Un homme d'affaire concentré derrière un bureau
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Mark Wisniewski, partenaire et gestionnaire de portefeuille senior chez Ninepoint Partners, à Toronto, décèle dans les FNB obligataires passifs un problème majeur concernant la valeur à maturité. « Les FNB obligataires à indice passif se débarrassent systématiquement des obligations dont l’échéance passe sous un an, que le titre ait perdu en valeur ou non », dit le gestionnaire.

Or, poursuit-il, il y a souvent beaucoup de valeur dans cette dernière année, même si elle est déjà très proche de la valeur à maturité. Surtout dans une période, comme récemment, où les taux d’intérêt augmentent, « nous voulons très spécifiquement des durées de moins d’un an dans nos portefeuilles. Dans la dernière année, par exemple, nous avons déplacé 20 % de notre fonds vers des durées de moins d’un an. »

Absence des titres à haut rendement

Une autre critique de Mark Wisniewski concerne l’absence des obligations à haut rendement dans les indices obligataires. Les indices sont tenus par la réglementation de se départir de tout titre obligataire d’entreprise dont la cote se fait rabaisser sous le niveau de qualité investissement (investment grade, -BBB). « Les indices cristallisent une perte, alors qu’un investisseur pourrait encore bénéficier d’une pleine valeur à maturité », affirme le gestionnaire.

Il donne l’exemple des obligations de Cominar, qui ont été ainsi déclassées il y a deux ans. « Le prix a chuté et nous en avons acheté au rabais après avoir fait nos enquêtes. Aujourd’hui, ces titres ont toutes les caractéristiques d’une cote de qualité investissement, même s’ils sont déclassés. Ayant acheté à faible prix, nous bénéficions d’un rendement accru et nous allons obtenir une pleine valeur à maturité. On prévoit réaliser un rendement entre 5 % et 10 % avec ces obligations. »

Les indices à la base des FNB présentent deux autres carences notables. En premier lieu, la duration moyenne des titres qu’ils contiennent est très longue, environ 7,5 années, « à un moment où on veut justement qu’elles soient le plus courtes possible, dit Mark Wisniewski. C’est parce que les indices sont pleins de titres de gouvernements qui ont profité des taux très bas pour refinancer leurs dettes à plus longue échéance de 10, 20 et 30 ans. »

D’autre part, les indices exposent les investisseurs aux plus gros emprunteurs, qui y occupent une place prépondérante, notamment les gouvernements. « L’investisseur se retrouve donc exposé aux plus gros emprunteurs, dit-il, qui se font financer au taux de rendement le plus bas. »

Mark Wisniewski n’en a pas contre les FNB à gestion active. Qu’il s’agisse de fonds communs ou de FNB à gestion active, un gestionnaire « contrôle toutes les variables, tout particulièrement en ce qui concerne la durée, ce qui constitue le risque par excellence d’un portefeuille obligataire ».

Une autre carence majeure des FNB obligataires à gestion passive tient à la très faible liquidité à laquelle ils peuvent être exposés en situation de marché en détresse, selon Richard Beaulieu, vice-président et économiste principal chez Addenda Capital, à Montréal. « En situation de marché normal, l’investisseur bénéficie d’une bonne liquidité. Par contre, il peut souffrir de prix désalignés entre la liquidité attendue du titre et la liquidité beaucoup plus restreinte des titres sous-jacents du FNB. »

Répliques d’un manufacturier de FNB

Nous avons soumis ces critiques à Alfred Lee, gestionnaire de portefeuille et stratège d’investissement chez BMO Gestion mondiale d’actifs (GMA), un des principaux manufacturiers de FNB au Canada. Il reconnaît que la plupart des indices se départent des titres dont l’échéance à maturité est inférieure à un an. Par contre, objecte-t-il, « à moins d’un an de l’échéance, la valeur est très près de ce qu’elle sera à l’échéance. Dans cet intervalle de temps, un gestionnaire n’a pas beaucoup de latitude d’arbitrage. »

Par ailleurs, note-t-il, pour l’investisseur qui veut un FNB portant sur des titres à échéance de moins d’un an, BMO GMA met à sa disposition un tel produit.

En ce qui concerne l’abandon par les indices des titres dont la valeur subit une décote sous -BBB, Alfred Lee fait remarquer qu’un FNB ne suit pas au « millimètre près » son indice de référence et effectue un filtrage d’optimisation qui le reproduit de 65 % à 90 %, même dans le cas d’une gestion passive. « Si le titre voit sa cote rabaissée, nous ne le vendrons pas nécessairement sur le coup. Nous allons lui donner le temps de se refaire un peu. »

De plus, dit le spécialiste, dans un FNB passif, n’importe quel titre occupe une place très étroite dans un portefeuille très diversifié. Une décote n’aura donc pas un impact significatif sur l’ensemble. « Un gestionnaire actif, par contre, pourrait avoir un portefeuille beaucoup plus concentré où un titre spécifique peut occuper une place plus importante. S’il veut s’en débarrasser, ce sera plus coûteux. »

Enfin, dans le cas de prix désalignés entre le titre en Bourse et les titres sous-jacents, surtout dans les titres à haut rendement, Alfred Lee dit que même si les transactions de titres sous-jacents sont interrompues à cause d’une situation de détresse du marché, les transactions peuvent souvent continuer en Bourse, parce que « les FNB servent d’outils de découverte de prix et les acteurs dans le marché peuvent s’entendre sur un prix même si les transactions sous-jacentes sont interrompues ».

Cependant, reconnaît-il, cela n’empêchera pas les investisseurs de souffrir de mouvements de prix très significatifs qui peuvent faire subir une perte de valeur importante à leur FNB, pertes auxquelles ils ne s’attendraient pas nécessairement de la part de titres obligataires.