
À l’instar des exportateurs canadiens qui se tournent vers des marchés autres que les États-Unis, notamment l’Europe, les investisseurs individuels dans les fonds négociés en Bourse (FNB) d’actions étrangères se tournent également vers ces marchés. Si les États-Unis restent de loin la principale source de diversification étrangère pour les investisseurs canadiens, les FNB d’actions européennes ont connu une forte progression.
Au cours des quatre premiers mois de l’année, 323 millions de dollars (M$) ont été investis dans des FNB européens cotés au Canada. Il s’agit d’une augmentation considérable par rapport aux 14 M$ investis dans ces fonds au cours de la même période de l’année précédente, soulève Ashish Dewan, stratège principal en matière d’investissement chez Placements Vanguard Canada.
Avec un produit intérieur brut (PIB) de 20 000 milliards de dollars (G$), selon le Fonds monétaire international, l’Union européenne se classe parmi les plus grands blocs commerciaux du monde. À cela s’ajoute le PIB du Royaume-Uni, qui s’élève à 3 800 G$. Bien qu’elle se classe derrière les États-Unis — dont le PIB atteint 30 500 G$, un record mondial — l’Europe demeure une puissance économique majeure sur la scène internationale.
Pourtant, jusqu’à récemment, les Canadiens n’ont guère manifesté d’enthousiasme pour les FNB spécifiques à l’Europe. À l’heure actuelle, il n’existe que neuf offres distinctes, sans compter les versions multiples de certains fonds. Leurs actifs combinés s’élèvent à environ 3 G$.
Plus de la moitié de cette somme est détenue par deux FNB BMO, dont le plus important est le FINB BMO MSCI Europe de haute qualité couvert en dollars canadiens, d’une valorisation de 975 M$.
Alors que les FNB européens proposés par des sociétés comme Global X, iShares et Vanguard ont atteint une masse critique, d’autres FNB européens peinent encore à attirer des actifs significatifs.
Mais la récente croissance des rendements a redonné vie aux FNB européens. « Les actions européennes, autrefois négligées à l’échelle mondiale, ont enregistré leur plus forte surperformance relative par rapport aux marchés américains depuis 25 ans », rapporte Maddy Griffith, stratège FNB chez Gestion mondiale d’actifs CI à Toronto.
« Pour les portefeuilles qui ont été fortement exposés aux États-Unis, c’est une excellente occasion de se rééquilibrer vers une région où les valorisations sont plus faibles et où les politiques sont crédibles », observe Maddy Griffith dans un récent rapport interne de Gestion mondiale d’actifs CI.
Comme cela a toujours été le cas, les actions européennes en tant que groupe sont moins chères que leurs homologues américaines en matière de ratios cours-bénéfice. Actuellement, la décote est de l’ordre de 30 à 35 %.
Cette importante décote s’explique par une croissance des bénéfices nettement plus soutenue aux États-Unis qu’en Europe. « Mais cela pourrait évoluer », estime Chris Cullen, premier vice-président et responsable des FNB chez Brompton Funds, une société torontoise. « Nous pourrions être à l’aube d’une période de transition. »
Parmi les tendances positives pour l’Europe, on peut citer le changement de politique monétaire en Allemagne, la plus grande économie d’Europe, qui a libéré des capitaux devant être consacrés à la défense, aux infrastructures et à l’énergie propre.
La perspective d’un accord de cessez-le-feu durable dans la guerre opposant la Russie à l’Ukraine, même s’il est loin d’être validé, donnerait également un coup de pouce à l’Europe. « Le marché européen a le sentiment que les sanctions finiront par être levées contre la Russie et que les choses recommenceront à aller et venir », commente Ahmed Farooq, premier vice-président et responsable de la distribution des FNB pour les particuliers chez Franklin Templeton Canada.
Et même si les menaces de droits de douane américains persistent, leur impact direct sur les bénéfices des entreprises européennes resterait limité, car bon nombre d’entre elles possèdent des installations de fabrication aux États-Unis, explique Maddy Griffith.
L’Union européenne cherche également à réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis en diversifiant ses relations commerciales, constate Ahmed Farooq. L’apparition de casquettes « Make Europe Great Again », un contrepoint au slogan « Make America Great Again » du président américain Donald Trump, est le symbole de ce sentiment.
Chez nous, les conseillers regardent de plus en plus à l’étranger, et les clients exigent qu’ils le fassent, témoigne Ahmed Farooq. « Il est difficile d’éliminer complètement l’exposition aux États-Unis, puisqu’ils représentent une part importante des marchés mondiaux. Cela dit, on peut commencer à explorer d’autres régions. L’Europe, en particulier, est un marché vers lequel plusieurs conseillers cherchent à rediriger une partie des capitaux. »
Ashish Dewan, de Vanguard, met en garde contre le fait que les valorisations relativement faibles ne justifient pas à elles seules l’investissement dans les actions européennes. Le contre-argument est que les actions européennes peuvent être moins chères que les actions américaines pour une raison précise, en partie à cause du conflit géopolitique avec la Russie et des questions tarifaires non résolues.
Toutefois, le modèle Vanguard Capital Markets préconise actuellement une légère surpondération de l’Europe sur un horizon de dix ans.
Ashish Dewan est favorable à une diversification étrangère de portée mondiale, et l’Europe en est un élément important. L’exposition à l’Europe au sein d’un portefeuille permet de réduire la volatilité, et « elle offre évidemment une combinaison différente de secteurs, d’entreprises et de devises ».
En Europe, les capitalisations boursières sont généralement plus petites qu’aux États-Unis, note Ashish Dewan. « Vous bénéficiez donc d’une diversification en matière de capitalisation boursière, et les actions européennes offrent également une autre forme de diversification : une plus grande pondération des titres axés sur la valeur. »
Les deux FNB d’actions européennes les plus larges sont le Vanguard FTSE Developed Europe All Cap Index ETF, ainsi que l’iShares MSCI Europe IMI Index ETF et sa version couverte contre le risque de change. Ces trois fonds sont des stratégies indicielles pondérées en fonction de la capitalisation boursière. Ils détiennent des actions de grande, moyenne et petite capitalisation, et comptent au moins 1 200 titres.
L’Invesco S&P Europe 350 Equal Weight Index ETF et le FNB Global X Indice Europe 50 catégorie de sociétés sont des variations sur le thème de l’indexation passive, le produit Global X ne détenant que des actions de grande capitalisation.
Le fonds BMO MSCI Europe de haute qualité, leader du marché, utilise des filtres quantitatifs. Il sélectionne des entreprises ayant un rendement élevé des capitaux propres, une croissance stable des bénéfices et un faible effet de levier financier.
Le FNB BMO vente d’options d’achat couvertes de dividendes élevés de sociétés européennes couvert en CAD, le FNB Indice d’actions européennes couvert CI et le FNB quantitatif leaders de dividendes européens RBC utilisent des méthodologies qui mettent l’accent sur le revenu de dividendes.
La seule stratégie entièrement gérée activement est celle du Brompton European Dividend Growth ETF, cogéré par Laura Lau, directrice des investissements de Brompton, et Michael Clare, gestionnaire de portefeuille principal.
Les gestionnaires détiennent un portefeuille concentré d’environ 30 actions de grandes capitalisations à dividendes qu’ils considèrent comme ayant un historique bien établi ou de fortes perspectives de croissance des dividendes à l’avenir.
Pour générer des revenus supplémentaires, ils vendent également des options d’achat couvertes sur certains de ces titres. Grâce à la vente sélective d’options, « il est possible de créer une valeur supplémentaire sur ces titres », explique Chris Cullen.
Les FNB exclusivement européens ne sont qu’un des moyens d’obtenir une exposition au continent et à sa population de plus de 500 millions d’habitants. En décembre 2022, Franklin Templeton a converti son FNB Europe en un fonds d’actions internationales plus largement diversifié, une catégorie beaucoup plus populaire.
Selon Ahmed Farooq, en plaçant leurs clients dans un tel fonds, les conseillers peuvent simplifier l’allocation d’actifs et ne pas craindre de manquer des occasions en Asie et en Australasie.