Une photo du bâtiment de la Banque du Canada.
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Réticente à adopter des taux d’intérêt négatifs, la Banque du Canada a décidé de laisser son taux de référence à 0,25 %. Elle a toutefois dévoilé une nouvelle série de mesures d’urgence, dont des plans visant à créer des dizaines de milliards de dollars afin d’acheter des obligations provinciales et des dettes d’entreprises, rapporte le Financial Post.

« L’économie canadienne connaît une contraction importante et rapide, a noté le gouverneur Stephen Poloz. Le choc est mondial, il touche tous les pays, mais les pays producteurs de matières premières comme le Canada sont touchés doublement. À très court terme, les décideurs politiques ne peuvent guère faire plus que d’amortir le choc. »

Focalisée sur le présent, la Banque du Canada a refusé de faire des projections, rendues extrêmement incertaines en raison de la crise. Au lieu de cela, elle a publié une « analyse de scénario » le 15 avril dont les résultats dépendent du temps que les autorités mettront à maîtriser l’épidémie.

Rappelons que le Fonds monétaire international, confronté aux mêmes incertitudes, a décidé de publier une perspective, selon laquelle le « Grand Lockdown » entraînera une contraction du PIB mondial de 3 % en 2020, soit la plus grande contraction depuis la Grande Dépression, suivie d’une croissance de 5,8 % en 2021.

« La banque ne se considère pas comme étant dans une sorte de concours de prévisions, a dit Stephen Poloz pour expliquer le choix de la Banque du Canada. C’est un outil de prise de décision, par opposition à la présentation de chiffres qui peuvent avoir un contenu analytique très limité. »

Malgré cela, la division de l’analyse économique de la banque centrale du Canada travaille d’arrache-pied. Le personnel intègre de nouvelles sources de données continuellement pour prévoir ce que les prochaines semaines et mois réservent.

Stephen Poloz a ainsi annoncé que l’expérience de la Chine en matière de réouverture de son économie fournissait des données sur la façon dont cette même opération se déroulerait en Europe et en Amérique du Nord.

Malgré son hésitation à faire des prévisions, la Banque du Canada avertit le public de se préparer à un printemps terrible. Elle prévient ainsi que le PIB pourrait être de 15-30 % inférieur à ce qu’il était à la fin 2019. L’inflation pourrait également tomber à zéro : les hausses des biens et des denrées alimentaires seront ainsi compensées par l’essence bon marché et une demande globalement plus faible.

« Malgré un niveau élevé d’incertitude, ces estimations suggèrent que le ralentissement à court terme sera le plus fort jamais enregistré », a déclaré la Banque du Canada.

 Les deux pieds dans l’inconnu

Stephen Poloz pousse la Banque en terrain inconnu en débloquant plusieurs milliards de dollars pour soutenir l’économie, dont 50 G$ pour acheter de la dette provinciale et 10 G$ pour acheter des obligations d’entreprises de qualité sur le marché secondaire. Cela expose la Banque à des considérations politiques, mais le besoin de liquidité semble justifier cette décision de Stephen Poloz.

« La liquidité, et non le risque moral, est le mot d’ordre du jour », a déclaré Kyle Hanniman, professeur adjoint à l’université Queen’s de Kingston (Ontario), qui étudie la dette publique.

Les milliards de dollars injectés dans l’économie pourraient amener à une reprise rapide. Nombre de chômeurs travaillent dans des secteurs où il y a une grande rotation des emplois, ce qui pourrait aider à redevenir opérationnel rapidement.

Toutefois, un autre scénario existe. La récession pourrait modifier la nature de l’économie entraînant ainsi une croissance lente pendant une longue période et certaines entreprises pourraient ne pas revenir ou les employeurs pourraient décider de réduire leurs effectifs, augmentant ainsi le chômage.

« Ces effets pourraient causer des dommages structurels à l’économie qui pourraient ne pas être réparés avant plusieurs années, voire jamais », a déclaré la banque centrale.

Seul l’avenir nous dira quel scénario était le bon.