans et demi, lorsque FP Canada a entièrement internalisé la formation pour ses titres (et, ce faisant, elle a abandonné Advocis et le Canadian Institute of Financial Planning comme prestataires de formation).

Les ressources d’étude de FP Canada pour les examens de l’OCRI adopteront une « approche globale de la planification financière », prévient Alexandra Macqueen. « Je crois vraiment que c’est la direction vers laquelle l’industrie se dirige. »

De manière plus générale, une approche axée sur la planification aide les professionnels du secteur à « développer et à maintenir de solides perspectives de carrière », ajoute-t-elle.

Selon les données de FP Canada, environ 39 % des titulaires de désignation déclarent détenir un permis en valeurs mobilières, et 38 % un permis de fonds communs de placement.

Fournir du matériel d’étude pour les examens de compétence est également une façon pour FP Canada de « s’engager auprès des gens beaucoup plus tôt » dans leur parcours professionnel, explique Alexandra Macqueen, et potentiellement de « constituer un groupe plus diversifié et plus jeune de titulaires de désignation ».

Parmi les priorités déclarées de FP Canada d’ici 2030, on retrouve l’objectif de faire passer le nombre de professionnels qu’il encadre, ceux détenant les désignations de planificateur financier agréé (CFP) et de planificateur financier associé qualifié (QAFP), de quelque 19 000 à 25 000, ainsi que de réduire l’âge moyen des nouveaux étudiants et de mieux refléter la population canadienne parmi ses détenteurs de désignation.

FP Canada a également enrichi son catalogue de formation continue (FC) cette année. Le 15 octobre dernier, l’organisme de certification a annoncé un partenariat avec Kitces.com, une entreprise américaine fondée par le planificateur financier reconnu Michael Kitces, afin d’offrir deux webinaires sur demande donnant droit à des crédits de formation continue. Plus de 100 heures de contenu Kitces.com, déjà admissibles à des crédits de FC du CFP Board aux États-Unis, seront également reconnues par FP Canada.

« La planification financière est de plus en plus une profession mondiale, rapporte Alexandra Macqueen. Nous entendons de plus en plus souvent que les planificateurs servent des clients ayant des intérêts financiers transfrontaliers ; il est donc essentiel d’avoir accès à une formation pertinente. »

FP Canada a récemment signé un protocole d’entente avec son homologue en Afrique du Sud, et en juin, l’organisme a conclu un autre protocole avec Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada), portant notamment sur la formation continue et les événements conjoints.

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Le FCMFi presse Ottawa d’augmenter l’âge de conversion des FERR https://www.finance-investissement.com/nouvelles/le-fcmfi-presse-ottawa-daugmenter-lage-de-conversion-des-ferr/ Wed, 24 Sep 2025 10:27:16 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=109930 Le Forum canadien des marchés financiers (FCMFi) exhorte le gouvernement fédéral

  • à relever l’âge de conversion obligatoire des Fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR),
  • à hausser les plafonds de cotisation aux Régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et aux régimes de retraite à cotisation déterminée,
  • et à réformer la structure fiscale canadienne.

L’association nationale représentant les sociétés de placement a formulé ces recommandations dans un mémoire déposé le mois dernier. Depuis, le gouvernement a annoncé que le budget fédéral de 2025 serait déposé le 4 novembre.

Favoriser une retraite plus souple

Le FCMFi recommande d’augmenter graduellement l’âge de conversion obligatoire des REER en FERR à 74 ans. L’âge actuel de 71 ans a été fixé en 1992, alors que l’espérance de vie était de 84,7 ans, soit 2,3 ans de moins qu’aujourd’hui (87 ans). L’organisme soutient que cette limite est désormais désuète.

« Les Canadiens devraient avoir la liberté et la flexibilité de gérer leurs fonds de retraite selon leurs besoins et dans une optique d’efficacité fiscale », peut-on lire dans le mémoire.

Le Forum réclame aussi que le plafond de cotisation aux REER et aux régimes à cotisation déterminée passe de 18 % à 30 % du revenu gagné. Le plafond actuel a également été établi en 1992, avec l’intention d’offrir des possibilités d’épargne comparables à celles des régimes à prestations déterminées. Or, selon le FCMFi, le système actuel désavantage les détenteurs de REER et de régimes à cotisation déterminée.

Rééquilibrer la structure fiscale

Le Forum souhaite aussi revoir la façon dont le Canada prélève ses revenus fiscaux, afin de l’aligner sur les moyennes observées dans les autres pays de l’OCDE.

À l’heure actuelle :

  • 36 % des revenus fiscaux canadiens proviennent de l’impôt sur le revenu des particuliers (vs 23,6 % dans les pays de l’OCDE) ;
  • 12,3 % viennent de l’impôt des sociétés (vs 9,2 % dans l’OCDE) ;
  • 13,1 % des revenus proviennent des taxes à la consommation, comme la TPS (vs 20,7 % en moyenne dans l’OCDE).

Pour y parvenir, le FCMFi propose les mesures suivantes :

  • réduire le deuxième taux marginal d’imposition fédéral de 20,5 % à 14 % d’ici six ans ;
  • réduire le taux d’imposition des sociétés de 15 % à 13 % d’ici 2027 ;
  • augmenter la TPS de 5 % à 7 % dans les deux prochaines années.

Le FCMFi souhaite également que le gouvernement simplifie la Loi de l’impôt sur le revenu, qui compte aujourd’hui plus de 3600 pages. Bien que de nombreuses demandes de réforme fiscale aient été faites depuis la dernière révision en 1972, aucun consensus ne s’est dégagé sur la manière de procéder.

Un appel à l’équilibre budgétaire

Le Forum demande aussi au gouvernement de ramener le budget fédéral à l’équilibre.

Dans le budget de 2024, les libéraux prévoyaient un déficit de 40 milliards de dollars (G$) pour 2023-2024. Mais ce déficit s’est creusé pour atteindre 61,9 G$, alors que la dette fédérale représente désormais 42,1 % du PIB, selon la mise à jour économique de l’automne dernier.

« Le ratio dette-PIB, lorsqu’il est accompagné d’un engagement à le réduire sur l’horizon prévisionnel, est largement considéré comme le meilleur ancrage budgétaire, car il lie la dette à la taille de l’économie, fournissant ainsi une mesure dynamique de la viabilité des finances publiques », plaide le mémoire.

Vers un régulateur unique des marchés de capitaux ?

Enfin, le FCMFi exhorte de nouveau Ottawa à mettre sur pied un régulateur national des marchés de capitaux, affirmant que la structure actuelle, avec 13 juridictions distinctes, entraîne des coûts supplémentaires, des délais et des efforts redondants.

Le dernier projet concret d’un organisme national remonte à 2015. Le Bureau de mise en œuvre de l’Autorité des marchés financiers avait été mis en place, mais le Québec, l’Alberta et le Manitoba n’y avaient pas adhéré. Le projet a été mis en pause et le personnel mis à pied en 2021.

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Les subtilités des FCP non résidents https://www.finance-investissement.com/nouvelles/les-subtilites-des-fcp-non-residents/ Wed, 03 Sep 2025 10:46:28 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=109270 L’article 94.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) prévoit comment sera traité le revenu reçu par un contribuable canadien sur ce qu’on appelle des biens de fonds de placement non résidents ou, plus communément dans le jargon financier, des fonds outre-mer ou offshore. Pour le grand public ainsi que les professionnels non initiés, on associe souvent la notion de fonds offshore à de l’évasion fiscale, ainsi qu’aux grands scandales qui en ont découlé au fil des décennies.

Cela dit, les épargnants canadiens peuvent faire le choix d’investir dans des fonds gérés et administrés par des entités étrangères et en retirer divers bénéfices financiers ou fiscaux, sans avoir le moins du monde l’intention de se soustraire à leurs obligations fiscales canadiennes.

Cette structure est très répandue dans le secteur des fonds de couverture (hedge funds) depuis longtemps. La logique qui sous-tend l’utilisation de tels fonds est que des gestionnaires d’actifs desservant des investisseurs provenant de partout dans le monde peuvent faciliter les déclarations fiscales de leurs clients en gérant les placements dans un fonds d’investissement domicilié dans un pays n’ayant pas d’impôt sur le revenu. Ainsi, les investisseurs paient uniquement de l’impôt dans leur pays de résidence fiscale, sans devoir se soucier d’enjeux de fiscalité extraterritoriale entre le pays de domicile du fonds et le leur.

Pour les investisseurs canadiens, la structure est généralement la suivante :

  • L’investisseur achète un fonds commun de placement canadien, structuré en fiducie, en société par actions ou en société en commandite (SEC) ;
  • le fonds canadien investit dans un fonds nourricier (feeder fund), normalement une corporation dans une juridiction telle que les îles Caïmans;
  • ce fonds investit à son tour dans un fonds maître (master fund), normalement une SEC ou une société par actions domiciliée dans une juridiction exempte d’impôt qui gère un portefeuille de placements.

Pour consulter cette structure en grand format, cliquez ici.

Les règles fiscales relatives aux biens de fonds de placement non résident ont été instaurées par le gouvernement canadien en 1984. Elles constituent une disposition anti-évitement, qui exige que les contribuables incluent les revenus de placement de fonds extraterritoriaux dans leur déclaration canadienne. L’objectif de ces règles est de protéger l’assiette fiscale canadienne en décourageant l’exode de capitaux vers des paradis fiscaux.

C’est la décision Gerbro Holdings Co c. Couronne de la Cour canadienne de l’impôt qui a jeté les bases de la jurisprudence en matière de fiscalité des fonds outre-mer.

Il existe deux critères établis par la Cour afin de déterminer si un fonds sera assujetti aux règles d’imposition spécifiques aux biens de fonds de placement non résident :

  1. Détenir une participation dans une entité non résidente dont au moins 50 % de la valeur est directement ou indirectement constituée de placements.

Une entité non résidente peut être soit :

    • une société;
    • une société de personnes;
    • une fiducie étrangère.
  1. On peut raisonnablement conclure que l’une des principales raisons de l’acquisition ou de la détention d’une telle participation dans l’entité non résidente était que les impôts seraient considérablement inférieurs à si le contribuable avait détenu directement les placements sous-jacents.

Lorsque les critères sont remplis, le contribuable canadien est assujetti à l’impôt sur le revenu pour investissement passif non résident effectué par l’intermédiaire d’entités étrangères non contrôlées. Le revenu est calculé en fonction du coût désigné à la fin du mois d’une année donnée, multiplié par le taux d’intérêt prescrit majoré de 2 points de pourcentage, moins tout revenu déjà inclus dans la déclaration du contribuable.

Cela dit, le revenu en question est le revenu net de dépenses — les frais de gestion, de performance ou d’administration sont déduits du taux prescrit + 2 points de pourcentage.

La portion imposable au titre de revenu peut ainsi être limitée. Dans certains cas, les fonds maîtres sont en mesure de distribuer des revenus fiscalement moins avantageux à des investisseurs autres que canadiens et/ou indifférents au type de revenu généré. Ils peuvent aussi reporter les gains en capital dans le futur, créant une plus-value reportée des parts du fonds, plutôt que de distribuer des gains sur une base régulière.

Plusieurs fonds offerts par notice d’offre aux investisseurs canadiens utilisent présentement cette structure. Ils peuvent ainsi permettre un report d’impôt sur le rendement par rapport à un fonds équivalent domicilié au Canada.

Cela dit, il faut être prudent et comprendre une chose : la conformité fiscale de ce type de fonds revient entièrement aux manufacturiers et à leurs vérificateurs. L’investisseur déclare ses revenus selon les feuillets émis par le fonds qu’il reçoit. Est-ce qu’il existe un risque qu’un tel fonds soit vérifié et que le fisc conteste, en tout ou en partie, la répartition fiscale des revenus attribués aux investisseurs ? C’est possible. Ultimement, cela pourrait-il se traduire par des feuillets révisés, le besoin d’amender des déclarations d’impôt et faire l’objet de nouvelles cotisations ? On ne peut l’exclure. Sans présumer que ce risque est élevé, il existe, ce qui est moins préoccupant que pour un fonds avec une structure plus simple, entièrement domiciliée au Canada.

Vincent Grenier Cliche est gestionnaire de portefeuille.

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Ma première récession : Francis Sabourin et la récession de 1995 https://www.finance-investissement.com/fi-releve/ma-premiere-recession-francis-sabourin-et-la-recession-de-1995/ Wed, 27 Aug 2025 11:12:42 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=109023 En 1992, Francis Sabourin, a fait son entrée dans l’industrie comme conseiller financier indépendant. Quelques années plus tard, le Québec traverse une période de ralentissement économique, alimentée par les débats sur la souveraineté et la tenue d’un référendum.

« En 1994-1995, c’était ma première vraie récession. J’avais 27 ans. J’ai vraiment vécu de l’incertitude. Je me demandais même si j’allais encore avoir un travail après le référendum. Si le Québec se sépare, est-ce que ce sera l’anarchie ? On n’en avait aucune idée », se remémore celui qui est aujourd’hui gestionnaire de portefeuille principal et conseiller en placement principal chez Patrimoine Richardson.

Si les médias sociaux n’existent pas encore et que les chaînes d’information continue sont alors à peine naissantes au Québec[1], tout le battage médiatique et publicitaire autour de la question de la souveraineté et de la campagne référendaire plombe l’économie de Montréal et de la province.

À l’époque, le développement des affaires est au point mort pour le jeune conseiller.

« Les taux d’intérêt avaient monté jusqu’à 10 %. Sur le marché obligataire, la Bourse avait crashé. Les clients qui avaient déjà investi n’étaient pas contents et ceux qui avaient des liquidités se retenaient parce qu’on ne savait pas ce qui allait se passer. »

Rétrospectivement, il considère avoir sous-estimé l’impact économique du référendum de 1995 au Québec.

« Bâtir une business dans ce genre d’économie-là, c’est difficile. Des gens perdaient leur emploi. Des entreprises fermaient ou transféraient leur siège social ailleurs. »

Néanmoins, il entame des démarches pour l’acquisition d’une maison à l’été 1995, accompagné de celle qui deviendra plus tard son épouse, convaincu que les choses vont s’améliorer.

Une reprise rapide

De fait, la situation se redresse rapidement après le référendum du 30 octobre 1995, qui n’a pas passé.

« Les taux d’intérêt se sont mis à baisser, les obligations ont pris de la valeur, les Bourses se sont mises à remonter du côté canadien. Les entreprises étaient plus à l’aise d’investir et d’engager du personnel. Il y a eu une reprise de l’économie dans son ensemble. »

Sur le plan professionnel, les années suivantes ont été particulièrement fructueuses pour le conseiller.

Les clients existants qui avaient investi, en 1995 ou avant, dans des obligations à long terme à un taux de 10 % sur 30 ans par exemple, ont obtenu des rendements élevés.

« Cela a instauré un climat de confiance, et le reste a suivi naturellement », souligne-t-il.

Sur le plan personnel, c’est aussi après le référendum que Francis Sabourin et sa femme ont finalement acquis leur résidence, « dans le creux du marché immobilier québécois », par pure coïncidence, explique-t-il, « parce qu’on voulait s’acheter une maison et parce que rester en appartement, ce n’était pas notre futur ».

En rétrospective, il admet que c’était une période creuse et stressante, mais qu’elle ne l’a pas poussé à quitter le métier. « Au pire, je me disais qu’il fallait simplement faire preuve de patience », confie-t-il.

« Mais bon, concède-t-il, quand tu es jeune, tu vois moins le risque. Si ça arrivait aujourd’hui, je n’aurais peut-être pas la même réaction. Financièrement, ce n’est pas pareil, je suis plus établi. »

Des leçons, de l’optimisme et de l’expérience

De cette période difficile de sa carrière, il retient plusieurs leçons. « Il faut être audacieux. Il faut persister. À un moment donné, il y a toujours une solution qui finit par apparaître. »

D’après lui, son tempérament optimiste a aussi joué en sa faveur.

« Quand on est un investisseur dans le marché boursier, on a tendance à être toujours plus positif que la moyenne. Quand on est un investisseur dans le marché obligataire, on a tendance à être plus négatif. Moi, j’étais plus un gars de croissance, d’action. Alors, j’ai un tempérament plus positif que la moyenne ou que le marché en général. »

Aujourd’hui, il partage sa vision des marchés avec sa fille Mélissa, 22 ans, qui rejoindra officiellement le cabinet en septembre prochain.

« Je lui ai dit : tu vas apprendre que les années se suivent, mais ne se ressemblent pas. En moyenne, la tendance est qu’une année sur cinq, ça ne va pas bien, et que quatre années sur cinq, ça va bien. Nous, on a un historique de rendement depuis 17 ans, et on a seulement eu trois années négatives dans nos portefeuilles modèles. »

En terminant, Francis Sabourin estime qu’il est préférable de vivre une récession en début plutôt qu’en fin de carrière, parce que cela forge le caractère et affine aussi la vigilance.

« L’expérience, ça ne s’apprend pas dans les livres, à l’école. […] Les choses vont tellement vite. On le voit bien en 2025, avec les événements et les impondérables qu’on vit tous les jours. Cela dit, une chose demeure : l’économie mondiale grossit année après année. Mais tout fonctionne par cycles. Il faut juste savoir se propulser sans pour autant prendre des risques démesurés. »

[1] Par exemple, la chaîne RDI est entrée en ondes le 1er janvier 1995. La chaîne LCN sera lancée deux ans plus tard.

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iA prend la tête au Canada des gestionnaires de patrimoines indépendants https://www.finance-investissement.com/nouvelles/ia-prend-la-tete-au-canada-des-gestionnaires-de-patrimoines-independants/ Wed, 13 Aug 2025 10:16:59 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=109004 En investissant 597 millions de dollars (M$) dans l’acquisition de RF Capital Group, qui détient la bannière pancanadienne Patrimoine Richardson (PR), iA Société financière (iA) se propulse au premier rang des gestionnaires de patrimoine qui opèrent hors du réseau des grandes banques.

« Au Canada, 90 % de la gestion de patrimoine se retrouve dans les banques, constate Stéphan Bourbonnais, vice-président exécutif, gestion de patrimoine, chez iA. Passer à 175 milliards de dollars (G$) en actifs sous gestion va faire d’iA le principal joueur dans le secteur non bancaire au Canada. C’est la plus grosse transaction qu’iA ait faite en gestion de patrimoine. Je prends une certaine satisfaction personnelle d’avoir aidé à constituer un tel fleuron québécois. »

Peu de conseillers, beaucoup d’actifs acquis

Avant cette acquisition, avec un actif sous gestion (ASG) de 135 G$, iA occupait déjà le deuxième rang au pays des gestionnaires de patrimoine derrière Aviso Wealth (ASG de 146 G$). Grâce aux 40 G$ d’ASG de PR, elle prend désormais la tête du secteur.

Par ailleurs, l’intégration de 189 conseillers spécialisés dans la gestion des avoirs de clients fortunés, répartis sur 143 équipes et 23 bureaux, porte à 2 750 le nombre total de conseillers d’iA à travers le Canada. (Tous les chiffres sont tirés d’un document interne d’iA.)

Au Québec, PR dispose de deux bureaux, à Montréal et à Pointe-Claire. L’ajout de ses 28 conseillers porte à 900 le nombre de professionnels d’iA dans la province, tout en contribuant à hauteur de 4,0 G$ en ASG.

Comme on peut s’y attendre, c’est en Ontario que l’apport est le plus significatif, avec l’ajout de

71 conseillers. Cette expansion fait grimper le nombre total de professionnels à 1 000 et permet de gonfler l’ASG de 16 G$ pour le faire passer à 71 G$. L’ASG moyen par équipe s’élève à 270 M$.

Indépendance et distinction

Autant iA que RF Capital Group soulignent que PR conservera son indépendance. « Nous prévoyons que la transaction permette aux conseillers de maintenir la culture et l’indépendance propres à Patrimoine Richardson, tout en bénéficiant d’une plateforme améliorée et de nouvelles opportunités de croissance », précise Dave Kelly, président et chef de la direction de RF Capital Group, via un échange de courriels avec Finance et Investissement.

Cette indépendance prend la forme d’une architecture de produits ouverte, permettant aux conseillers d’accéder à une gamme complète de solutions pour répondre aux besoins de leurs clients. Elle se traduit aussi par une totale liberté dans les choix de planification stratégique et le développement des pratiques des conseillers. Le seul changement, insiste Dave Kelly, « est une affaire d’échelle : meilleurs prix, distribution accrue, infrastructure technologique plus robuste pour appuyer un conseil indépendant ».

Un troisième modèle d’affaires pour iA

En réalité, PR « nous apporte un modèle d’affaires qui nous manquait », affirme Stéphan Bourbonnais. Jusqu’ici, iA faisait affaires sous deux modèles distincts :

  • d’un côté, iA Investia, une plateforme dédiée aux fonds communs de placement et aux fonds négociés en Bourse ;
  • de l’autre, iA Gestion privée de patrimoine, une plateforme de courtage de plein exercice.

Avec Richardson, iA intègre une image de marque forte, spécialisée dans la gestion de fortune, et une gamme de services allant de la planification financière à la planification successorale.

iA juge que ces trois modèles d’affaires complémentaires renforceront son attrait auprès de recrues potentielles et accélérera la croissance de son réseau de conseillers. Elle compte aussi sur des gains de synergie « entre trois plateformes à architecture ouverte, tant en gestion de patrimoine qu’en marchés des capitaux, assurance et services conseil », souligne Stéphan Bourbonnais.

Un nom préservé pour 30 mois

Un détail intrigue : iA pourra conserver le nom de Patrimoine Richardson pour une période de 30 mois seulement, alors qu’iA aurait voulu le conserver « pour sa valeur et sa reconnaissance », confie Stéphan Bourbonnais. Faut-il anticiper que Patrimoine Richardson est appelé à être éventuellement absorbé, par exemple, dans iA Gestion privée de patrimoine. Stéphan Bourbonnais s’en défend bien : « On veut garder la distinction [de ce réseau]. Donc, un nouveau nom est appelé à émerger. » Ce nom sera déterminé avec l’aide des employés même de Richardson.

Outre l’avantage opérationnel que la taille d’iA offre à PR, l’acquisition s’accompagne d’une foule d’apports, notamment en expertise économique, en conformité, et surtout en technologie. « La technologie est un défi pour tout le monde dans l’industrie, reconnaît Stéphan Bourbonnais. Il y a des systèmes qu’on a développés pour une de nos lignes d’affaires et dont Richardson voulait disposer. Nous leur offrons ainsi la possibilité d’accélérer leur développement. » Ainsi, pour trois projets que PR envisage, il pourrait utiliser des environnements de travail déjà développés par iA. « Et la beauté de l’affaire, c’est qu’aucune conversion de données n’est nécessaire, lance Stéphan Bourbonnais. On garde les informations telles quelles avec les systèmes actuels. »

Selon Dave Kelly, la réaction de la part de tous les joueurs du côté de RF Capital Group et de PR est « démesurément positive ». On peut croire que cette perception se poursuivra si on en juge par la feuille de route d’iA dans son acquisition de Valeur mobilières Banque Laurentienne en août 2024. « Un franc succès ! » lance Stéphan Bourbonnais, avec une rétention de 100 % des conseillers, répartis dans une vingtaine d’équipes, qui ont été absorbés dans le modèle d’iA Gestion privée de patrimoine. Ils sont excessivement satisfaits du support et des technologies. »

À présent, l’achat de PR ne constitue pas une « acquisition », soutient Stéphane Bourbonnais, mais une « élévation ».

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L’IA propulse les leaders de l’assurance https://www.finance-investissement.com/nouvelles/lia-propulse-les-leaders-de-lassurance/ Wed, 30 Jul 2025 11:24:37 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=108773 Certaines époques voient émerger une innovation technologique susceptible de changer le monde, forçant les entreprises à s’ajuster ou à disparaître dans l’oubli, juge une étude de McKinsey. Nous sommes dans une telle époque. Après les ères de la révolution industrielle et de l’avènement de l’Internet, voici celle de l’intelligence artificielle (IA).

« Il y a environ deux décennies, écrit McKinsey, alors que le commerce électronique devenait omniprésent et plus sophistiqué, les consommateurs se sont habitués à des commandes fluides et à des livraisons rapides, et en sont venus à attendre ces capacités de la part de tous les commerçants. De la même manière, l’IA a modifié les attentes des consommateurs au point qu’ils exigent désormais une plus grande précision et fiabilité tout au long de leur parcours d’achat, des conversations quasi humaines avec des robots IA (qu’elles soient textuelles ou vocales), des offres et des communications hyper-personnalisées, ainsi que des produits et des interactions à la demande adaptés à leurs besoins. »

Résultats impressionnants

C’est ce qui sera de plus en plus demandé de la part des assureurs. Déjà, quelques firmes ont embrassé la transformation pour en tirer des résultats tangibles. McKinsey constate qu’au cours des cinq dernières années, les leaders en IA chez les assureurs ont produit un rendement total pour les actionnaires (TSR ou Total Shareholder Return) 6,1 fois supérieur à celui des retardataires. Dans d’autres secteurs, cette avance n’est que deux ou trois fois.

Par exemple, l’assureur britannique Aviva a conçu plus de 80 modèles d’IA pour améliorer la performance des réclamations, réduisant le temps d’évaluation dans les cas complexes de 23 jours et abaissant de 65 % le nombre de plaintes des clients. Un autre assureur, dont le nom demeure confidentiel, a recouru à l’IA pour la proposition de devis et la vente de polices d’assurance. Résultat : 80 % des transactions sont passées en ligne, et les scores de satisfaction client, en particulier l’indicateur mesurant la probabilité qu’un client recommande un assureur à une connaissance, ont augmenté de 36 points de pourcentage. Un troisième, anonyme lui aussi, a haussé de 11 % ses ventes hors des heures de bureau en implantant un robot conversationnel (chatbot) qui opère 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

Les outils IA

McKinsey dénombre trois grandes disciplines de l’IA susceptibles de trouver une application dans l’industrie de l’assurance.

  • L’IA analytique traditionnelle comprend les modèles dans les données ;
  • L’IA générative améliore ces capacités grâce à une meilleure compréhension des formes de données non structurées et permet d’ajouter une hyperpersonnalisation et de l’empathie dans les réponses ;
  • L’« agentique » dans ses plus récents perfectionnements ajoute des niveaux d’automatisation sans précédent aux flux de travail complexes, permettant aux assureurs d’en maximiser les avantages.

Armés de cette polyvalence, les assureurs utilisent l’IA dans tous les domaines clés, notamment la productivité des ventes et l’hyperpersonnalisation ; l’automatisation et l’amélioration de la précision de la souscription, la gestion améliorée des sinistres ; les opérations de service à la clientèle avec des agents vocaux ; la transformation des fonctions administratives telles que les finances ; l’actuariat et l’informatique.

L’étude de McKinsey s’attarde surtout sur la façon de procéder à une transformation IA, affirmant que pour créer de la valeur commerciale durable, il ne suffit certainement pas de « bizouner » à la marge. Il faut « définir une vision audacieuse et globale du potentiel de l’IA, affirme l’étude, et repenser en profondeur et de manière fondamentale le fonctionnement de divers domaines d’activité (souscription, sinistres, distribution, service client, etc.), en intégrant la technologie dans chaque partie de l’organisation. »

Un avantage majeur de l’IA qui peut en faciliter et en accélérer l’implantation tient à sa « modularité » réutilisable. Sous des applications concrètes très diverses, le même engin IA sous-jacent peut être mis à contribution. Par exemple, une capacité d’IA générative peut être appliquée autant dans le support des services informatiques, dans la création de contenu marketing ou dans la rédaction de documents légaux.

Défis et risques de l’IA

Une implantation IA à l’échelle de l’entreprise présente des défis et des risques considérables :

  • Risques de sécurité ;
  • coûts élevés ;
  • le risque d’être emprisonné dans l’étau de fournisseurs clés, le manque de recrues qualifiées ;
  • la résistance culturelle, des manques dans la gouvernance et le frein imposé par des systèmes informatiques hérités

Susciter une vigoureuse culture de changement est un atout capital. De plus, à la base, il faut accroître considérablement les données au fondement de l’IA et leur traitement.

McKinsey propose quelques approches prudentes pour aborder le dossier IA : commencer une implantation dans deux ou trois secteurs d’activité seulement, qu’il s’agisse des ventes, de la tarification ou des réclamations. Et le choix de ces secteurs doit offrir un maximum d’impacts mesurables.

Attention aux risques. L’étude de McKinsey ne s’y attarde pas, mais ils peuvent être névralgiques, avertit une étude de Morningstar DBRS. « En fin de compte, les entreprises n’ont pas le choix d’investir en IA pour demeurer concurrentielles », reconnaît Nadja Dreff, vice-présidente senior et responsable du secteur Global Insurance & Pension Ratings chez Morningstar DBR. « Toutefois, elles ne doivent pas perdre de vue l’importance de disposer de cadres de gestion des risques adaptés. Du point de vue de la notation de crédit, l’IA peut à la fois renforcer et nuire à la solidité d’une franchise en affectant l’expérience client. Et, bien qu’elle puisse améliorer la rentabilité grâce à des gains d’efficacité, elle contribue généralement aussi à augmenter les risques opérationnels, notamment les risques juridiques et de conformité. »

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Portabilité des données : les défis invisibles de la Loi 25 https://www.finance-investissement.com/nouvelles/portabilite-des-donnees-les-defis-invisibles-de-la-loi-25/ Wed, 16 Jul 2025 10:14:50 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=108278 Depuis l’entrée en vigueur de la dernière phase de la Loi 25, en septembre 2024, les clients peuvent demander à recevoir ou transférer leurs renseignements personnels détenus par une entreprise. Dans le secteur du courtage, ces demandes se font rares. Des balises floues et des zones d’ombres persistent.

Dans le cadre du Pointage des régulateurs 2025, nous avons posé la question suivante aux responsables de la conformité des organisations de l’industrie financière : « Est-ce que votre entreprise est pleinement en mesure de se conformer aux nouvelles obligations de la loi 25 sur la portabilité des données des clients? » Résultat : la majorité (78 %) des répondants ont répondu que leur entreprise était pleinement en mesure de se conformer. Certains appréhendent toutefois des défis.

Un répondant d’un important assureur au Québec indique que les grandes organisations possèdent des ressources, des lignes directrices et des budgets pour y parvenir. « Il s’agira probablement d’un défi plus important pour les petits courtiers, qui sont également ceux que nous trouvons les moins respectueux de la réglementation en la matière », dit-il.

Les commentaires des sondés sur le sujet varient en fonction de l’expérience des firmes. Un représentant signale que l’application de la loi nécessite beaucoup d’effort des équipes, tandis qu’un autre mentionne que les demandes de clients en lien avec le droit à la portabilité sont plutôt rares. Quoi qu’il en soit, la nécessité de s’adapter aux demandes représente une source de préoccupation pour plusieurs répondants. « Si les demandes sont sporadiques, c’est faisable. Sinon, ce sera complexe », mentionne un responsable de la conformité.

Bien que la portabilité des données soit officiellement en vigueur, plusieurs organisations n’ont encore jamais traité une telle demande. Chez Cloutier Groupe financier, par exemple, aucun cas concret n’a été recensé à ce jour. « On est capable de répondre, mais on n’a eu aucune demande », confirme François Bruneau, vice-président administration. Même constat chez MICA Cabinets de services financiers : le processus est prêt, mais n’a jamais été mis à l’épreuve, indique Francis Ménard, vice-président transformation numérique.

Chez Mérici Services financiers, la mise à jour des systèmes a été relativement fluide, grâce à des fournisseurs de logiciels qui ont intégré les exigences de la Loi 25 sans imposer de frais supplémentaires, rapporte le président et chef de la conformité, Maxime Gauthier. Mais même là, l’exploitation concrète des données transférées reste incertaine. Le défi demeure pour l’instant théorique.

L’éléphant dans la pièce : l’absence de standardisation
Derrière l’apparente simplicité du droit à la portabilité se cache un défi technique de taille : le manque de standardisation des formats de données. Même si l’information est fournie dans un format structuré, chaque organisation classe et encode les informations différemment, ce qui exige un effort d’adaptation de la part de celui qui la reçoit.

« Il y aura un effort du côté du destinataire, car les données ne seront pas organisées selon ses propres structures », explique Francis Ménard. « Un client peut vouloir recevoir ses informations dans un format exploitable pour lui, mais cela ne signifie pas que nos systèmes peuvent les lui fournir de cette manière », signale Maxime Gauthier.

L’absence de standardisation complique l’intégration des renseignements personnels par les destinataires. Même dans un scénario où un client obtiendrait ses données, leur réutilisation par une firme concurrente demeure peu probable, du moins à l’heure actuelle, ajoute François Bruneau.

Par exemple, un client qui transfère un compte d’investissement vers une autre institution pourrait souhaiter importer son historique de transactions. Cependant, cette opération est délicate tant sur le plan technique que réglementaire : « Il n’y a aucune façon que je vais rentrer ça dans mon système. On ne veut pas contaminer notre environnement avec des données externes qu’on ne peut pas valider », dit François Bruneau. Résultat : le client se retrouve avec un fichier dont l’utilité reste limitée, sauf à des fins personnelles.

Le fait que les données sont souvent réparties entre plusieurs systèmes : épargne collective, assurance collective, assurance individuelle, représente un défi supplémentaire. Les différentes plateformes n’étant pas interconnectées, récupérer des informations pour un client actif dans plusieurs unités d’affaires peut donc devenir complexe et chronophage. « Il faut aller chercher les données dans chacun des systèmes, ce qui rallonge les délais. »

Pour l’instant, la grande majorité des démarches nécessite un traitement manuel. « Il n’y a pas de bouton magique pour extraire les données. Chaque demande requiert une intervention humaine », indique François Bruneau. Il craint un engorgement si le volume de requêtes devait augmenter soudainement. Dans ce cas, la gestion du volume deviendrait plus problématique que la capacité à livrer les renseignements.

Sur le plan juridique, la Loi 25 établit un droit à la portabilité, mais sans indiquer comment l’exercer concrètement, soulève Yvan Morin, chef de la protection des renseignements personnels chez MICA : « Il faut traiter les demandes dans un délai raisonnable et s’assurer que la transmission se fait de façon sécuritaire, mais on n’a pas de directives détaillées. »

La nécessité d’utiliser un mode de transmission sécuritaire pour protéger les renseignements personnels complexifie les choses, alors qu’aucune méthode spécifique n’a été déterminée pour l’instant par le législateur. Selon Yvan Morin, l’adoption de normes communes et d’outils technologiques standardisés réduirait l’effort requis des firmes pour se conformer aux exigences de la Loi 25.

La méconnaissance du public fait en sorte que la portabilité des données reste peu demandée. « Malheureusement, la majorité des gens ignorent ce que la Loi 25 leur permet. Ce n’est pas une priorité pour eux », constate Maxime Gauthier, ajoutant que la loi résulte plus d’une volonté gouvernementale que d’une pression des usagers.

François Bruneau entrevoit un potentiel d’innovation prometteur dans cette disposition. Une application FinTech pourrait, à terme, automatiser les demandes de portabilité, agréger les données de diverses institutions et les rendre exploitables pour les clients, à condition que les infrastructures technologiques suivent, illustre-t-il.

L’essor de l’intelligence artificielle (IA) soulève également des questions sur la sécurité des données personnelles. Maxime Gauthier rappelle que, selon la Loi 25, aucune donnée ne doit être utilisée par un outil d’IA sans le consentement éclairé du client. Il n’exclut pas certains dérapages. « Ce n’est pas censé arriver, mais si une IA est mal utilisée ou mal encadrée, le risque de fuite est bien réel. »

Réforme nécessaire à long terme

Des discussions sont en cours pour déterminer comment des données sensibles, telles que la tolérance au risque, pourraient être transférées entre firmes. Cela suppose un travail de coordination technique, car les méthodes de collecte et de conservation des données diffèrent souvent d’une institution à l’autre. « Il faudra s’entendre sur des protocoles communs. Ce sera long et exigeant », affirme Maxime Gauthier.

Ces efforts s’inscrivent dans un contexte plus vaste de transformation numérique, à l’image du transfert de comptes entre représentants (TCR), qui mobilise déjà les ressources informatiques des firmes.

Pour Kateri-Anne Grenier, associée et cocheffe, protection des renseignements confidentiels, vie privée et cybersécurité, et avocate en litige commercial chez Fasken, la portabilité des données est une avancée importante, mais encore largement théorique.

« Il faut des audits réguliers pour vérifier si les processus sont en place, s’ils fonctionnent, s’ils peuvent être améliorés, et s’ils respectent la loi », expliquait-elle dans un précédent article dans Finance et Investissement. Elle met notamment en garde contre la tentation de stocker indéfiniment des données inutiles, au risque d’être pris de court en cas d’incident de confidentialité.

Si l’outil est en place et les règles établies, un écart demeure donc entre l’intention du législateur et les usages réels sur le terrain.

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La dette durable comme classe d’actifs stratégique https://www.finance-investissement.com/nouvelles/la-dette-durable-comme-classe-dactifs-strategique/ Wed, 25 Jun 2025 10:30:00 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=108159 Le marché des titres de créance durable évolue et les stratégies d’investissement le concernant se sont beaucoup diversifiées au fil du temps. Le concept initial composé principalement d’obligations vertes émises par les gouvernements ou les agences multinationales se traduit aujourd’hui par des occasions diversifiées pour les investisseurs, par exemple des obligations à impact social et d’autres formes d’instruments liés à la biodiversité.

« Cette catégorie fonctionne bien pour les émetteurs gouvernementaux et les entreprises ayant des projets verts qui satisfont les critères des obligations vertes et peuvent être vérifiés par des fournisseurs d’opinion indépendants. Les titres de créance liés à la durabilité constituent l’un des meilleurs moyens de s’assurer que les entreprises atteignent leurs objectifs ESG (environnement, social et gouvernance) ainsi que leurs objectifs de durabilité », expliquent Jon Ennis et Erica Roa, respectivement analyste principale en investissement et vice-présidente, Recherche sur les investissements, à Placements Mackenzie, dans un article publié par l’Association pour l’investissement responsable (AIR).

« La dette durable est une classe d’actifs qu’on apprécie utiliser parce qu’elle a évolué et qu’elle est capable de soutenir un impact vraiment ciblé », affirme Hadiza Djataou, vice-présidente, gestionnaire de portefeuille, Équipe des placements à revenu fixe, Placements Mackenzie, lors d’un entretien avec Finance et Investissement en marge du Sommet de la finance durable tenu en mai, à Montréal, à l’initiative de Finance Montréal.

« Quand j’investis dans la dette durable, ce que je veux, c’est avoir accès à un éventail d’impacts le plus large possible. Financer la transition énergétique, c’est une très bonne chose, mais si en plus je peux financer la construction de bâtiments sociaux construits au Québec avec de nouvelles normes, ou des initiatives de conservation du rhinocéros noir en Afrique du Sud comme nous l’avons fait en 2022. Pour moi, c’est un éventail d’options qui me permet d’avoir un impact dans différents segments des besoins qui existent en matière de durabilité », illustre Hadiza Djataou.

L’objectif est de concilier rendement financier et impact mesurable, sans compromettre la performance, ajoute-t-elle.

L’investissement réalisé pour la conservation du rhinocéros noir illustre bien la stratégie mondiale d’obligations durables de Placements Mackenzie, estime Hadiza Djataou. « On essaie de faire du bien tout en étant financièrement responsable et crédible dans notre possibilité de générer de la performance. »

L’obligation en question offrait un coupon de base auquel s’ajoutait un bonus variable lié à la croissance de la population de rhinocéros. Le rendement croissait ainsi à mesure que la population de rhinocéros augmentait. Avec une croissance « surprenante » de 7% la première année, plutôt que les 4% requis pour atteindre le seuil de rentabilité, l’investissement s’est révélé très profitable. « Ce type de structures, typiquement, comporte un potentiel de hausse sans gros risque de baisse parce que l’impact, c’est un coupon additionnel. »

Ces structures sont généralement notées AAA — qui est la notation la plus élevée dans le domaine du crédit — parce qu’elles sont assorties d’une garantie qui provient la plupart du temps de la Banque mondiale. Dans le cas des rhinocéros noirs, « la Banque mondiale s’est portée garante pour le capital alloué, ce qui enlevait tout risque sur le capital et sur les coupons qui sont payés », souligne Hadiza Djataou.

Un processus de sélection rigoureux

Placements Mackenzie investit dans la dette durable 6,9% de ses 55 milliards de dollars d’actifs investis en revenu fixe, évalueHadiza Djataou. En 2020, ce ratio était de 1,7%.

« Nous avons augmenté significativement notre exposition à la dette durable, tant en volume qu’en diversité, notamment en passant par des mécanismes de type “debt-for-nature swap” ». Ce type d’accord permet à un pays endetté de rééchelonner ou d’annuler une partie de sa dette extérieure en échange d’un engagement à financer des projets de protection de l’environnement sur son territoire. Un projet lié à la conservation aux îles Galápagos est cité à titre d’exemple d’investissement effectué par Placements Mackenzie.

La croissance de ce segment n’a pas changé la philosophie de gestion, mais celle-ci a dû s’adapter aux conditions du marché, notamment l’inflation élevée qui a marqué l’année 2022 et la remontée rapide des taux. Dans ce contexte, une gestion tactique a été adoptée, par exemple en intégrant dans le portefeuille des obligations indexées à l’inflation. Ce qui a permis de tirer profit directement de la hausse des prix. Des investissements ont aussi été faits dans des instruments à faible durée en guise de protection contre la volatilité.

Dans le même temps, une surveillance active des émetteurs à forte intensité carbone est menée chaque trimestre. Si une entreprise ne démontre aucun effort concret pour réduire ses émissions, sa dette est liquidée. Cette double approche — tactique sur le plan financier et dynamique sur le plan ESG — est au cœur de la stratégie, dit-elle.

Présentement, la stratégie globale durable comprend approximativement 75% de dettes labellisées durables, et 20% de dettes provenant d’émetteurs jugés exemplaires sur le plan de la durabilité. « Ce choix de travailler avec ces émetteurs leaders dans la durabilité permet de diversifier les risques et d’exercer une influence proactive sur les émetteurs », estime Hadiza Djataou.

Compte tenu des nombreux types de dettes durables maintenant accessibles sur le marché, le processus visant à choisir celles qui seront intégrées au portefeuille doit être d’autant plus rigoureux, signale l’experte.

« Si on constate par exemple une qualité de reporting médiocre ou inexistante sur des obligations vertes, ou que les objectifs ne sont pas atteints en matière d’utilisation des fonds, on vend typiquement ces obligations pour en acheter d’autres que l’on considère plus vertes, illustre-t-elle. On ne reste pas marié à ces positions ».

Hadiza Djataou précise que la stratégie de gestion durable de Placements Mackenzie est pleinement alignée avec celle des fonds non durables. « Les convictions d’investissement priment, affirme-t-elle. Si par exemple, j’ai une vue positive sur les taux en Nouvelle-Zélande et que je veux avoir des obligations de Nouvelle-Zélande dans mon portefeuille parce que je crois que la tendance est à des taux baissiers, la même idée sera exprimée dans les fonds durables. La différence réside dans l’instrument utilisé pour refléter ces convictions: une obligation verte plutôt qu’un titre conventionnel. »

Un autre trait distinctif de la stratégie est son caractère véritablement mondial, selon elle. Contrairement à certains fonds dits « globaux » qui investissent surtout aux États-Unis, celui de Placements Mackenzie est activement exposé à l’Europe, aux marchés émergents, aux États-Unis et au Canada.

Les risques du mouvement anti-ESG

Les stratégies de financement de projets verts ou durables ne sont toutefois pas à l’abri de tout risque, et la structure du projet n’est pas toujours en cause. Le mouvement anti-ESG observé ces dernières années, notamment aux États-Unis, constitue l’un de ces risques. « Ça a nécessairement un impact », mais davantage sur les marchés boursiers que sur les marchés obligataires, estime la spécialiste du domaine de la gestion de portefeuille à revenu fixe. « Ça impacte les actions par rapport au potentiel dans les secteurs concernés, un effet déjà visible dans les valorisations. »

Sur la partie dette, « le risque tient au fait que la majorité des structures sont assorties d’une garantie de la Banque mondiale, et qu’elle reçoit à peu près 60% de son capital des États-Unis. On a vu déjà la nouvelle administration américaine se retirer de ses engagements dans un certain nombre de cas. Elle ne l’a pas encore fait vis-à-vis de la Banque mondiale, mais c’est un risque », mentionne-t-elle.

Hadiza Djataou est confiante qu’advenant un tel scénario, « les autres pays viendraient à la rescousse pour pourvoir le capital requis. »

Elle ajoute que la Banque mondiale se finance surtout par l’émission de dette sur les marchés et non par la voie du capital fourni par les États. Cela signifie que le risque que cela engendre par rapport au capital consiste en une baisse éventuelle de la note de crédit de la Banque mondiale. « Elle passerait peut-être de triple A à double A, ce qui resterait suffisant pour conserver l’attractivité de ses titres de créance afin de lui permettre de continuer à emprunter sur les marchés. »

Hadiza Djataou ne croit pas que ces tensions géopolitiques remettent en cause le financement de telles structures et a confiance que les obligations durables émises par la Banque mondiale et d’autres institutions resteront attrayantes. « On n’a pas observé une réduction du nombre d’émissions durables depuis ces changements et il n’y a pas cette impression que ces structures ne seront plus émises à cause de ça. Plusieurs nouveaux projets sont en cours, dont un en Côte d’Ivoire, et le pipeline d’initiatives reste dynamique dans le domaine obligataire », affirme-t-elle.

Perspectives pour la créance durable

La dette durable est appelée à croître non seulement en taille, mais aussi en complexité, affirme Hadiza Djataou. « Lorsque l’on regarde les besoins massifs liés à la transition énergétique, le marché des actions n’est pas suffisant et n’est pas assez rentable, d’une certaine manière, pour que les entreprises utilisent seulement des actions pour financer cette transition. Le financement devra donc passer de plus en plus par les marchés obligataires. »

Dans ce contexte, elle anticipe l’émergence de nouveaux thèmes dans l’investissement durable, par exemple la réconciliation avec les peuples autochtones. « Peu d’obligations ont été émises dans ce domaine jusqu’à présent, mais des discussions sont en cours pour établir des cadres d’émission appropriés. On sait que les institutions sont très intéressées et c’est quelque chose que j’aimerais vraiment faire progresser », mentionne-t-elle.

Hadiza Djataou observe aussi que de nombreuses institutions financières ont déjà verdi leurs portefeuilles d’actions, mais pas encore leur volet obligataire. Elle juge important d’un point de vue stratégique d’aligner cette partie également afin de maximiser l’impact global sur la transition climatique et constate la tenue de nombreuses conversations en ce sens.

Finalement, l’experte prédit « un renforcement de l’impact des risques ESG en tant que risque fiduciaire à part entière, au même titre que les risques de crédit ou de liquidité », sous l’impulsion de la réglementation.

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Incertitude, volatilité et occasions https://www.finance-investissement.com/nouvelles/incertitude-volatilite-et-occasions/ Wed, 11 Jun 2025 10:11:00 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=107983 Alors que la volatilité sévit sur les marchés en proie aux incertitudes économiques générées par la guerre commerciale menée tambour battant par l’administration Trump, la Soirée annuelle des prévisions de CFA Montréal réunissait le 5 juin dernier deux figures influentes de la finance mondiale pour clore sa saison. Robyn Grew, présidente et chef de la direction de Man Group, et Rick Rieder, directeur général principal chez BlackRock, ont croisé leurs perspectives sur les tendances de fond qui influencent et façonnent les marchés financiers et l’économie mondiale.

La présidente de Man Group a souligné d’emblée que l’imprévisibilité était aujourd’hui la norme. « On a un peu abandonné l’idée de tout modéliser, le monde a changé et ça risque d’être ainsi pour un bout », a-t-elle expliqué, soulignant que la volatilité et les événements inattendus ne sont plus des exceptions, mais des réalités permanentes. « Pour au moins 3 ans et demi ? », a demandé à la blague Kristina Partsinevelos, journaliste à CNBC, faisant référence à la fin du deuxième et dernier mandat du 47e président des États-Unis. « Qui sait? », a répondu Robyn Grew, laissant entendre que dans ce nouvel environnement, tenter de prévoir avec précision chaque mouvement de marché est voué à l’échec. « Mais tout ce qui est différent n’est pas mauvais en soi. » Selon elle, la priorité pour les investisseurs est désormais de construire des portefeuilles robustes, capables de résister aux fluctuations, notamment en misant sur une bonne diversification et la recherche d’actifs non corrélés. « L’argent a maintenant un coût », rappelle-t-elle, faisant référence à la fin de la période des politiques monétaires accommodantes qui ont longtemps soutenu la valorisation de nombreux actifs.

Fin de l’ «exceptionnalisme américain » ?

La réalité actuelle impose selon Robyn Grew un changement dans la façon d’aborder l’investissement. La période où le marché américain apparaissait comme l’unique destination d’investissement s’estompe. « En janvier, on ne parlait que des États-Unis comme unique option, aujourd’hui, seulement quelques mois plus tard, nous sommes plutôt enthousiastes face à l’Europe et à l’Asie-Pacifique », a-t-elle indiqué, citant les stimulus fiscaux et les perspectives économiques prometteuses dans ces régions. Ce tournant géographique offre aux investisseurs une occasion de diversification pour capter un alpha souvent plus difficile à trouver dans les marchés américains plus saturés et pleinement valorisés.

Rick Rieder de chez BlackRock a fait écho aux propos de sa collègue en décrivant un marché chaotique dominé par l’imprévisibilité. « Je n’ai jamais vu un environnement aussi imprévisible en 40 ans de carrière. Les marchés réagissent désormais à des tweets plus qu’à la macroéconomie, l’analyse fondamentale ou aux flux de trésorerie », a-t-il admis, faisant référence à l’utilisation des réseaux sociaux par le président américain, mais aussi par l’homme le plus riche de la planète, Elon Musk, propriétaire de la plateforme X.

Le marché offre néanmoins selon lui des occasions pour des stratégies de « reversal » (parier contre les mouvements extrêmes du marché du jour précédent). « L’instabilité à court terme a permis de générer un rendement supérieur. » Ironiquement, l’expert considère que c’est l’un des environnements d’investissement les plus excitants qu’il ait connus, malgré les risques de récession et l’absurdité de certaines dynamiques. « Les opportunités abondent pour ceux qui savent transiger la volatilité, car là où il y a de la dispersion il y a des occasions. » Il recommande notamment l’utilisation tactique des options pour gérer les risques et profiter des retournements rapides.

Interrogés sur le risque de récession, les deux invités se sont avancés prudemment. L’expert de chez BlackRock continue de croire à un scénario de récession courte et peu profonde, appuyée par la solidité du marché de l’emploi et une économie encore soutenue par la consommation. « Il faut regarder les tendances sur plusieurs mois plutôt que les chiffres mensuels qui peuvent être trompeurs », conseille-t-il. Les indicateurs montrent (ADP Report) selon lui un ralentissement progressif du marché du travail, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation. « Mais globalement pas une contraction suffisamment sévère pour justifier un recul rapide des taux d’intérêt. »

La patience devient ainsi la vertu cardinale pour les investisseurs, a indiqué pour sa part Robyn Grew, d’autant plus que les banques centrales, la Réserve fédérale américaine au premier chef, adoptent une posture attentiste face à la complexité des signaux économiques. Cette prudence se justifie notamment par la persistance d’une inflation élevée et des données souvent contradictoires.

Un autre phénomène souligné par le panel est l’émergence d’un certain patriotisme boursier autour des « 7 magnifiques », ces grandes entreprises technologiques qui captent la majorité des flux monétaires. Ce comportement d’investissement est teinté d’émotions, comme l’illustre Robyn Grew, mi-amusée mi-inquiète. « J’ai entendu une dermatologue (donc une non-professionnelle du secteur de la finance) dire qu’elle investissait exclusivement dans ces titres, comme un acte de foi ». Cette forme d’engagement, presque identitaire, dépasse selon elle la simple logique financière. « Il y a là quelque chose de plus, une forte poussée du côté des investisseurs de détail pour que ça fonctionne. » Ce mélange d’espoir et d’attentes élevées rend les marchés plus imprévisibles et amplifie la volatilité selon elle. « C’est très inhabituel, je n’ai jamais observé une dynamique (Momentum) aussi forte sur les marchés » a renchéri Rick Rieder.

Un marché dopé par l’abondance de liquidités

L’invité de chez BlackRock a souligné d’autre part un phénomène inédit : l’immense quantité de liquidités en attente d’être investies. « Il y a aujourd’hui entre 16 et 17 billions de dollars dans les fonds du marché monétaire. » Un montant qu’il qualifie d’exceptionnel dans l’histoire des marchés. « Dans un contexte où les entreprises rachètent massivement leurs propres actions et où le marché primaire (les IPO : introduction en Bourse) est presque à l’arrêt, l’offre d’actions disponibles se contracte. » Cette rareté conjuguée à la surabondance de liquidités alimenterait selon lui une dynamique haussière persistante. « Il n’y a tout simplement pas assez d’actifs financiers pour absorber toute cette richesse. » Même avec des valorisations élevées, les indices boursiers sont tirés vers le haut par une forme de gravité inversée.

La valorisation élevée du marché des actions en général (lequel se négocie à environ 24 fois les bénéfices) continue par ailleurs de faire débat. « Oui, je crois que les valorisations sont élevées », suggère Rick Rieder. Les experts invités ont souligné que si des observateurs considéraient la hausse injustifiée, d’autres estimaient que les innovations technologiques en cours (intelligence artificielle, robotique, véhicules autonomes) vont continuer de transformer profondément les économies. « Le rythme du changement est spectaculaire : l’IA, les robots, les voitures autonomes, la robotique en santé, la collecte massive de données, tout cela transforme déjà notre quotidien », ajoute Robyn Grew.

Le panel a entre autres insisté sur la nécessité de repenser la diversification. L’ère des portefeuilles rigides et surchargés en actifs non liquides semble révolue. « La diversité des sources de revenus dans un portefeuille est essentielle », affirme, Robyn Grew. La liquidité est selon elle un avantage compétitif majeur, permettant aux investisseurs d’ajuster rapidement leurs positions et de saisir des occasions dans des segments variés. Malgré tout, comme l’explique Rick Rieder, les actions restent attrayantes dans un portefeuille à long terme, avec un rendement des capitaux propres moyen (ROE : Return on Equity) de 18 %. « Comment ignorer cette classe d’actifs, surtout face à des obligations à long terme qui rapportent moins, une fois l’inflation déduite ? »

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