La réduction des barrières commerciales interprovinciales est un objectif louable en soi qui pourrait stimuler l’économie canadienne à long terme, mais elle ne compensera pas les dommages à court terme qu’infligeraient les tarifs douaniers américains, selon les Services économiques RBC.
Dans un rapport publié le 25 février, un économiste de la banque examine les conséquences potentielles du démantèlement des restrictions au commerce intérieur — une idée présentée comme une réponse possible à l’intensification du conflit commercial avec les États-Unis.
Bien que le rapport indique que les efforts visant à réduire les obstacles au commerce intérieur seraient une bonne chose, il prévient que cela ne résout pas entièrement les problèmes tarifaires. En effet, ces efforts stimuleraient probablement la croissance et amélioreraient la productivité et la mobilité de la main-d’œuvre. Toutefois, « le démantèlement des obstacles au commerce interprovincial n’est pas entièrement simple et ne constitue pas non plus une solution miracle aux nombreux défis auxquels la croissance du Canada est confrontée », tempère le rapport.
D’une part, la valeur des échanges entre le Canada et les États-Unis représente environ le double de la valeur des échanges interprovinciaux de biens et de services, et l’impact à court terme des tarifs douaniers américains serait sévère.
RBC prévoit que la croissance du PIB réel pourrait être réduite à zéro cette année, et se contracter de 2 % en 2026, si des droits de douane américains permanents de 25 % étaient introduits.
« La libéralisation du commerce intérieur favoriserait la croissance économique à long terme du Canada, mais elle ne compenserait pas entièrement les conséquences immédiates des droits de douane américains. »
En même temps, l’ampleur et le calendrier des avantages de l’éradication des barrières internes sont incertains, selon le rapport.
Par exemple, une étude de la Banque du Canada en 2017 a suggéré qu’une réduction de 10 % des barrières commerciales interprovinciales pourrait améliorer la croissance potentielle de la production en moyenne de 0,2 % par an — alors que d’autres recherches ont révélé que l’élimination de ces barrières « pourrait stimuler la croissance nationale de 3 % à 8 % à long terme », selon le rapport. « Cela représenterait un gain potentiel de 200 milliards de dollars par an, soit des milliers de dollars par personne. »
Cependant, la faisabilité et le calendrier de réalisation de ces gains sont également incertains — alors que certains changements pourraient prendre effet relativement rapidement, d’autres prendraient plus de temps à se mettre en place.
« Par exemple, la normalisation des exigences en matière de camionnage, la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles et la suppression des restrictions à la vente de biens et de services entre les provinces pourraient immédiatement stimuler l’économie », selon le rapport.
En revanche, les efforts visant à assouplir les barrières géographiques au commerce prendraient beaucoup plus de temps et nécessiteraient « des investissements importants dans les infrastructures favorisant le commerce », continue le rapport.
En outre, ces avantages ne seraient pas répartis de manière égale.
Les provinces les plus petites et les plus éloignées, telles que Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, sont confrontées à des coûts supplémentaires parmi les plus élevés pour leurs marchandises en raison de ces barrières, et ce sont donc elles qui bénéficieraient le plus de leur suppression.
Dans le même temps, les industries du secteur des services sont confrontées à des coûts parmi les plus élevés en raison des différences entre les réglementations provinciales, et ce sont elles qui bénéficieraient le plus d’une réduction de ces obstacles.
« Étant donné que de nombreux services — tels que les services juridiques et financiers — sont des intrants essentiels pour d’autres industries, la réduction des barrières dans ce secteur pourrait créer un effet cumulatif, bénéficiant à de multiples domaines de l’économie », indique le rapport.
Mais, le démantèlement des restrictions pourrait avoir des retombées négatives pour certaines entreprises et industries.
« Les provinces ont des priorités économiques distinctes et ont mis en œuvre ces mesures pour protéger leurs économies nationales, et pas nécessairement pour réduire l’efficacité des échanges. Ces barrières reflètent souvent les efforts déployés pour soutenir les industries locales, maintenir les normes réglementaires et assurer la stabilité économique au sein de leurs juridictions », note le rapport.
En fin de compte, le rapport suggère qu’il y aura probablement une période d’ajustement, avant que l’économie dans son ensemble ne réalise les bénéfices du libre-échange interne.