soundbites – Finance et Investissement https://www.finance-investissement.com Source de nouvelles du Canada pour les professionnels financiers Fri, 29 Aug 2025 15:47:28 +0000 fr-CA hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://www.finance-investissement.com/wp-content/uploads/sites/2/2018/02/cropped-fav-icon-fi-1-32x32.png soundbites – Finance et Investissement https://www.finance-investissement.com 32 32 Les subtilités des FCP non résidents https://www.finance-investissement.com/nouvelles/produits-et-assurance/les-subtilites-des-fcp-non-residents/ Wed, 03 Sep 2025 10:46:28 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=109270 On peut investir dans un fonds offshore tout en honorant ses obligations fiscales.

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L’article 94.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) prévoit comment sera traité le revenu reçu par un contribuable canadien sur ce qu’on appelle des biens de fonds de placement non résidents ou, plus communément dans le jargon financier, des fonds outre-mer ou offshore. Pour le grand public ainsi que les professionnels non initiés, on associe souvent la notion de fonds offshore à de l’évasion fiscale, ainsi qu’aux grands scandales qui en ont découlé au fil des décennies.

Cela dit, les épargnants canadiens peuvent faire le choix d’investir dans des fonds gérés et administrés par des entités étrangères et en retirer divers bénéfices financiers ou fiscaux, sans avoir le moins du monde l’intention de se soustraire à leurs obligations fiscales canadiennes.

Cette structure est très répandue dans le secteur des fonds de couverture (hedge funds) depuis longtemps. La logique qui sous-tend l’utilisation de tels fonds est que des gestionnaires d’actifs desservant des investisseurs provenant de partout dans le monde peuvent faciliter les déclarations fiscales de leurs clients en gérant les placements dans un fonds d’investissement domicilié dans un pays n’ayant pas d’impôt sur le revenu. Ainsi, les investisseurs paient uniquement de l’impôt dans leur pays de résidence fiscale, sans devoir se soucier d’enjeux de fiscalité extraterritoriale entre le pays de domicile du fonds et le leur.

Pour les investisseurs canadiens, la structure est généralement la suivante :

  • L’investisseur achète un fonds commun de placement canadien, structuré en fiducie, en société par actions ou en société en commandite (SEC) ;
  • le fonds canadien investit dans un fonds nourricier (feeder fund), normalement une corporation dans une juridiction telle que les îles Caïmans;
  • ce fonds investit à son tour dans un fonds maître (master fund), normalement une SEC ou une société par actions domiciliée dans une juridiction exempte d’impôt qui gère un portefeuille de placements.

Pour consulter cette structure en grand format, cliquez ici.

Les règles fiscales relatives aux biens de fonds de placement non résident ont été instaurées par le gouvernement canadien en 1984. Elles constituent une disposition anti-évitement, qui exige que les contribuables incluent les revenus de placement de fonds extraterritoriaux dans leur déclaration canadienne. L’objectif de ces règles est de protéger l’assiette fiscale canadienne en décourageant l’exode de capitaux vers des paradis fiscaux.

C’est la décision Gerbro Holdings Co c. Couronne de la Cour canadienne de l’impôt qui a jeté les bases de la jurisprudence en matière de fiscalité des fonds outre-mer.

Il existe deux critères établis par la Cour afin de déterminer si un fonds sera assujetti aux règles d’imposition spécifiques aux biens de fonds de placement non résident :

  1. Détenir une participation dans une entité non résidente dont au moins 50 % de la valeur est directement ou indirectement constituée de placements.

Une entité non résidente peut être soit :

    • une société;
    • une société de personnes;
    • une fiducie étrangère.
  1. On peut raisonnablement conclure que l’une des principales raisons de l’acquisition ou de la détention d’une telle participation dans l’entité non résidente était que les impôts seraient considérablement inférieurs à si le contribuable avait détenu directement les placements sous-jacents.

Lorsque les critères sont remplis, le contribuable canadien est assujetti à l’impôt sur le revenu pour investissement passif non résident effectué par l’intermédiaire d’entités étrangères non contrôlées. Le revenu est calculé en fonction du coût désigné à la fin du mois d’une année donnée, multiplié par le taux d’intérêt prescrit majoré de 2 points de pourcentage, moins tout revenu déjà inclus dans la déclaration du contribuable.

Cela dit, le revenu en question est le revenu net de dépenses — les frais de gestion, de performance ou d’administration sont déduits du taux prescrit + 2 points de pourcentage.

La portion imposable au titre de revenu peut ainsi être limitée. Dans certains cas, les fonds maîtres sont en mesure de distribuer des revenus fiscalement moins avantageux à des investisseurs autres que canadiens et/ou indifférents au type de revenu généré. Ils peuvent aussi reporter les gains en capital dans le futur, créant une plus-value reportée des parts du fonds, plutôt que de distribuer des gains sur une base régulière.

Plusieurs fonds offerts par notice d’offre aux investisseurs canadiens utilisent présentement cette structure. Ils peuvent ainsi permettre un report d’impôt sur le rendement par rapport à un fonds équivalent domicilié au Canada.

Cela dit, il faut être prudent et comprendre une chose : la conformité fiscale de ce type de fonds revient entièrement aux manufacturiers et à leurs vérificateurs. L’investisseur déclare ses revenus selon les feuillets émis par le fonds qu’il reçoit. Est-ce qu’il existe un risque qu’un tel fonds soit vérifié et que le fisc conteste, en tout ou en partie, la répartition fiscale des revenus attribués aux investisseurs ? C’est possible. Ultimement, cela pourrait-il se traduire par des feuillets révisés, le besoin d’amender des déclarations d’impôt et faire l’objet de nouvelles cotisations ? On ne peut l’exclure. Sans présumer que ce risque est élevé, il existe, ce qui est moins préoccupant que pour un fonds avec une structure plus simple, entièrement domiciliée au Canada.

Vincent Grenier Cliche est gestionnaire de portefeuille.

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Ma première récession : Francis Sabourin et la récession de 1995 https://www.finance-investissement.com/fi-releve/carriere/ma-premiere-recession-francis-sabourin-et-la-recession-de-1995/ Wed, 27 Aug 2025 11:12:42 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=109023 Une récession sur fond de souveraineté et d’incertitude.

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En 1992, Francis Sabourin, a fait son entrée dans l’industrie comme conseiller financier indépendant. Quelques années plus tard, le Québec traverse une période de ralentissement économique, alimentée par les débats sur la souveraineté et la tenue d’un référendum.

« En 1994-1995, c’était ma première vraie récession. J’avais 27 ans. J’ai vraiment vécu de l’incertitude. Je me demandais même si j’allais encore avoir un travail après le référendum. Si le Québec se sépare, est-ce que ce sera l’anarchie ? On n’en avait aucune idée », se remémore celui qui est aujourd’hui gestionnaire de portefeuille principal et conseiller en placement principal chez Patrimoine Richardson.

Si les médias sociaux n’existent pas encore et que les chaînes d’information continue sont alors à peine naissantes au Québec[1], tout le battage médiatique et publicitaire autour de la question de la souveraineté et de la campagne référendaire plombe l’économie de Montréal et de la province.

À l’époque, le développement des affaires est au point mort pour le jeune conseiller.

« Les taux d’intérêt avaient monté jusqu’à 10 %. Sur le marché obligataire, la Bourse avait crashé. Les clients qui avaient déjà investi n’étaient pas contents et ceux qui avaient des liquidités se retenaient parce qu’on ne savait pas ce qui allait se passer. »

Rétrospectivement, il considère avoir sous-estimé l’impact économique du référendum de 1995 au Québec.

« Bâtir une business dans ce genre d’économie-là, c’est difficile. Des gens perdaient leur emploi. Des entreprises fermaient ou transféraient leur siège social ailleurs. »

Néanmoins, il entame des démarches pour l’acquisition d’une maison à l’été 1995, accompagné de celle qui deviendra plus tard son épouse, convaincu que les choses vont s’améliorer.

Une reprise rapide

De fait, la situation se redresse rapidement après le référendum du 30 octobre 1995, qui n’a pas passé.

« Les taux d’intérêt se sont mis à baisser, les obligations ont pris de la valeur, les Bourses se sont mises à remonter du côté canadien. Les entreprises étaient plus à l’aise d’investir et d’engager du personnel. Il y a eu une reprise de l’économie dans son ensemble. »

Sur le plan professionnel, les années suivantes ont été particulièrement fructueuses pour le conseiller.

Les clients existants qui avaient investi, en 1995 ou avant, dans des obligations à long terme à un taux de 10 % sur 30 ans par exemple, ont obtenu des rendements élevés.

« Cela a instauré un climat de confiance, et le reste a suivi naturellement », souligne-t-il.

Sur le plan personnel, c’est aussi après le référendum que Francis Sabourin et sa femme ont finalement acquis leur résidence, « dans le creux du marché immobilier québécois », par pure coïncidence, explique-t-il, « parce qu’on voulait s’acheter une maison et parce que rester en appartement, ce n’était pas notre futur ».

En rétrospective, il admet que c’était une période creuse et stressante, mais qu’elle ne l’a pas poussé à quitter le métier. « Au pire, je me disais qu’il fallait simplement faire preuve de patience », confie-t-il.

« Mais bon, concède-t-il, quand tu es jeune, tu vois moins le risque. Si ça arrivait aujourd’hui, je n’aurais peut-être pas la même réaction. Financièrement, ce n’est pas pareil, je suis plus établi. »

Des leçons, de l’optimisme et de l’expérience

De cette période difficile de sa carrière, il retient plusieurs leçons. « Il faut être audacieux. Il faut persister. À un moment donné, il y a toujours une solution qui finit par apparaître. »

D’après lui, son tempérament optimiste a aussi joué en sa faveur.

« Quand on est un investisseur dans le marché boursier, on a tendance à être toujours plus positif que la moyenne. Quand on est un investisseur dans le marché obligataire, on a tendance à être plus négatif. Moi, j’étais plus un gars de croissance, d’action. Alors, j’ai un tempérament plus positif que la moyenne ou que le marché en général. »

Aujourd’hui, il partage sa vision des marchés avec sa fille Mélissa, 22 ans, qui rejoindra officiellement le cabinet en septembre prochain.

« Je lui ai dit : tu vas apprendre que les années se suivent, mais ne se ressemblent pas. En moyenne, la tendance est qu’une année sur cinq, ça ne va pas bien, et que quatre années sur cinq, ça va bien. Nous, on a un historique de rendement depuis 17 ans, et on a seulement eu trois années négatives dans nos portefeuilles modèles. »

En terminant, Francis Sabourin estime qu’il est préférable de vivre une récession en début plutôt qu’en fin de carrière, parce que cela forge le caractère et affine aussi la vigilance.

« L’expérience, ça ne s’apprend pas dans les livres, à l’école. […] Les choses vont tellement vite. On le voit bien en 2025, avec les événements et les impondérables qu’on vit tous les jours. Cela dit, une chose demeure : l’économie mondiale grossit année après année. Mais tout fonctionne par cycles. Il faut juste savoir se propulser sans pour autant prendre des risques démesurés. »

[1] Par exemple, la chaîne RDI est entrée en ondes le 1er janvier 1995. La chaîne LCN sera lancée deux ans plus tard.

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iA prend la tête au Canada des gestionnaires de patrimoines indépendants https://www.finance-investissement.com/nouvelles/developpement-des-affaires/ia-prend-la-tete-au-canada-des-gestionnaires-de-patrimoines-independants/ Wed, 13 Aug 2025 10:16:59 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=109004 Grâce à une acquisition de près de 600 M$.

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En investissant 597 millions de dollars (M$) dans l’acquisition de RF Capital Group, qui détient la bannière pancanadienne Patrimoine Richardson (PR), iA Société financière (iA) se propulse au premier rang des gestionnaires de patrimoine qui opèrent hors du réseau des grandes banques.

« Au Canada, 90 % de la gestion de patrimoine se retrouve dans les banques, constate Stéphan Bourbonnais, vice-président exécutif, gestion de patrimoine, chez iA. Passer à 175 milliards de dollars (G$) en actifs sous gestion va faire d’iA le principal joueur dans le secteur non bancaire au Canada. C’est la plus grosse transaction qu’iA ait faite en gestion de patrimoine. Je prends une certaine satisfaction personnelle d’avoir aidé à constituer un tel fleuron québécois. »

Peu de conseillers, beaucoup d’actifs acquis

Avant cette acquisition, avec un actif sous gestion (ASG) de 135 G$, iA occupait déjà le deuxième rang au pays des gestionnaires de patrimoine derrière Aviso Wealth (ASG de 146 G$). Grâce aux 40 G$ d’ASG de PR, elle prend désormais la tête du secteur.

Par ailleurs, l’intégration de 189 conseillers spécialisés dans la gestion des avoirs de clients fortunés, répartis sur 143 équipes et 23 bureaux, porte à 2 750 le nombre total de conseillers d’iA à travers le Canada. (Tous les chiffres sont tirés d’un document interne d’iA.)

Au Québec, PR dispose de deux bureaux, à Montréal et à Pointe-Claire. L’ajout de ses 28 conseillers porte à 900 le nombre de professionnels d’iA dans la province, tout en contribuant à hauteur de 4,0 G$ en ASG.

Comme on peut s’y attendre, c’est en Ontario que l’apport est le plus significatif, avec l’ajout de

71 conseillers. Cette expansion fait grimper le nombre total de professionnels à 1 000 et permet de gonfler l’ASG de 16 G$ pour le faire passer à 71 G$. L’ASG moyen par équipe s’élève à 270 M$.

Indépendance et distinction

Autant iA que RF Capital Group soulignent que PR conservera son indépendance. « Nous prévoyons que la transaction permette aux conseillers de maintenir la culture et l’indépendance propres à Patrimoine Richardson, tout en bénéficiant d’une plateforme améliorée et de nouvelles opportunités de croissance », précise Dave Kelly, président et chef de la direction de RF Capital Group, via un échange de courriels avec Finance et Investissement.

Cette indépendance prend la forme d’une architecture de produits ouverte, permettant aux conseillers d’accéder à une gamme complète de solutions pour répondre aux besoins de leurs clients. Elle se traduit aussi par une totale liberté dans les choix de planification stratégique et le développement des pratiques des conseillers. Le seul changement, insiste Dave Kelly, « est une affaire d’échelle : meilleurs prix, distribution accrue, infrastructure technologique plus robuste pour appuyer un conseil indépendant ».

Un troisième modèle d’affaires pour iA

En réalité, PR « nous apporte un modèle d’affaires qui nous manquait », affirme Stéphan Bourbonnais. Jusqu’ici, iA faisait affaires sous deux modèles distincts :

  • d’un côté, iA Investia, une plateforme dédiée aux fonds communs de placement et aux fonds négociés en Bourse ;
  • de l’autre, iA Gestion privée de patrimoine, une plateforme de courtage de plein exercice.

Avec Richardson, iA intègre une image de marque forte, spécialisée dans la gestion de fortune, et une gamme de services allant de la planification financière à la planification successorale.

iA juge que ces trois modèles d’affaires complémentaires renforceront son attrait auprès de recrues potentielles et accélérera la croissance de son réseau de conseillers. Elle compte aussi sur des gains de synergie « entre trois plateformes à architecture ouverte, tant en gestion de patrimoine qu’en marchés des capitaux, assurance et services conseil », souligne Stéphan Bourbonnais.

Un nom préservé pour 30 mois

Un détail intrigue : iA pourra conserver le nom de Patrimoine Richardson pour une période de 30 mois seulement, alors qu’iA aurait voulu le conserver « pour sa valeur et sa reconnaissance », confie Stéphan Bourbonnais. Faut-il anticiper que Patrimoine Richardson est appelé à être éventuellement absorbé, par exemple, dans iA Gestion privée de patrimoine. Stéphan Bourbonnais s’en défend bien : « On veut garder la distinction [de ce réseau]. Donc, un nouveau nom est appelé à émerger. » Ce nom sera déterminé avec l’aide des employés même de Richardson.

Outre l’avantage opérationnel que la taille d’iA offre à PR, l’acquisition s’accompagne d’une foule d’apports, notamment en expertise économique, en conformité, et surtout en technologie. « La technologie est un défi pour tout le monde dans l’industrie, reconnaît Stéphan Bourbonnais. Il y a des systèmes qu’on a développés pour une de nos lignes d’affaires et dont Richardson voulait disposer. Nous leur offrons ainsi la possibilité d’accélérer leur développement. » Ainsi, pour trois projets que PR envisage, il pourrait utiliser des environnements de travail déjà développés par iA. « Et la beauté de l’affaire, c’est qu’aucune conversion de données n’est nécessaire, lance Stéphan Bourbonnais. On garde les informations telles quelles avec les systèmes actuels. »

Selon Dave Kelly, la réaction de la part de tous les joueurs du côté de RF Capital Group et de PR est « démesurément positive ». On peut croire que cette perception se poursuivra si on en juge par la feuille de route d’iA dans son acquisition de Valeur mobilières Banque Laurentienne en août 2024. « Un franc succès ! » lance Stéphan Bourbonnais, avec une rétention de 100 % des conseillers, répartis dans une vingtaine d’équipes, qui ont été absorbés dans le modèle d’iA Gestion privée de patrimoine. Ils sont excessivement satisfaits du support et des technologies. »

À présent, l’achat de PR ne constitue pas une « acquisition », soutient Stéphane Bourbonnais, mais une « élévation ».

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L’IA propulse les leaders de l’assurance https://www.finance-investissement.com/nouvelles/economie-et-recherche/lia-propulse-les-leaders-de-lassurance/ Wed, 30 Jul 2025 11:24:37 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=108773 Mais attention aux risques.

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Certaines époques voient émerger une innovation technologique susceptible de changer le monde, forçant les entreprises à s’ajuster ou à disparaître dans l’oubli, juge une étude de McKinsey. Nous sommes dans une telle époque. Après les ères de la révolution industrielle et de l’avènement de l’Internet, voici celle de l’intelligence artificielle (IA).

« Il y a environ deux décennies, écrit McKinsey, alors que le commerce électronique devenait omniprésent et plus sophistiqué, les consommateurs se sont habitués à des commandes fluides et à des livraisons rapides, et en sont venus à attendre ces capacités de la part de tous les commerçants. De la même manière, l’IA a modifié les attentes des consommateurs au point qu’ils exigent désormais une plus grande précision et fiabilité tout au long de leur parcours d’achat, des conversations quasi humaines avec des robots IA (qu’elles soient textuelles ou vocales), des offres et des communications hyper-personnalisées, ainsi que des produits et des interactions à la demande adaptés à leurs besoins. »

Résultats impressionnants

C’est ce qui sera de plus en plus demandé de la part des assureurs. Déjà, quelques firmes ont embrassé la transformation pour en tirer des résultats tangibles. McKinsey constate qu’au cours des cinq dernières années, les leaders en IA chez les assureurs ont produit un rendement total pour les actionnaires (TSR ou Total Shareholder Return) 6,1 fois supérieur à celui des retardataires. Dans d’autres secteurs, cette avance n’est que deux ou trois fois.

Par exemple, l’assureur britannique Aviva a conçu plus de 80 modèles d’IA pour améliorer la performance des réclamations, réduisant le temps d’évaluation dans les cas complexes de 23 jours et abaissant de 65 % le nombre de plaintes des clients. Un autre assureur, dont le nom demeure confidentiel, a recouru à l’IA pour la proposition de devis et la vente de polices d’assurance. Résultat : 80 % des transactions sont passées en ligne, et les scores de satisfaction client, en particulier l’indicateur mesurant la probabilité qu’un client recommande un assureur à une connaissance, ont augmenté de 36 points de pourcentage. Un troisième, anonyme lui aussi, a haussé de 11 % ses ventes hors des heures de bureau en implantant un robot conversationnel (chatbot) qui opère 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

Les outils IA

McKinsey dénombre trois grandes disciplines de l’IA susceptibles de trouver une application dans l’industrie de l’assurance.

  • L’IA analytique traditionnelle comprend les modèles dans les données ;
  • L’IA générative améliore ces capacités grâce à une meilleure compréhension des formes de données non structurées et permet d’ajouter une hyperpersonnalisation et de l’empathie dans les réponses ;
  • L’« agentique » dans ses plus récents perfectionnements ajoute des niveaux d’automatisation sans précédent aux flux de travail complexes, permettant aux assureurs d’en maximiser les avantages.

Armés de cette polyvalence, les assureurs utilisent l’IA dans tous les domaines clés, notamment la productivité des ventes et l’hyperpersonnalisation ; l’automatisation et l’amélioration de la précision de la souscription, la gestion améliorée des sinistres ; les opérations de service à la clientèle avec des agents vocaux ; la transformation des fonctions administratives telles que les finances ; l’actuariat et l’informatique.

L’étude de McKinsey s’attarde surtout sur la façon de procéder à une transformation IA, affirmant que pour créer de la valeur commerciale durable, il ne suffit certainement pas de « bizouner » à la marge. Il faut « définir une vision audacieuse et globale du potentiel de l’IA, affirme l’étude, et repenser en profondeur et de manière fondamentale le fonctionnement de divers domaines d’activité (souscription, sinistres, distribution, service client, etc.), en intégrant la technologie dans chaque partie de l’organisation. »

Un avantage majeur de l’IA qui peut en faciliter et en accélérer l’implantation tient à sa « modularité » réutilisable. Sous des applications concrètes très diverses, le même engin IA sous-jacent peut être mis à contribution. Par exemple, une capacité d’IA générative peut être appliquée autant dans le support des services informatiques, dans la création de contenu marketing ou dans la rédaction de documents légaux.

Défis et risques de l’IA

Une implantation IA à l’échelle de l’entreprise présente des défis et des risques considérables :

  • Risques de sécurité ;
  • coûts élevés ;
  • le risque d’être emprisonné dans l’étau de fournisseurs clés, le manque de recrues qualifiées ;
  • la résistance culturelle, des manques dans la gouvernance et le frein imposé par des systèmes informatiques hérités

Susciter une vigoureuse culture de changement est un atout capital. De plus, à la base, il faut accroître considérablement les données au fondement de l’IA et leur traitement.

McKinsey propose quelques approches prudentes pour aborder le dossier IA : commencer une implantation dans deux ou trois secteurs d’activité seulement, qu’il s’agisse des ventes, de la tarification ou des réclamations. Et le choix de ces secteurs doit offrir un maximum d’impacts mesurables.

Attention aux risques. L’étude de McKinsey ne s’y attarde pas, mais ils peuvent être névralgiques, avertit une étude de Morningstar DBRS. « En fin de compte, les entreprises n’ont pas le choix d’investir en IA pour demeurer concurrentielles », reconnaît Nadja Dreff, vice-présidente senior et responsable du secteur Global Insurance & Pension Ratings chez Morningstar DBR. « Toutefois, elles ne doivent pas perdre de vue l’importance de disposer de cadres de gestion des risques adaptés. Du point de vue de la notation de crédit, l’IA peut à la fois renforcer et nuire à la solidité d’une franchise en affectant l’expérience client. Et, bien qu’elle puisse améliorer la rentabilité grâce à des gains d’efficacité, elle contribue généralement aussi à augmenter les risques opérationnels, notamment les risques juridiques et de conformité. »

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Portabilité des données : les défis invisibles de la Loi 25 https://www.finance-investissement.com/nouvelles/actualites/portabilite-des-donnees-les-defis-invisibles-de-la-loi-25/ Wed, 16 Jul 2025 10:14:50 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=108278 Standardisation, outils technologiques et méconnaissance des clients freinent son application.

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Depuis l’entrée en vigueur de la dernière phase de la Loi 25, en septembre 2024, les clients peuvent demander à recevoir ou transférer leurs renseignements personnels détenus par une entreprise. Dans le secteur du courtage, ces demandes se font rares. Des balises floues et des zones d’ombres persistent.

Dans le cadre du Pointage des régulateurs 2025, nous avons posé la question suivante aux responsables de la conformité des organisations de l’industrie financière : « Est-ce que votre entreprise est pleinement en mesure de se conformer aux nouvelles obligations de la loi 25 sur la portabilité des données des clients? » Résultat : la majorité (78 %) des répondants ont répondu que leur entreprise était pleinement en mesure de se conformer. Certains appréhendent toutefois des défis.

Un répondant d’un important assureur au Québec indique que les grandes organisations possèdent des ressources, des lignes directrices et des budgets pour y parvenir. « Il s’agira probablement d’un défi plus important pour les petits courtiers, qui sont également ceux que nous trouvons les moins respectueux de la réglementation en la matière », dit-il.

Les commentaires des sondés sur le sujet varient en fonction de l’expérience des firmes. Un représentant signale que l’application de la loi nécessite beaucoup d’effort des équipes, tandis qu’un autre mentionne que les demandes de clients en lien avec le droit à la portabilité sont plutôt rares. Quoi qu’il en soit, la nécessité de s’adapter aux demandes représente une source de préoccupation pour plusieurs répondants. « Si les demandes sont sporadiques, c’est faisable. Sinon, ce sera complexe », mentionne un responsable de la conformité.

Bien que la portabilité des données soit officiellement en vigueur, plusieurs organisations n’ont encore jamais traité une telle demande. Chez Cloutier Groupe financier, par exemple, aucun cas concret n’a été recensé à ce jour. « On est capable de répondre, mais on n’a eu aucune demande », confirme François Bruneau, vice-président administration. Même constat chez MICA Cabinets de services financiers : le processus est prêt, mais n’a jamais été mis à l’épreuve, indique Francis Ménard, vice-président transformation numérique.

Chez Mérici Services financiers, la mise à jour des systèmes a été relativement fluide, grâce à des fournisseurs de logiciels qui ont intégré les exigences de la Loi 25 sans imposer de frais supplémentaires, rapporte le président et chef de la conformité, Maxime Gauthier. Mais même là, l’exploitation concrète des données transférées reste incertaine. Le défi demeure pour l’instant théorique.

L’éléphant dans la pièce : l’absence de standardisation
Derrière l’apparente simplicité du droit à la portabilité se cache un défi technique de taille : le manque de standardisation des formats de données. Même si l’information est fournie dans un format structuré, chaque organisation classe et encode les informations différemment, ce qui exige un effort d’adaptation de la part de celui qui la reçoit.

« Il y aura un effort du côté du destinataire, car les données ne seront pas organisées selon ses propres structures », explique Francis Ménard. « Un client peut vouloir recevoir ses informations dans un format exploitable pour lui, mais cela ne signifie pas que nos systèmes peuvent les lui fournir de cette manière », signale Maxime Gauthier.

L’absence de standardisation complique l’intégration des renseignements personnels par les destinataires. Même dans un scénario où un client obtiendrait ses données, leur réutilisation par une firme concurrente demeure peu probable, du moins à l’heure actuelle, ajoute François Bruneau.

Par exemple, un client qui transfère un compte d’investissement vers une autre institution pourrait souhaiter importer son historique de transactions. Cependant, cette opération est délicate tant sur le plan technique que réglementaire : « Il n’y a aucune façon que je vais rentrer ça dans mon système. On ne veut pas contaminer notre environnement avec des données externes qu’on ne peut pas valider », dit François Bruneau. Résultat : le client se retrouve avec un fichier dont l’utilité reste limitée, sauf à des fins personnelles.

Le fait que les données sont souvent réparties entre plusieurs systèmes : épargne collective, assurance collective, assurance individuelle, représente un défi supplémentaire. Les différentes plateformes n’étant pas interconnectées, récupérer des informations pour un client actif dans plusieurs unités d’affaires peut donc devenir complexe et chronophage. « Il faut aller chercher les données dans chacun des systèmes, ce qui rallonge les délais. »

Pour l’instant, la grande majorité des démarches nécessite un traitement manuel. « Il n’y a pas de bouton magique pour extraire les données. Chaque demande requiert une intervention humaine », indique François Bruneau. Il craint un engorgement si le volume de requêtes devait augmenter soudainement. Dans ce cas, la gestion du volume deviendrait plus problématique que la capacité à livrer les renseignements.

Sur le plan juridique, la Loi 25 établit un droit à la portabilité, mais sans indiquer comment l’exercer concrètement, soulève Yvan Morin, chef de la protection des renseignements personnels chez MICA : « Il faut traiter les demandes dans un délai raisonnable et s’assurer que la transmission se fait de façon sécuritaire, mais on n’a pas de directives détaillées. »

La nécessité d’utiliser un mode de transmission sécuritaire pour protéger les renseignements personnels complexifie les choses, alors qu’aucune méthode spécifique n’a été déterminée pour l’instant par le législateur. Selon Yvan Morin, l’adoption de normes communes et d’outils technologiques standardisés réduirait l’effort requis des firmes pour se conformer aux exigences de la Loi 25.

La méconnaissance du public fait en sorte que la portabilité des données reste peu demandée. « Malheureusement, la majorité des gens ignorent ce que la Loi 25 leur permet. Ce n’est pas une priorité pour eux », constate Maxime Gauthier, ajoutant que la loi résulte plus d’une volonté gouvernementale que d’une pression des usagers.

François Bruneau entrevoit un potentiel d’innovation prometteur dans cette disposition. Une application FinTech pourrait, à terme, automatiser les demandes de portabilité, agréger les données de diverses institutions et les rendre exploitables pour les clients, à condition que les infrastructures technologiques suivent, illustre-t-il.

L’essor de l’intelligence artificielle (IA) soulève également des questions sur la sécurité des données personnelles. Maxime Gauthier rappelle que, selon la Loi 25, aucune donnée ne doit être utilisée par un outil d’IA sans le consentement éclairé du client. Il n’exclut pas certains dérapages. « Ce n’est pas censé arriver, mais si une IA est mal utilisée ou mal encadrée, le risque de fuite est bien réel. »

Réforme nécessaire à long terme

Des discussions sont en cours pour déterminer comment des données sensibles, telles que la tolérance au risque, pourraient être transférées entre firmes. Cela suppose un travail de coordination technique, car les méthodes de collecte et de conservation des données diffèrent souvent d’une institution à l’autre. « Il faudra s’entendre sur des protocoles communs. Ce sera long et exigeant », affirme Maxime Gauthier.

Ces efforts s’inscrivent dans un contexte plus vaste de transformation numérique, à l’image du transfert de comptes entre représentants (TCR), qui mobilise déjà les ressources informatiques des firmes.

Pour Kateri-Anne Grenier, associée et cocheffe, protection des renseignements confidentiels, vie privée et cybersécurité, et avocate en litige commercial chez Fasken, la portabilité des données est une avancée importante, mais encore largement théorique.

« Il faut des audits réguliers pour vérifier si les processus sont en place, s’ils fonctionnent, s’ils peuvent être améliorés, et s’ils respectent la loi », expliquait-elle dans un précédent article dans Finance et Investissement. Elle met notamment en garde contre la tentation de stocker indéfiniment des données inutiles, au risque d’être pris de court en cas d’incident de confidentialité.

Si l’outil est en place et les règles établies, un écart demeure donc entre l’intention du législateur et les usages réels sur le terrain.

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La dette durable comme classe d’actifs stratégique https://www.finance-investissement.com/nouvelles/actualites/la-dette-durable-comme-classe-dactifs-strategique/ Wed, 25 Jun 2025 10:30:00 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=108159 Une avenue souvent rentable pour financer des projets poursuivant des objectifs ESG.

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Le marché des titres de créance durable évolue et les stratégies d’investissement le concernant se sont beaucoup diversifiées au fil du temps. Le concept initial composé principalement d’obligations vertes émises par les gouvernements ou les agences multinationales se traduit aujourd’hui par des occasions diversifiées pour les investisseurs, par exemple des obligations à impact social et d’autres formes d’instruments liés à la biodiversité.

« Cette catégorie fonctionne bien pour les émetteurs gouvernementaux et les entreprises ayant des projets verts qui satisfont les critères des obligations vertes et peuvent être vérifiés par des fournisseurs d’opinion indépendants. Les titres de créance liés à la durabilité constituent l’un des meilleurs moyens de s’assurer que les entreprises atteignent leurs objectifs ESG (environnement, social et gouvernance) ainsi que leurs objectifs de durabilité », expliquent Jon Ennis et Erica Roa, respectivement analyste principale en investissement et vice-présidente, Recherche sur les investissements, à Placements Mackenzie, dans un article publié par l’Association pour l’investissement responsable (AIR).

« La dette durable est une classe d’actifs qu’on apprécie utiliser parce qu’elle a évolué et qu’elle est capable de soutenir un impact vraiment ciblé », affirme Hadiza Djataou, vice-présidente, gestionnaire de portefeuille, Équipe des placements à revenu fixe, Placements Mackenzie, lors d’un entretien avec Finance et Investissement en marge du Sommet de la finance durable tenu en mai, à Montréal, à l’initiative de Finance Montréal.

« Quand j’investis dans la dette durable, ce que je veux, c’est avoir accès à un éventail d’impacts le plus large possible. Financer la transition énergétique, c’est une très bonne chose, mais si en plus je peux financer la construction de bâtiments sociaux construits au Québec avec de nouvelles normes, ou des initiatives de conservation du rhinocéros noir en Afrique du Sud comme nous l’avons fait en 2022. Pour moi, c’est un éventail d’options qui me permet d’avoir un impact dans différents segments des besoins qui existent en matière de durabilité », illustre Hadiza Djataou.

L’objectif est de concilier rendement financier et impact mesurable, sans compromettre la performance, ajoute-t-elle.

L’investissement réalisé pour la conservation du rhinocéros noir illustre bien la stratégie mondiale d’obligations durables de Placements Mackenzie, estime Hadiza Djataou. « On essaie de faire du bien tout en étant financièrement responsable et crédible dans notre possibilité de générer de la performance. »

L’obligation en question offrait un coupon de base auquel s’ajoutait un bonus variable lié à la croissance de la population de rhinocéros. Le rendement croissait ainsi à mesure que la population de rhinocéros augmentait. Avec une croissance « surprenante » de 7% la première année, plutôt que les 4% requis pour atteindre le seuil de rentabilité, l’investissement s’est révélé très profitable. « Ce type de structures, typiquement, comporte un potentiel de hausse sans gros risque de baisse parce que l’impact, c’est un coupon additionnel. »

Ces structures sont généralement notées AAA — qui est la notation la plus élevée dans le domaine du crédit — parce qu’elles sont assorties d’une garantie qui provient la plupart du temps de la Banque mondiale. Dans le cas des rhinocéros noirs, « la Banque mondiale s’est portée garante pour le capital alloué, ce qui enlevait tout risque sur le capital et sur les coupons qui sont payés », souligne Hadiza Djataou.

Un processus de sélection rigoureux

Placements Mackenzie investit dans la dette durable 6,9% de ses 55 milliards de dollars d’actifs investis en revenu fixe, évalueHadiza Djataou. En 2020, ce ratio était de 1,7%.

« Nous avons augmenté significativement notre exposition à la dette durable, tant en volume qu’en diversité, notamment en passant par des mécanismes de type “debt-for-nature swap” ». Ce type d’accord permet à un pays endetté de rééchelonner ou d’annuler une partie de sa dette extérieure en échange d’un engagement à financer des projets de protection de l’environnement sur son territoire. Un projet lié à la conservation aux îles Galápagos est cité à titre d’exemple d’investissement effectué par Placements Mackenzie.

La croissance de ce segment n’a pas changé la philosophie de gestion, mais celle-ci a dû s’adapter aux conditions du marché, notamment l’inflation élevée qui a marqué l’année 2022 et la remontée rapide des taux. Dans ce contexte, une gestion tactique a été adoptée, par exemple en intégrant dans le portefeuille des obligations indexées à l’inflation. Ce qui a permis de tirer profit directement de la hausse des prix. Des investissements ont aussi été faits dans des instruments à faible durée en guise de protection contre la volatilité.

Dans le même temps, une surveillance active des émetteurs à forte intensité carbone est menée chaque trimestre. Si une entreprise ne démontre aucun effort concret pour réduire ses émissions, sa dette est liquidée. Cette double approche — tactique sur le plan financier et dynamique sur le plan ESG — est au cœur de la stratégie, dit-elle.

Présentement, la stratégie globale durable comprend approximativement 75% de dettes labellisées durables, et 20% de dettes provenant d’émetteurs jugés exemplaires sur le plan de la durabilité. « Ce choix de travailler avec ces émetteurs leaders dans la durabilité permet de diversifier les risques et d’exercer une influence proactive sur les émetteurs », estime Hadiza Djataou.

Compte tenu des nombreux types de dettes durables maintenant accessibles sur le marché, le processus visant à choisir celles qui seront intégrées au portefeuille doit être d’autant plus rigoureux, signale l’experte.

« Si on constate par exemple une qualité de reporting médiocre ou inexistante sur des obligations vertes, ou que les objectifs ne sont pas atteints en matière d’utilisation des fonds, on vend typiquement ces obligations pour en acheter d’autres que l’on considère plus vertes, illustre-t-elle. On ne reste pas marié à ces positions ».

Hadiza Djataou précise que la stratégie de gestion durable de Placements Mackenzie est pleinement alignée avec celle des fonds non durables. « Les convictions d’investissement priment, affirme-t-elle. Si par exemple, j’ai une vue positive sur les taux en Nouvelle-Zélande et que je veux avoir des obligations de Nouvelle-Zélande dans mon portefeuille parce que je crois que la tendance est à des taux baissiers, la même idée sera exprimée dans les fonds durables. La différence réside dans l’instrument utilisé pour refléter ces convictions: une obligation verte plutôt qu’un titre conventionnel. »

Un autre trait distinctif de la stratégie est son caractère véritablement mondial, selon elle. Contrairement à certains fonds dits « globaux » qui investissent surtout aux États-Unis, celui de Placements Mackenzie est activement exposé à l’Europe, aux marchés émergents, aux États-Unis et au Canada.

Les risques du mouvement anti-ESG

Les stratégies de financement de projets verts ou durables ne sont toutefois pas à l’abri de tout risque, et la structure du projet n’est pas toujours en cause. Le mouvement anti-ESG observé ces dernières années, notamment aux États-Unis, constitue l’un de ces risques. « Ça a nécessairement un impact », mais davantage sur les marchés boursiers que sur les marchés obligataires, estime la spécialiste du domaine de la gestion de portefeuille à revenu fixe. « Ça impacte les actions par rapport au potentiel dans les secteurs concernés, un effet déjà visible dans les valorisations. »

Sur la partie dette, « le risque tient au fait que la majorité des structures sont assorties d’une garantie de la Banque mondiale, et qu’elle reçoit à peu près 60% de son capital des États-Unis. On a vu déjà la nouvelle administration américaine se retirer de ses engagements dans un certain nombre de cas. Elle ne l’a pas encore fait vis-à-vis de la Banque mondiale, mais c’est un risque », mentionne-t-elle.

Hadiza Djataou est confiante qu’advenant un tel scénario, « les autres pays viendraient à la rescousse pour pourvoir le capital requis. »

Elle ajoute que la Banque mondiale se finance surtout par l’émission de dette sur les marchés et non par la voie du capital fourni par les États. Cela signifie que le risque que cela engendre par rapport au capital consiste en une baisse éventuelle de la note de crédit de la Banque mondiale. « Elle passerait peut-être de triple A à double A, ce qui resterait suffisant pour conserver l’attractivité de ses titres de créance afin de lui permettre de continuer à emprunter sur les marchés. »

Hadiza Djataou ne croit pas que ces tensions géopolitiques remettent en cause le financement de telles structures et a confiance que les obligations durables émises par la Banque mondiale et d’autres institutions resteront attrayantes. « On n’a pas observé une réduction du nombre d’émissions durables depuis ces changements et il n’y a pas cette impression que ces structures ne seront plus émises à cause de ça. Plusieurs nouveaux projets sont en cours, dont un en Côte d’Ivoire, et le pipeline d’initiatives reste dynamique dans le domaine obligataire », affirme-t-elle.

Perspectives pour la créance durable

La dette durable est appelée à croître non seulement en taille, mais aussi en complexité, affirme Hadiza Djataou. « Lorsque l’on regarde les besoins massifs liés à la transition énergétique, le marché des actions n’est pas suffisant et n’est pas assez rentable, d’une certaine manière, pour que les entreprises utilisent seulement des actions pour financer cette transition. Le financement devra donc passer de plus en plus par les marchés obligataires. »

Dans ce contexte, elle anticipe l’émergence de nouveaux thèmes dans l’investissement durable, par exemple la réconciliation avec les peuples autochtones. « Peu d’obligations ont été émises dans ce domaine jusqu’à présent, mais des discussions sont en cours pour établir des cadres d’émission appropriés. On sait que les institutions sont très intéressées et c’est quelque chose que j’aimerais vraiment faire progresser », mentionne-t-elle.

Hadiza Djataou observe aussi que de nombreuses institutions financières ont déjà verdi leurs portefeuilles d’actions, mais pas encore leur volet obligataire. Elle juge important d’un point de vue stratégique d’aligner cette partie également afin de maximiser l’impact global sur la transition climatique et constate la tenue de nombreuses conversations en ce sens.

Finalement, l’experte prédit « un renforcement de l’impact des risques ESG en tant que risque fiduciaire à part entière, au même titre que les risques de crédit ou de liquidité », sous l’impulsion de la réglementation.

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Incertitude, volatilité et occasions https://www.finance-investissement.com/nouvelles/actualites/incertitude-volatilite-et-occasions/ Wed, 11 Jun 2025 10:11:00 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=107983 Des thèmes dominants lors de la soirée des prévisions de CFA Montréal.

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Alors que la volatilité sévit sur les marchés en proie aux incertitudes économiques générées par la guerre commerciale menée tambour battant par l’administration Trump, la Soirée annuelle des prévisions de CFA Montréal réunissait le 5 juin dernier deux figures influentes de la finance mondiale pour clore sa saison. Robyn Grew, présidente et chef de la direction de Man Group, et Rick Rieder, directeur général principal chez BlackRock, ont croisé leurs perspectives sur les tendances de fond qui influencent et façonnent les marchés financiers et l’économie mondiale.

La présidente de Man Group a souligné d’emblée que l’imprévisibilité était aujourd’hui la norme. « On a un peu abandonné l’idée de tout modéliser, le monde a changé et ça risque d’être ainsi pour un bout », a-t-elle expliqué, soulignant que la volatilité et les événements inattendus ne sont plus des exceptions, mais des réalités permanentes. « Pour au moins 3 ans et demi ? », a demandé à la blague Kristina Partsinevelos, journaliste à CNBC, faisant référence à la fin du deuxième et dernier mandat du 47e président des États-Unis. « Qui sait? », a répondu Robyn Grew, laissant entendre que dans ce nouvel environnement, tenter de prévoir avec précision chaque mouvement de marché est voué à l’échec. « Mais tout ce qui est différent n’est pas mauvais en soi. » Selon elle, la priorité pour les investisseurs est désormais de construire des portefeuilles robustes, capables de résister aux fluctuations, notamment en misant sur une bonne diversification et la recherche d’actifs non corrélés. « L’argent a maintenant un coût », rappelle-t-elle, faisant référence à la fin de la période des politiques monétaires accommodantes qui ont longtemps soutenu la valorisation de nombreux actifs.

Fin de l’ «exceptionnalisme américain » ?

La réalité actuelle impose selon Robyn Grew un changement dans la façon d’aborder l’investissement. La période où le marché américain apparaissait comme l’unique destination d’investissement s’estompe. « En janvier, on ne parlait que des États-Unis comme unique option, aujourd’hui, seulement quelques mois plus tard, nous sommes plutôt enthousiastes face à l’Europe et à l’Asie-Pacifique », a-t-elle indiqué, citant les stimulus fiscaux et les perspectives économiques prometteuses dans ces régions. Ce tournant géographique offre aux investisseurs une occasion de diversification pour capter un alpha souvent plus difficile à trouver dans les marchés américains plus saturés et pleinement valorisés.

Rick Rieder de chez BlackRock a fait écho aux propos de sa collègue en décrivant un marché chaotique dominé par l’imprévisibilité. « Je n’ai jamais vu un environnement aussi imprévisible en 40 ans de carrière. Les marchés réagissent désormais à des tweets plus qu’à la macroéconomie, l’analyse fondamentale ou aux flux de trésorerie », a-t-il admis, faisant référence à l’utilisation des réseaux sociaux par le président américain, mais aussi par l’homme le plus riche de la planète, Elon Musk, propriétaire de la plateforme X.

Le marché offre néanmoins selon lui des occasions pour des stratégies de « reversal » (parier contre les mouvements extrêmes du marché du jour précédent). « L’instabilité à court terme a permis de générer un rendement supérieur. » Ironiquement, l’expert considère que c’est l’un des environnements d’investissement les plus excitants qu’il ait connus, malgré les risques de récession et l’absurdité de certaines dynamiques. « Les opportunités abondent pour ceux qui savent transiger la volatilité, car là où il y a de la dispersion il y a des occasions. » Il recommande notamment l’utilisation tactique des options pour gérer les risques et profiter des retournements rapides.

Interrogés sur le risque de récession, les deux invités se sont avancés prudemment. L’expert de chez BlackRock continue de croire à un scénario de récession courte et peu profonde, appuyée par la solidité du marché de l’emploi et une économie encore soutenue par la consommation. « Il faut regarder les tendances sur plusieurs mois plutôt que les chiffres mensuels qui peuvent être trompeurs », conseille-t-il. Les indicateurs montrent (ADP Report) selon lui un ralentissement progressif du marché du travail, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation. « Mais globalement pas une contraction suffisamment sévère pour justifier un recul rapide des taux d’intérêt. »

La patience devient ainsi la vertu cardinale pour les investisseurs, a indiqué pour sa part Robyn Grew, d’autant plus que les banques centrales, la Réserve fédérale américaine au premier chef, adoptent une posture attentiste face à la complexité des signaux économiques. Cette prudence se justifie notamment par la persistance d’une inflation élevée et des données souvent contradictoires.

Un autre phénomène souligné par le panel est l’émergence d’un certain patriotisme boursier autour des « 7 magnifiques », ces grandes entreprises technologiques qui captent la majorité des flux monétaires. Ce comportement d’investissement est teinté d’émotions, comme l’illustre Robyn Grew, mi-amusée mi-inquiète. « J’ai entendu une dermatologue (donc une non-professionnelle du secteur de la finance) dire qu’elle investissait exclusivement dans ces titres, comme un acte de foi ». Cette forme d’engagement, presque identitaire, dépasse selon elle la simple logique financière. « Il y a là quelque chose de plus, une forte poussée du côté des investisseurs de détail pour que ça fonctionne. » Ce mélange d’espoir et d’attentes élevées rend les marchés plus imprévisibles et amplifie la volatilité selon elle. « C’est très inhabituel, je n’ai jamais observé une dynamique (Momentum) aussi forte sur les marchés » a renchéri Rick Rieder.

Un marché dopé par l’abondance de liquidités

L’invité de chez BlackRock a souligné d’autre part un phénomène inédit : l’immense quantité de liquidités en attente d’être investies. « Il y a aujourd’hui entre 16 et 17 billions de dollars dans les fonds du marché monétaire. » Un montant qu’il qualifie d’exceptionnel dans l’histoire des marchés. « Dans un contexte où les entreprises rachètent massivement leurs propres actions et où le marché primaire (les IPO : introduction en Bourse) est presque à l’arrêt, l’offre d’actions disponibles se contracte. » Cette rareté conjuguée à la surabondance de liquidités alimenterait selon lui une dynamique haussière persistante. « Il n’y a tout simplement pas assez d’actifs financiers pour absorber toute cette richesse. » Même avec des valorisations élevées, les indices boursiers sont tirés vers le haut par une forme de gravité inversée.

La valorisation élevée du marché des actions en général (lequel se négocie à environ 24 fois les bénéfices) continue par ailleurs de faire débat. « Oui, je crois que les valorisations sont élevées », suggère Rick Rieder. Les experts invités ont souligné que si des observateurs considéraient la hausse injustifiée, d’autres estimaient que les innovations technologiques en cours (intelligence artificielle, robotique, véhicules autonomes) vont continuer de transformer profondément les économies. « Le rythme du changement est spectaculaire : l’IA, les robots, les voitures autonomes, la robotique en santé, la collecte massive de données, tout cela transforme déjà notre quotidien », ajoute Robyn Grew.

Le panel a entre autres insisté sur la nécessité de repenser la diversification. L’ère des portefeuilles rigides et surchargés en actifs non liquides semble révolue. « La diversité des sources de revenus dans un portefeuille est essentielle », affirme, Robyn Grew. La liquidité est selon elle un avantage compétitif majeur, permettant aux investisseurs d’ajuster rapidement leurs positions et de saisir des occasions dans des segments variés. Malgré tout, comme l’explique Rick Rieder, les actions restent attrayantes dans un portefeuille à long terme, avec un rendement des capitaux propres moyen (ROE : Return on Equity) de 18 %. « Comment ignorer cette classe d’actifs, surtout face à des obligations à long terme qui rapportent moins, une fois l’inflation déduite ? »

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Les options d’investissement halal se multiplient pour les clients musulmans https://www.finance-investissement.com/nouvelles/actualites/les-options-dinvestissement-halal-se-multiplient-pour-les-clients-musulmans/ Wed, 09 Apr 2025 10:13:17 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=106128 La demande d’offres de patrimoine conformes aux principes de l’islam est en plein essor.

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En 2012, Danish Baig a décroché son premier emploi à la sortie de l’université et a commencé à épargner suffisamment d’argent pour investir. Mais il s’est vite rendu compte que la plupart des options d’investissement conventionnelles, y compris le régime d’épargne retraite collectif de son entreprise, ne correspondaient pas à ses valeurs religieuses.

Danish Baig, Canadien de confession musulmane, n’a pas pu trouver d’investissements « halal », c’est-à-dire conformes aux principes de l’islam.

« Il n’y avait rien sur le marché qui soit vraiment adapté et accessible, explique Danish en entrevue. Pendant les deux premières années, j’ai principalement investi dans l’or physique. Cela semblait être un moyen de protéger les actifs. »

Aujourd’hui, il se réjouit de voir davantage de produits et de services d’investissement halal au Canada, qui offrent plus de possibilités de création de richesse et de croissance. Il investit dans des actions et des FNB conformes à la charia, la loi religieuse de l’islam, qui découle du Coran.

Pourtant, Danish Baig et les experts en finance islamique du pays affirment qu’il reste beaucoup à faire pour répondre à la demande croissante de produits et de services d’investissement halal au Canada, où quelque 1,8 million de musulmans représentent des milliards de dollars d’investissement inexploités.

« Il y a une demande et un besoin en la matière », affirme Hash Assad, un consultant financier exécutif basé à Calgary et travaillant pour Assad Wealth Management, qui opère sous la bannière d’IG Gestion de patrimoine.

Qu’est-ce qu’un investissement halal?

Pour qu’un investissement soit considéré comme halal, il doit passer par quelques niveaux de conformité identifiés par les érudits islamiques et des organismes tels que Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions (AAOIFI).

Hash Assad décrit le premier niveau comme un processus qui filtre les investissements dans des choses « haram » ou interdites par la loi islamique. Il s’agit de l’alcool, du tabac, des armes, du porc, des jeux d’argent et de la pornographie.

Le deuxième niveau consiste à « examiner les entrailles » des entreprises. Selon les lignes directrices de l’AAOIFI, les entreprises sont disqualifiées si leur niveau d’endettement dépasse 33 % de leur valeur marchande ou si plus de 5 % de leurs revenus proviennent d’activités haram.

« L’une de mes actions préférées de tous les temps est Costco, mais je ne peux pas l’acheter », souligne Hash Assad, notant que les ventes d’alcool du détaillant représentent plus de 5 % de son chiffre d’affaires. Il existe également un ratio de purification des dividendes qui détermine le pourcentage des revenus de dividendes d’un investisseur générés par des sources haram qui doivent être purifiés (donnés à des œuvres de charité) pour se conformer aux principes islamiques.

En outre, l’investissement halal exclut les produits dérivés, les options et les opérations à terme, et interdit de percevoir ou de payer des intérêts, de sorte que les obligations et les instruments de dette conventionnels sont exclus.

Les sukuks, ou obligations islamiques, sont une alternative conforme à la charia aux obligations conventionnelles. Il s’agit essentiellement d’instruments hybrides qui combinent des actions (parts de propriété d’un actif ou d’un projet sous-jacent) et des caractéristiques de la dette (paiements périodiques fixes et paiements de coupons).

L’investissement halal est similaire à l’investissement responsable en ce sens qu’ils alignent tous deux les choix d’investissement sur des principes moraux, souligne Sameer Azam, gestionnaire de portefeuille et conseiller en gestion de patrimoine chez RBC Dominion Securities à Mississauga, en Ontario.

Sameer Azam souligne également que l’investissement responsable n’est pas réservé aux investisseurs musulmans. « Tout le monde peut en bénéficier, car les principes sont très universels. »

Demande de produits et de services conformes à la charia

Selon les données de Morningstar, les actifs mondiaux conformes à la charia ont doublé, passant de 30,3 milliards de dollars (G$) en février 2013 à 60,4 G$ en février 2023. Cependant, le cabinet d’études a précisé que ces chiffres sont probablement sous-estimés, certains véhicules d’investissement n’ayant pas déclaré leurs actifs sous gestion. Par ailleurs, le nombre de fonds communs de placement et de fonds négociés en Bourse (FNB) conformes a également plus que doublé au cours de cette période, passant de 327 à 669.

De nombreux progrès ont été réalisés au cours des deux dernières décennies pour sensibiliser les investisseurs et leur permettre d’accéder aux produits et services d’investissement halal au Canada. Le pays a accueilli des fonds d’investissement conformes à la charia de sociétés telles que Wealthsimple et Placements Mackenzie, des portefeuilles halal de sociétés telles que Manzil et ShariaPortfolio Canada et des services de planification financière halal de grandes banques et de sociétés de gestion de patrimoine telles que Canadian Islamic Wealth et IG Gestion de patrimoine. En outre, le budget fédéral de 2024 prévoit d’élargir l’accès aux prêts hypothécaires halal.

La demande pour ces produits et services était « correcte au début, mais elle est aujourd’hui en pleine expansion », car de plus en plus de musulmans pratiquants prennent conscience des possibilités qui s’offrent à eux, explique Hash Assad, qui a été pendant 20 ans l’une des forces motrices de la finance islamique au Canada. C’est pourquoi il souhaite mettre sur le marché davantage de produits d’investissement halal et élargir son équipe de gestion de patrimoine pour servir davantage de clients musulmans.

Cette demande croissante a été alimentée par l’augmentation de la population musulmane au Canada, analyse Mohamad Sawwaf, fondateur et PDG du fournisseur de services financiers halal et fintech Manzil, basé à Toronto et lancé en 2020. En 2001, 2 % de la population canadienne (soit 580 000 personnes) s’identifiait comme musulmane. Ce pourcentage a augmenté pour atteindre 4,9 % en 2021, ce qui correspond à environ 1,8 million de personnes, selon les données de Statistique Canada.

Selon Mohamad Sawwaf, le marché est si vaste qu’il n’est pas possible pour une seule entreprise comme Manzil de le desservir.

« Il y a plusieurs institutions qui peuvent créer des produits pour servir cette clientèle et, bien sûr, cela crée de la concurrence, ce qui conduit à plus d’innovation, et c’est bon pour le consommateur, n’est-ce pas ? »

Manzil, qui propose des prêts hypothécaires conformes à la charia, a une liste d’attente pour plus de 10 milliards de dollars de prêts hypothécaires, mais Mohamad Sawwaf estime que la demande potentielle pour ce produit de prêt alternatif est probablement beaucoup plus élevée.

Sa société s’est développée au fil des ans, en acquérant Canadian Islamic Wealth, une société de gestion de patrimoine spécialisée dans l’investissement halal, et Muslim Will, une plateforme de testaments numériques halal. Elle entrera bientôt sur le marché américain, avec l’acquisition récente d’Aghaz Investments, un conseiller en investissement enregistré auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis.

L’entreprise envisage également de se lancer dans les produits bancaires de base, tels que les comptes chèques et les comptes d’épargne, parmi d’autres plans d’expansion, rapporte Mohamad Sawwaf.

« Le secteur de la finance islamique est tellement naissant que tout est encore possible », précise-t-il.

Sameer Azam abonde dans le même sens, affirmant que la finance islamique au Canada est encore « en cours de construction ».

Les options de revenus fixes conformes à la charia font particulièrement défaut, soutient-il, notant qu’il n’y a pas d’options de sukuk dans le pays.

« C’est là que se situe la lacune », martèle Sameer Azam. Étant donné que le marché obligataire conventionnel n’est pas une option, les investisseurs musulmans doivent se tourner vers les bourses, les sociétés de courtage et les plateformes d’investissement en ligne en Europe ou aux États-Unis pour accéder aux obligations sukuk. « C’est très difficile. Le problème de l’offre et de la demande de sukuks est très important. »

Sameer Azam laisse également entendre qu’il existe une « énorme demande » de services de gestion de patrimoine halal. Son équipe spécialisée à la RBC s’agrandit afin de recruter davantage de conseillers ayant cette expertise.

« J’ai commencé par moi-même. Aujourd’hui, nous sommes quatre, raconte-t-il. Nous avons l’impression de n’en être qu’au début, mais cela prend du temps. »

Une demande croissante

Les experts en finance islamique soulignent deux éléments nécessaires au développement de la finance islamique au Canada : plus d’éducation et plus de produits conformes à la charia.

Hash Assad organise chaque mois des webinaires éducatifs qui couvrent un large éventail de sujets, notamment la signification de l’investissement halal, la façon de rédiger un testament islamique et la manière d’acheter une maison dans le respect de la charia. Il souligne que cette formation est importante en raison de la responsabilité accrue qu’implique le fait de conseiller des clients musulmans.

« Si vous donnez le mauvais conseil, vous compromettez l’existence même de l’individu, prévient Hash Assad. C’est littéralement le paradis ou l’enfer. »

Le fait de disposer d’un plus grand nombre de produits financiers conformes à la charia aiderait également les conseillers à recommander des produits halal sans avoir à effectuer leur propre travail intensif de diligence raisonnable, souligne Hash Assad.

« Si je vois que ce produit existe, tout ce que j’ai à faire, c’est de le prendre. Il répond à leurs besoins, et c’est tout », déclare-t-il.

Tous les conseillers auraient intérêt à suivre une formation ou un programme d’éducation sur l’investissement halal afin de disposer des outils et de l’expérience nécessaires au cas où ils rencontreraient un client musulman, estime Mohamad Sawwaf.

« Les musulmans canadiens ont un bilan très, très solide. Ils ont un très fort pouvoir d’achat. Il est possible d’attirer des dizaines de milliards de dollars dans le secteur de l’investissement et des centaines de milliards de dollars dans le secteur des prêts hypothécaires si l’on dispose du bon produit et de la bonne formation pour pouvoir conseiller cette clientèle particulière. »

Sameer Azam estime qu’il est plus logique que ce soient des spécialistes plutôt que des généralistes qui se concentrent sur cet espace, mais il reconnaît qu’une meilleure formation serait utile.

Selon lui, une partie de cette formation pourrait consister à démystifier les investissements halal, notamment ceux qui suggèrent qu’ils présentent un risque élevé ou qu’ils ne sont pas performants.

Les données de S&P Global montrent que « sur le long terme, les indices islamiques ont tendance à afficher des performances similaires à celles des indices de référence conventionnels. Pour la période de 15 ans se terminant le 31 juillet 2019, le S&P 500 Shariah a affiché un rendement total annualisé de 10,2 %, tandis que le S&P 500 a gagné 9,1 %. »

« Je pense que c’est le secret le mieux gardé, car bien souvent les investisseurs pourraient dire : “Eh bien, vous filtrez toutes ces choses. Comment vais-je gagner de l’argent ? Ou comment va-t-elle se développer ? Comment vais-je pouvoir suivre l’inflation ?” Ou bien le mythe est : “Oh, c’est trop risqué” », rapporte Sameer Azam.

Danish Baig est d’accord.

« Si vous regardez les portefeuilles halal, les indices et les FNB conformes à la charia qui existent, vous verrez souvent qu’ils ont de meilleures performances que les véhicules traditionnels non conformes à la charia, assure-t-il. En investissant dans des produits halal, vous ne faites donc pas nécessairement de compromis. »

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Les angles morts des régimes d’indemnisation https://www.finance-investissement.com/nouvelles/economie-et-recherche/les-angles-morts-des-regimes-dindemnisation/ Wed, 26 Mar 2025 11:05:43 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=106314 On doit voir au-delà de la simple indemnisation monétaire, selon des auteurs.

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La disparité des régimes d’indemnisation auquel un client peut avoir droit lorsqu’il fait affaire avec un représentant du secteur des investissements pose des problèmes. Les décideurs devraient non seulement corriger la situation, mais également bonifier ces régimes afin qu’ils soutiennent mieux les clients contre les effets sur leur santé d’être victime d’une malversation.

Il s’agit de deux pistes d’amélioration du droit des services financiers et d’investissement proposées par Martin Côté, avocat, chargé de cours à l’Université Laval et membre régulier du Laboratoire en droit des services financiers (LABFI) de cette université et coauteur du livre Droit des services d’investissement Encadrement des intermédiaires financiers et protection des épargnants, le 13 mars dernier. Il les a exposés à l’occasion du lancement de ce livre.

Selon les auteurs, le cadre juridique du Québec pour contrôler les comportements et les compétences des différents acteurs du secteur varie alors qu’il y a une convergence des services offerts aux clients, souvent autour du conseil financier. Cette fragmentation de l’encadrement engendre des écarts dans la protection des épargnants, notamment sur le plan des mécanismes de règlement des différends et des régimes d’indemnisation.

Martin Côté a donné l’exemple de ces écarts en analysant le cas de l’achat d’une part de fonds d’investissement par un client. S’il passe par un conseiller en placement au Québec, il sera couvert par le Fonds canadien de protection des investisseurs (FCPI).

Si ce client passe par un représentant de courtier en épargne collective au Québec, il sera couvert par le Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF) et, dans de rares cas, par le FCPI si le courtier membre est également inscrit en tant que courtier en valeurs mobilières. Par contre, si le compte du client est un compte de courtier en épargne collective situé au Québec, il ne sera couvert que par le FISF.

Le FCPI vise à indemniser un client si un courtier membre de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRI) faisait faillite et ne pouvait restituer certains titres et biens perdus. Le FISF vise à indemniser un client en cas de fraude ou de manœuvre dolosive d’un représentant de courtier en épargne collective. Ce fonds couvre également les représentants en assurances de personnes et autres représentants sous la Loi sur la distribution de produits et services financiers, mais pas les conseillers en placements.

« Le FISF s’applique à tous les intermédiaires en assurance, mais qui couvre seulement certains intermédiaires en valeurs mobilières. Ça pose une question de la symétrie dans la protection », a dit Martin Côté, qui propose l’élargissement de la couverture du FISF aux représentants de courtiers en valeurs mobilières et aux gestionnaires de portefeuille.

Selon l’auteur, le FCPI existe depuis 50 ans, mais a seulement « couverts 21 faillites de courtiers en placement pour 38 millions de sommes qui ont été remises aux investisseurs sur une période de 56 années. C’est très très peu ».

Dans son livre, l’auteur ajoute que la notion de « bien perdu » offre certaines limites de protection pour les clients. D’abord, une valeur mobilière est généralement détenue par un dépositaire, si bien qu’elle peut être difficilement perdue en l’absence d’une fraude. Or, dans ce contexte, « les produits financiers offerts sont généralement fictifs et se pose donc la question de savoir s’il s’agit de “biens” au sens de la couverture du FCPI. En sommes, dans son application concrète, la protection offerte par le FCPI nous semble limitée », lit-on dans l’ouvrage coécrit par Cinthia Duclos et Raymonde Crête, toutes deux professeure, Faculté de droit, Université Laval, en collaboration avec Salomé Paradis.

Les autrices du livre jugent que la protection du FISF est supérieure à celle du FCPI « puisque l’insolvabilité (du courtier) n’a pas à être démontrée ».

Le FISF n’est pas parfait non plus. Sa protection offerte est limitée à 200 000 $ par réclamation, par rapport à la garantie de un million de dollars (M$) pour un particulier pour ses comptes généraux, plus 1 M$ pour ses comptes de retraites enregistrés, plus 1 M$ pour ses régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) pour le FCPI. Le FISF écarte également toute réclamation fondée uniquement sur la faute professionnelle du représentant, laquelle étant plutôt visée par la police d’assurance responsabilité des représentants.

Dans le livre, Martin Côté souligne que « dans certains cas, aucun mécanisme d’indemnisation ne protège le consommateur, notamment lorsque ce dernier fait affaire avec le représentant d’un gestionnaire de portefeuille qui ne détient que cette inscription ». Cette situation est problématique et « milite en faveur d’une réflexion qui permettrait à terme d’assurer l’égalité de traitement pour l’ensemble des consommateurs indépendamment des services financiers offerts ».

Et la santé psychologique des victimes ?

Les décideurs publics devraient également étendre les régimes d’indemnisation afin qu’ils couvrent les préjudices non pécuniaires, comme les troubles psychologiques pour les victimes de malversation, selon Martin Côté et les coautrices du livre. Ils pourraient prendre exemple sur les régimes de protections de la Société de l’assurance automobile du Québec ou de la CNESST, qui couvre non seulement la perte de revenu, mais également le soutien pour les troubles physiques et psychologiques.

Selon Martin Côté, les autorités de réglementation offrent certes des « mesures d’assistance indirecte », par l’intermédiaire de partenariats qui ont été initiés par les autorités de réglementation pour donner des services aux consommateurs.

Il cite en exemple le partenariat avec les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels et l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui existe depuis 2013. « Les intervenants des CAVAC sont formés pour offrir des services de première ligne d’intervention “psychosociojudiciaire” aux victimes de criminalité financière. Les services des CAVAC sont gratuits », lit-on sur le site de l’AMF.

« De quoi se rendons-nous compte lorsqu’on gratte un peu sur l’offre de services ? C’est qu’essentiellement, c’est un service de première ligne qui agit comme intermédiaire pour recommander ensuite le consommateur vers des professionnels. Donc, le consommateur se retrouve un peu au retour à la place de départ, si je peux dire », a noté Martin Côté.

En février 2025, l’AMF a également annoncé un partenariat avec la Clinique de cyber-criminologie de l’Université de Montréal. Grâce à ce partenariat, l’AMF ajoute à son éventail d’outils déjà offerts, une référence vers laquelle diriger les victimes de fraude financière.

Avec une équipe d’étudiants formés en criminologie et en intervention auprès des victimes, la Clinique vise à accompagner les victimes de fraude en ligne afin de comprendre la nature du crime, d’apprendre à s’en défendre, d’identifier les ressources pertinentes et de naviguer à travers les démarches administratives.

« Toutes ces initiatives sont tout à fait souhaitables, mais est-ce qu’il y aurait moyen d’aller plus loin ? » faisait mention Martin Côté.

Par ailleurs, l’équipe d’autrices propose de rendre exécutoires les décisions rendues par les mécanismes de règlement des différends, comme les services en ce sens offerts par l’AMF et l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OBSI). En effet, selon l’ouvrage, la plupart d’entre eux vise à offrir des services de médiation et de conciliation, par opposition à l’arbitrage. « Cela a pour conséquence de rendre pour ainsi dire inutile la démarche entreprise par le consommateur lorsque l’institution financière ou l’intermédiaire financier est de mauvaise foi et que ce dernier ne souhaite pas collaborer ».

« Qu’est-ce qui lui reste (au consommateur) ? C’est de s’adresser au traitement de droits communs avec tous les désavantages qu’on connaît : des délais qui sont extrêmement longs. Des coûts qui sont extrêmement élevés. C’est une problématique qui n’est pas nouvelle, qui est bien documentée dans la littérature » et dans une position des ACVM de 2023 en faveur de rendre exécutoires les décisions de l’OBSI, a-t-il souligné.

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Adaptez-vous aux clients qui décaissent https://www.finance-investissement.com/nouvelles/economie-et-recherche/adaptez-vous-aux-clients-qui-decaissent/ Wed, 19 Mar 2025 10:15:40 +0000 https://www.finance-investissement.com/?p=106222 Leur importance dans un book n’en détermine ni la croissance ni la valeur.

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Dans le bloc d’affaires d’un conseiller, avoir une part importante ou non de clients qui sont en phase de décaissement ne permet pas d’expliquer la taille du bloc d’affaires ni l’ampleur des revenus qu’il génère.

Malgré les risques d’attrition des actifs dans un bloc d’affaire ayant davantage de clients en phase de décaissement, on ne doit y pas associer un déclin inévitable de sa valeur ou de ses revenus générés, selon des observateurs.

Finance et Investissement a analysé la régression entre le pourcentage des clients d’un conseiller qui sont en phase de décaissement de leurs avoirs et l’actif géré par un conseiller ou encore ses revenus bruts, selon le Pointage des courtiers québécois 2024 et le Pointage des courtiers multidisciplinaires 2024. Malgré les écarts entre les profils de conseillers de chacun des sondages, le lien statistique entre ces données reste minime.

Ces deux sondages de 2024 portant sur les conseillers et leurs clientèles en décaissement s’inscrit tantôt en continuité avec les tendances observées les années précédentes et, d’autre part, rompt avec certaines.

D’abord, être conseiller signifie de devoir composer avec des clients en décaissement, car la quasi-totalité des répondants des deux sondages ont des clients dans cette phase. En médiane, cette proportion est de 20 % chez les conseillers liés à un courtier multidisciplinaire et 30 % chez les représentants de courtiers en placement, soit des proportions identiques à celle de 2023.

En 2024, la proportion de conseillers dont au moins 30 % de leurs clients sont dans une phase de décaissement reste semblable à 2023 : 30 % chez les conseillers du premier groupe et 61 % chez ceux du second groupe.

Les différences se dessinent du côté des conseillers liés à un courtier de plein exercice. En 2023, le sous-groupe de conseillers en placement qui avaient de 0 à 20 % de clients en décaissement étaient ceux qui géraient le moins d’actif (médiane de 143 M$) et le moins de ménages (médiane de 132) par rapport aux autres conseillers ayant davantage de clients en décaissement (médianes de 180 M$ et 150 ménages servis, respectivement).

En 2024, les écarts entre ce sous-groupe et ses pairs s’estompent. Il n’y a plus de différences notoires en médiane dans les blocs d’affaires des conseillers ayant davantage de clients retraités ou peu de clients retraités. Dans le sous-groupe de conseillers ayant 20 % ou moins de clients en décaissement, l’actif géré médian (152 M$) et le nombre médian de ménages servis par conseillers (130) est semblable à la médiane des autres conseillers (157 M$ et 150 ménages). On constate même que ceux qui ont moins de clients en décaissement génèrent plus de production brute (médiane de 1,5 à 2 M$ contre de 1 à 1,5 M$) et gagnent davantage de revenu personnel (500 000 $ à 750 000 $ contre 250 000 $ à 500 000 $), ce qui semble contredire la tendance de 2023.

À la lumière de ces chiffres, on constate que la part de clients en décaissement, qu’elle soit élevée ou faible, n’a pas un effet sur la probabilité de gérer un actif élevé. Ceci s’explique peut-être par le fait que les clients des conseillers de plein exercice sont généralement riches, soit un actif médian par ménage est de 1,1 M$. Pour eux, le décaissement n’exerce pas une attrition démesurée sur la progression de l’actif des conseillers.

La situation diffère pour les conseillers liés à des courtiers multidisciplinaires (en placement et en épargne collective). En, 2024, le sous-groupe des conseillers ayant le moins de clients en phase de décaissement (moins de 10 %) étaient, en médiane, plus jeunes, moins expérimentés, administraient un actif médian par ménage inférieur par rapport à leurs pairs. Ces tendances confirment celles observées en 2023.

Ainsi, les conseillers ayant le moins de clients qui décaissent administraient un actif médian de 18 M$ à la fin de 2023 (36 M$ pour les autres) pour un actif médian par ménage de 170 000 $ (300 000 $ pour leurs pairs). Sans surprise, leurs revenus de production brute médian étaient plus faibles, soit de 150 000 $ à 250 000 $ contre 250 000 $ à 500 000 $ pour les autres. Par contre, ils sont susceptibles de vendre davantage d’assurance de personnes.

Les conseillers liés à des courtiers multidisciplinaires accusent une différence notable comparés à leurs homologues de plein exercice : avoir peu de clients en phase de décaissement semble être un désavantage; ceux qui ont moins de clients qui décaissent ont aussi moins d’actifs à gérer, ce qui réduit leur potentiel de revenu de production à court terme.

Bénédiction ou malédiction ?

Une conclusion paradoxale semble se dégager : avoir un nombre élevé de clients en décaissement semble être un avantage. Surtout, avoir des clients fortunés semble réduire le risque d’attrition des actifs lié au décaissement.

C’est une impression fausse, juge Denis Gauthier, chef de la direction de Sofistic.ai et ancien dirigeant d’un courtier de plein exercice. « Je ne suis pas d’accord, objecte-t-il. Je comprends l’arithmétique : un client de 3 M$ va se rendre à zéro moins vite qu’un autre de 300 000 $. Mais il faut changer cette logique. Celui de 300 000 $ reste un bon client et il faut structurer les règles et la rémunération pour s’ajuster aux besoins de ce client. »

Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services conseils, constate que les conseillers font face à une réalité simple : « Il est certain que les décaissements de retraite d’un client qui dispose de 1,0 M$ vont avoir plus d’impact que pour un client qui dispose de 10 M$, dit-il. En général, les clients fortunés ne dépensent même pas l’intérêt de leurs placements. »

Disposer d’un nombre important de clients en décaissement semble à court terme une bénédiction, surtout s’ils sont plus fortunés, mais s’agit-il d’une malédiction à plus long terme ? Il n’y a ni bénédiction ni malédiction, selon Jacen Campbell, vice-président, investissement et retraite, chez Groupe Cloutier. « L’important est de bien construire un portefeuille, juge-t-il, de telle sorte qu’on ne subit pas nécessairement des pertes. La plupart des retraités détiennent leurs actifs dans des comptes équilibrés qui donnent un rendement entre 4,5 % et 7 % à long terme, ce qui correspond à leurs besoins de revenu. »

Ainsi, un client pourra avoir un rendement de 12-15 % dans de bonnes années dont il pourra réinvestir tout surplus dans un compte non enregistré. Du coup, la valeur totale du bloc d’affaires peut être maintenue la plupart du temps. « Un conseiller peut aussi utiliser une stratégie de cash wedge, ajoute-t-il, pour mitiger le risque de décroissance dans les années négatives. » Cette stratégie qui consiste à constituer une réserve de titres liquides afin de couvrir les dépenses courantes d’un client offre un coussin durant les périodes de volatilité des marchés.

S’ajuster au décaissement »

Par ailleurs, la logique d’un bloc d’affaires surchargé de clients en décaissement semble pointer vers la malédiction : avec le vieillissement et le décès des clients, la valeur du portefeuille est appelée inévitablement à décliner, surtout si les héritiers d’un client important quittent le conseiller.

Pas nécessairement, juge Gino-Sébastian Savard. La clé selon lui ne tient pas à un nombre élevé ou faible de clients en décaissement, elle tient plutôt à un âge moyen de clients assez bas, « idéalement autour de 50 ans, dit-il. C’est plutôt avec un âge moyen de clients en hausse que la valeur d’un book peut descendre. » Ainsi, il refuse de parler d’un pourcentage optimal de clients en décaissement. La question pour lui est impertinente.

Il en est de même pour Jacen Campbell. « Si vos clients sont plus âgés, ça peut être un indicateur de décroissance. La question tient à la pérennité de votre clientèle et si vous avez réussi à rejoindre la prochaine génération et les héritiers. Le surplace n’existe pas; on est soit en croissance ou en décroissance. »

Denis Gauthier insiste sur les nouvelles réalités du marché où les clients sont davantage axés sur le décaissement plutôt que sur l’accumulation. Selon lui, un conseiller peut considérablement accroître la valeur de son offre en répondant aux nombreux besoins qui émergent de cette réalité : gestion plus efficace du décaissement, fiscalité optimisée, attention à la fois à l’ensemble des actifs et à l’ensemble du passif. « D’autres éléments entrent maintenant en jeu dans la valeur d’un book, dit-il. C’est certain qu’au premier coup d’œil la valeur peut sembler en déclin, mais si le book est bien structuré et ne souffre pas d’attrition de clients, il peut valoir plus qu’un autre book qui est moins ‘décaissé’, mais qui est plus dispersé et moins bien ajusté aux nouvelles réalités du marché. »

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