Selon un nouveau rapport de la Banque des règlements internationaux (BRI), l’économie américaine est celle qui souffrira le plus de la guerre commerciale en termes de ralentissement de la croissance et de hausse de l’inflation, suivie par le Canada et le Mexique, qui seront également confrontés à la menace de la stagflation.
Dans un nouveau bulletin, plusieurs économistes de la BRI examinent les effets de la montée du protectionnisme commercial, soulignant que, même si l’économie mondiale s’est jusqu’à présent montrée relativement résistante face à la hausse des droits de douane américains, ceux-ci devraient freiner la croissance mondiale.
Au cours du premier semestre, l’économie a été soutenue par un « effet d’anticipation des échanges commerciaux », les États-Unis ayant renoncé à bon nombre de leurs menaces tarifaires initiales et les conditions financières étant relativement favorables, indique le document.
Toutefois, si les droits de douane élevés persistent, leurs effets devraient se répercuter sur l’économie mondiale, ralentissant la croissance économique et alimentant l’inflation.
Si certains pays ont conclu des accords commerciaux bilatéraux, « les droits de douane américains moyens devraient se stabiliser à des niveaux sans précédent dans l’ère moderne », selon le document, ce qui freinera l’économie mondiale.
Des signes des effets négatifs de la hausse des droits de douane sont déjà visibles, note le rapport.
« L’augmentation des coûts commerciaux commence à affecter les bénéfices des entreprises dans certains secteurs manufacturiers, observe-t-il. Les données économiques américaines récentes, telles que la baisse des dépenses privées, l’inflation persistante et le ralentissement du marché du travail, indiquent une faiblesse économique émergente. »
En outre, l’incertitude persistante en matière de politique commerciale « pourrait peser sur la demande intérieure et mettre en péril la croissance mondiale », continue-t-il.
Outre le ralentissement de la croissance, « les effets inflationnistes des droits de douane pourraient également être importants », prévient le document. Ces effets devraient toutefois varier, puisque les mesures ont été imposées unilatéralement par les États-Unis, qui sont confrontés à « une hausse des prix à l’importation [qui] risque d’accroître les pressions sur les prix », précise-t-il.
Sur d’autres marchés, les effets inflationnistes sont moins certains.
« D’une part, la baisse de la demande d’exportations, le détournement des échanges commerciaux et l’appréciation des devises peuvent réduire l’inflation. D’autre part, si les droits de douane perturbent les chaînes d’approvisionnement, une inflation plus élevée pourrait se matérialiser à l’échelle mondiale », analyse-t-il.
Et avec le récent épisode d’inflation mondiale encore frais dans la mémoire des entreprises et des ménages, « les anticipations inflationnistes pourraient être moins bien ancrées dans ce cas », avance le document.
En effet, les pays qui imposent des droits de douane s’exposent à un « choc stagflationniste », selon le document. Les tarifs douaniers « font augmenter les prix à l’importation, ce qui réduit le revenu réel et la demande intérieure ». De leur côté, les pays touchés par les droits de douane subissent une baisse de la demande pour leurs exportations, ce qui entraîne un ralentissement de la croissance et de l’inflation.
Selon le document, divers modèles économiques prévoient « une baisse générale de la croissance de la production » en raison des droits de douane, les États-Unis étant « l’économie la plus touchée en raison des droits de douane imposés à un large éventail de partenaires commerciaux ».
Les autres grandes économies, notamment l’Europe et la Chine, devraient généralement subir des répercussions moins importantes, même si cela dépendra également du niveau final des droits de douane et des éventuelles mesures de rétorsion.
Dans tous les cas, l’économie américaine « reste la plus touchée en termes de croissance et d’inflation », prédit le rapport.
Dans les scénarios prévoyant les droits de douane les plus élevés et des mesures de rétorsion, « le Canada et le Mexique seraient les plus touchés par les effets stagflationnistes, après les États-Unis », avertit-il.
Outre le risque que les mesures de rétorsion exacerbent l’impact de la hausse des droits de douane, il existe également un risque que les conditions financières qui ont amorti l’impact immédiat de cette hausse ne durent pas, met en garde le document.
« L’appétit pour le risque des investisseurs pourrait s’effondrer à mesure que les effets des droits de douane se feront sentir, entraînant un resserrement des conditions financières, indique-t-il. Les valorisations tendues et les vulnérabilités financières existantes pourraient aggraver les corrections du marché, en particulier si les prêteurs se replient et que les effets d’accélération financière se font sentir. »
En outre, la dépréciation continue du dollar américain comporte également des risques, selon le document.
« La fonction d’amortisseur des taux de change pourrait être compromise, ce qui pourrait exacerber les pressions inflationnistes aux États-Unis et les effets désinflationnistes ailleurs », peut-on lire dans le rapport. Une telle dynamique pourrait aussi miner le statut du dollar américain en tant que monnaie refuge à l’échelle mondiale.