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Le premier budget du gouvernement de Mark Carney, dévoilé le 4 novembre 2025 par le ministre des Finances François-Philippe Champagne, divise les acteurs économiques et syndicaux.

Compressions dans la fonction publique

Les grandes centrales syndicales québécoises expriment leurs réserves face aux orientations budgétaires. La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) salue les investissements pour les entreprises et les infrastructures, mais s’alarme des coupes prévues dans la fonction publique fédérale.

« Il ne faut surtout pas oublier que pour Bâtir un Canada fort comme le souhaite le gouvernement fédéral, cela ne peut se faire sans les travailleurs et travailleuses qui sont appelés à livrer les services à la population », souligne Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ.

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) se montre particulièrement critique envers les choix fiscaux. Sa présidente, Caroline Senneville, dénonce les compressions de 15 % sur trois ans demandées aux ministères et organismes publics. « À la lumière de l’ampleur de ce manque à gagner, les compressions demandées aux ministères et aux organismes publics nous apparaissent totalement injustifiées », affirme-t-elle.

La CSN déplore notamment l’abandon de la hausse d’imposition sur les gains en capital et l’élimination de la taxe sur les services numériques, des mesures qui auraient pu rapporter environ 10 milliards de dollars (G$) annuellement selon le Directeur parlementaire du budget.

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) juge pour sa part le budget « décevant et traditionnel malgré un enrobage sucré ». Son président, Éric Gingras, dénonce la suppression d’environ 40 000 postes dans la fonction publique d’ici 2029 et la chute drastique de la croissance des dépenses de programmes, qui passera de 8 % par année à seulement 0,6 % pour la première année.

La CSQ critique particulièrement l’approche gouvernementale concernant l’intelligence artificielle, perçue comme un « outil de compressions budgétaires » plutôt que comme levier d’innovation. L’organisation regrette également l’absence d’investissements substantiels dans le logement social et en environnement.

Des mesures bien accueillies

Du côté patronal, les réactions demeurent plus nuancées. La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) identifie trois mesures phares :

  • les investissements records en défense,
  • l’initiative « Achetez canadien »
  • et les mesures fiscales pour stimuler la recherche et développement.

Toutefois, sa présidente-directrice générale, Véronique Proulx, note que « les taxes et impôts demeurent élevés pour nos entreprises par rapport à leurs concurrents américains ».

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) accueille lui aussi positivement plusieurs mesures, notamment l’amortissement accéléré et les crédits d’impôt pour les énergies propres. Norma Kozhaya, économiste en chef du CPQ, estime que le budget « devrait contribuer à ce que le Canada passe d’une posture défensive à une stratégie de croissance », tout en regrettant que le gouvernement n’ait pas réduit le taux d’imposition des entreprises.

Les pme se sentent oubliées

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) exprime une déception marquée. Jasmin Guénette, vice-président des Affaires nationales, déplore que le gouvernement ait « manqué une occasion de fournir un allègement fiscal significatif aux PME du Canada ».

L’organisation pointe plusieurs exclusions préoccupantes : le Fonds de 51 G$ pour « Bâtir des communautés fortes » se concentrera sur des projets utilisant de la main-d’œuvre syndiquée, excluant 90 % des PME. L’Initiative régionale de réponse tarifaire de 1 G$ exclut également plus de la moitié des PME en raison de leur taille ou secteur d’activité.

Infrastructure et innovation

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) salue quant à elle les investissements de 115 G$ sur cinq ans dans les infrastructures. Sa présidente-directrice générale, Isabelle Dessureault, y voit « un signal clair » que « le développement de nos infrastructures est la pièce maîtresse de la prochaine économie canadienne ».

L’organisation apprécie particulièrement l’investissement de 55 millions sur quatre ans pour les infrastructures aéroportuaires et le Bureau des grands projets, censé accélérer la réalisation d’initiatives comme le projet Alto.

Un contexte économique fragiliséL’économiste en chef de CPA Canada, David-Alexandre Brassard, souligne que le budget « anticipe une conjoncture économique plus difficile que prévu, marquée par une croissance ralentie ». Il note que « la marge de manœuvre du gouvernement fédéral est limitée, et les déficits devraient continuer à croître avant de se résorber ».

L’organisation relève aussi la suppression de plusieurs mesures héritées du gouvernement Trudeau, dont la taxe sur les logements sous-utilisés et la taxe de luxe. Selon John Oakey, vice-président, Fiscalité, ces retraits simplifieront le régime fiscal, mais un examen en profondeur du système demeure nécessaire.

Innovation financière

Enfin, dans le secteur de la fintech, Shakepay, une plateforme d’achat et de vente de bitcoins, accueille avec enthousiasme la reconnaissance des stablecoins comme moyen de paiement. Pour Simon Ross, conseiller principal de l’entreprise montréalaise, cette annonce constitue « un grand pas en avant pour la fintech et les paiements numériques ».

Le budget prévoit un cadre prudentiel géré par la Banque du Canada, des réserves 1:1 et des règles de rachat claires pour garantir la sécurité des fonds. « Il faut maintenant s’assurer que le cadre demeure ouvert, proportionné et accessible », souligne-t-il.