
Y a-t-il trop de fonds négociés en Bourse (FNB) au Canada ? demandent de récentes analyses de Valeurs mobilières TD (VMTD) et de Banque Nationale Marché financier (BNMF).
Certains signes dans le marché laissent croire que c’est le cas. « Depuis le début de l’année 2024, écrivait BNMF, en décembre 2024, le Canada a ajouté un nombre record de plus de 215 nouveaux FNB, mais seulement 23 % d’entre eux dépassent actuellement les 50 millions de dollars (M$) (seuil de rentabilité empirique). »
En novembre 2024, poursuit BNMF, le Canada recouvrait 1 482 fonds, lesquels cumulaient seulement 538 milliards de dollars (G$) en actifs, par rapport aux États-Unis où logent 3 734 fonds abritant 10200 G$ d’actifs. « Cela signifie qu’en dollars américains, les États-Unis avaient 26 fois plus d’actifs sous gestion que le Canada, mais seulement 2,5 fois plus de produits ! indiquait BNMF. Pour mettre cela en perspective, l’actif moyen sous gestion par FNB était de 2,7 G$US aux États-Unis, mais seulement de 260 M$US au Canada. »
Pourtant, relevait VMTD en août dernier, on compte en moyenne 1,4 nouveau FNB lancé chaque jour de négociation au Canada, aux États-Unis, 3,8 par jour de négociation ! « Autant les marchés canadien qu’américain de FNB sont en voie d’enregistrer le plus haut nombre de nouveaux produits cette année », constate VMTD.
Pendant que cet afflux se poursuit, les produits décotés croissent-ils ? Pas du tout selon VMTD : « Le nombre de FNB décotes demeure relativement stable année après année et continue, cette année, d’être beaucoup plus petit que le nombre de lancements. »
Foisonnement d’innovations
Loin de ressasser les vieilles formules, le marché regorge de nouveaux produits. Par exemple, les FNB à gestion active ont représenté 60% des lancements en 2025. En même temps, abondent les lancements de FNB à titre unique, de FNB avec stratégies d’options, de FNB cryptoactifs et de FNB de titres de créance adossés à des prêts (CLO ETFs).
Bien sûr, la popularité croissante des FNB propulse le nombre de lancements, mais un facteur plus déterminant est la peur de se laisser distancer par les concurrents, juge VMTD. Dès qu’un émetteur de fonds introduit un produit original, plusieurs imitateurs se précipitent à sa suite. « Par exemple, signale VMTD, les émetteurs canadiens cette année ont accouru avec 8 FNB de titres de créances adossés à des prêts AAA, contribuant à congestionner un marché canadien passablement exigu. »
Ce pipeline en croissance accélérée présente de belles occasions, mais rend la concurrence plus sévère. « La prévalence des produits “moi aussi” oblige les émetteurs de FNB à se faire concurrence sur les frais et réduit les marges de nombreux fournisseurs, en particulier les plus petits qui sont moins connus des investisseurs », fait ressortir VMTD.
L’infrastructure en arrière-plan peut-elle tenir ?
Et il ne faut pas oublier la capacité des acteurs en arrière-plan, les mainteneurs de marché et les participants autorisés, qui portent ce marché. « Les acteurs du secteur des FNB, affirme VMTD, tels que les mainteneurs de marché, disposent de ressources limitées, telles que le capital d’amorçage et les capacités de leur bilan, et ne peuvent pas soutenir un nombre illimité de FNB. Par conséquent, les nouveaux produits (en particulier ceux des petits émetteurs) pourraient à l’avenir rencontrer des difficultés pour trouver des partenaires d’amorçage et des mainteneurs de marché. »
L’analyse de BNMF renchérit sur ce thème en rapportant les propos de mainteneurs de marchés qui participaient récemment à un événement à Toronto auquel BNMF n’était pas inclut. Leurs complaintes étaient nombreuses. Notamment, les courtiers désignés (CD) « détiennent des parts initiales jusqu’à leur vente sur le marché secondaire, mais la plupart de ces nouveaux FNB ne suscitent aucun intérêt, laissant les CD avec des parts invendues. Ceci est coûteux », notamment en raison des coûts de couverture pour un mainteneur de marché.
De plus, ils recourent à des opérations de couverture d’une symétrie souvent approximative et doivent soutenir des écarts cours acheteur-cour vendeur justes même quand les marchés sont turbulents et que le FNB est peu négocié. Le faible volume de négociation rend moins rentables leurs activités de maintien de marché. Enfin, les CD « de façon typique, ne reçoivent pas de rémunération explicite pour leurs services de maintien de marché », note BNMF.
Vraiment trop ?
Or, la question s’impose : y a-t-il trop de FNB au Canada ? VMTD soulève la question en laissant flotter un doute : « Du point de vue des émetteurs, écrit-elle, les nouveaux FNB doivent rassembler des actifs, sinon les coûts croissants entraîneront leur fermeture. Du point de vue des mainteneurs de marché, les contraintes en matière de ressources peuvent également limiter le nombre total de FNB pouvant être lancés sur le marché. » Tout cela pointe vers un point d’équilibre à venir — qui ne semble toutefois pas atteint encore.
De plus, le marché a tendance à s’autoréguler de lui-même, certains FNB n’ayant pas atteint un seuil de rentabilité devraient quitter le marché, à terme.
BNMF est plus optimiste. Par exemple, concernant la surenchère de produits au Canada, elle signale que certains facteurs indiquent une congestion uniquement apparente. « Il existe des raisons structurelles qui expliquent pourquoi le Canada compte autant de petits FNB. Étant donné qu’une grande partie de nos FNB sont exposés à des titres américains ou internationaux, le Canada compte plus de 300 FNB libellés en dollars américains ou couverts contre le risque de change. De plus, le Canada compte environ 290 cotations qui sont des catégories d’actions de fonds communs de placement ; 24 des 45 émetteurs actuels proposent cette structure. »
L’idée qu’un nombre croissant de FNB n’atteint pas le succès n’est également qu’apparente. « La réalité veut que, en moyenne, les nouveaux lancements suscitent plus d’intérêt que par le passé, fait remarquer BNMF. Un calcul rapide montre que l’actif sous gestion moyen par FNB au Canada a augmenté de 41 % au cours des cinq dernières années et de 50 % au cours des dix dernières années. La croissance de l’actif sous gestion dépasse donc celle des nouveaux produits. En termes de volume, le chiffre d’affaires global en dollars a augmenté de 80 % au cours des cinq dernières années et a presque quadruplé au cours des dix dernières. »
Quant à un désenchantement des mainteneurs de marché, BNMF est nuancée. Ne laissons pas les arbres individuels masquer la santé de la forêt, propose-t-elle. « Le fait d’envisager la fonction CD comme un “service” offert à ces gestionnaires d’actifs contribue à favoriser une relation à l’échelle de l’entreprise et à générer des revenus accessoires. Regarder chaque cotation isolément peut entraîner les mainteneurs de marché à ignorer des occasions pour eux-mêmes et pour l’industrie. »